Un cas d'école de la démarche EnergieSprong

Anne-Lise Favier
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Chantier Energiesprong Raismes

À Raismes, commune minière du Nord, l’école Anne-Godeau a entamé une nouvelle page de son histoire. Cette école construite il y a 60 ans a en effet entièrement fait peau neuve. Et c’est peu dire : de passoire thermique (un diagnostic de performance énergétique classé F), elle est devenue modèle de vertu et figure d’exemple pour ceux qui la visitent. 

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Le secret de sa transformation ? Une rénovation grâce à la méthode EnergieSprong. Cette dernière, jusqu’à présent réservée à la rénovation de logements collectifs voire d’habitations individuelles, repose sur un cahier des charges précis, favorisant l’isolation par habillage extérieur, en un temps record, le tout en site occupé.

Une démarche innovante et qui semble surtout particulièrement adaptée pour la rénovation d’une école, même si, de l’aveu du maire de la ville, Aymeric Caron, « on est plus habitué à voir de la performance énergétique sur du neuf ». 

Le défi : rénover en site occupé

« Energiesprong est une technique venue des Pays-Bas. Elle permet de faire baisser les coûts et de travailler en site occupé ; cela nous paraissait idéal pour la rénovation d’un bâtiment scolaire, qui sont les plus lourds à entretenir. A titre d’exemple, on avait calculé que l’entretien de l’école nous coûterait 8 millions d’euros sur les années à venir si on la maintenant en l’état ; la rénovation énergétique s’imposait », explique Jean-Paul Mottier, adjoint au maire chargé de la transition, de l’aménagement et du développement du territoire communal.

Après plusieurs années de réflexion pour voir le projet mûrir, l’équipe municipale lance en 2019 une étude de rénovation en site occupé pour faire de cette école des années 60 un bâtiment du XXIe siècle, passif, biosourcé et à énergie zéro. Mais, comme le reconnaît Jean-Paul Mottier, « je ne crois pas qu’on puisse faire plus compliqué ».

Dès le départ, les candidats à l’appel d’offres ne se bousculent pas. Il faut dire que le défi est de taille : transformer une école du siècle dernier en bâtiment exemplaire à énergie zéro. C’est Greenflex qui se voit confier l’assistance à la maitrise d’ouvrage pour rédiger le dossier de consultation des entreprises. 

a crise sanitaire liée au Covid ralentit l’avancée du projet mais en 2021, la phase de consultations des entreprises démarre avec deux offres déposées : HDF Construction (Denain) est retenue. Le chantier est prévu pour être réalisé en site occupé durant l’année scolaire suivante, en un temps record. 

Tout pour la performance énergétique

Les travaux débutent en septembre 2022, non sans quelques écueils qui ont nécessité de multiples ajustements. « Première difficulté, de l’amiante dissimulée », raconte Aymeric Caron, l’édile de Raismes. Même si l’opération de désamiantage se fait dans les règles de l’art, une telle opération au voisinage d’enfants suscite de l’inquiétude.

Second écueil, les travaux de structure : un renfort a dû être opéré, notamment du fait de la pose des panneaux photovoltaïques sur le toit, tandis que le désamiantage a été mené en même temps que le démontage des anciennes installations. Résultat : un rallongement du délai des travaux de deux mois, pas idéal dans un calendrier serré

Un projet vertueux et 100 % local

« De l’EnergieSprong à la française », selon Jean-Paul Mottier. En dehors de la technique qui est directement inspirée de celle née aux Pays-Bas, cette rénovation s’est entièrement appuyée sur des entreprises locales avec des matériaux biosourcés : de Greenflex qui a mené l’assistance à la maîtrise d’ouvrage, à HDF Construction, toutes les entreprises ayant travaillé sur le chantier sont des entreprises locales, jusqu’à la pose des panneaux solaires qui est l’œuvre de Senelis, une entreprise basée à Fretin. Le CD2E, cabinet spécialisé dans l’éco-transition a, quant à lui, œuvré, pour proposer des solutions biosourcées à ce chantier exemplaire.

Handicap et parité pris en compte

Outre les nouveaux équipements installés, notamment une centrale de traitement de l’air, des pompes à chaleur, des éclairages Led et de nouveaux sanitaires, une percée est créée pour y installer un ascenseur, pour les élèves et personnels à mobilité réduite.

Dans la cour, des cuves d’eau de pluie ont été installées alors que sur le toit, des panneaux photovoltaïques ont permis à l’école de devenir entièrement passive : « l’idée de cette rénovation était d’être entièrement autonome et de ne plus dépendre du gaz. Non seulement l’école est auto-suffisante mais elle permet en plus d’alimenter la mairie et la salle des fêtes », se félicite Jean-Paul Mottier.

Côté extérieur, l’enveloppe du bâtiment a été entièrement refaite, avec des châssis préassemblés comprenant les menuiseries (triple vitrage). Au total, une centaine de caissons en bois de mélèze a été nécessaire pour redonner un nouveau visage à cette école qui fait d’ores et déjà figure de pionnière. 

« Le travail en site occupé a nécessité un gros travail d’ajustement constat avec l’équipe enseignante », raconte de son côté Sylvia Potier, adjointe à l’enfance et à la vie scolaire. Faire classe dans la cour s’avère plus compliqué que prévu et les réunions se multiplient entre l’équipe éducative, les parents d’élèves, la mairie et l’inspection académique.

Chacun a d’ailleurs été mis à contribution, même les enfants qui ont longuement réfléchi à l’usage de la future cour : « l’égalité fille-garçon se travaille dès le plus jeune âge », justifie-t-elle. Non seulement 80 % des jeux de cour était jusqu’alors occupé par les garçons avec les jeux de ballon, mais en plus, la cour en bitume est mal exposée, notamment les jours de grosse chaleur.

Une paysagiste est alors missionnée pour ajouter de la verdure : « il fallait à la fois désimperméabiliser et végétaliser, dans la logique du changement climatique qui se profile, pour offrir une cour d’école qui soit à la fois fonctionnelle et agréable pour les usages voulus par les enfants », détaille Karine Haudrechy, de Lampsane Paysage.

Côté bâtiment, les travaux avancent, mais la réalisation en site occupé est un vrai défi : beaucoup de bruits, de poussières, de coupures d’électricité intempestives, de risques de coupure de chauffage en plein hiver… Compliqué à gérer avec les enfants scolarisés. L’idée a donc été de délocaliser l’école dans la cour : « C’est la seule solution technique qui nous est apparue réalisable », estiment de concert Jean-Paul Mottier et Sylvia Potier.
 

Surcoût non négligeable

Ces différents aléas ont considérablement rallongé le montant de l’enveloppe dédiée aux travaux : « c’était un projet estimé au départ à 4 millions d’euros, mais qui a très vite eu un surcoût de 1 à 1,5 million supplémentaires, rien que pour la structure », détaille Aymeric Caron.

Auxquels se sont ajoutés d’autres coûts qui ont fait monter l’enveloppe finale à 7 millions d’euros. Mais les partenaires financiers ont suivi (5 millions au total pour la Communauté d’agglomération, l’État, le département, la région et l’Europe à travers Interreg).

Un surcoût, certes, mais qui s’avère un calcul à long terme : « construire une nouvelle école nous aurait coûté plus de 7 millions d’euros », tempère le maire de Raismes. Au final, cette école 2.0 fait désormais figure d’exemple et préfigure ce que pourraient être les écoles de demain : des bâtiments municipaux auxquels on a redonné une seconde vie, plus vertueuse, tout en préservant les usages.

Le chantier en images

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Chantier Energiesprong Raismes
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Chantier Energiesprong Raismes
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Chantier Energiesprong Raismes

Le chantier en bref

Rénovation de l’école Anne-Godeau à Raismes (59)
- Année de construction : 1963 (bâtiment principal) – 1968 (extension)
- 20 salles dont 13 classes, 250 élèves en maternelle et classes élémentaires
- 2 bâtiments en R+2
 

Partenaires
- Greenflex : assistance à la maîtrise d’ouvrage dans la démarche EnergieSprong
- HDF Construction : entreprise familiale de Denain (59) en charge de la coordination technique du chantier pour coordonner les 20 sous-traitants
- Les murs ont des plumes : architecte dont la philosophie est de placer l’usager au centre de ses réflexions, déjà expérimentée dans les lieux d’enseignement
- Lampsane Paysage : paysagiste-conceptrice, pour la cour de l’école
- Sunelis : fourniture et pose des panneaux solaires
- Nortec : étude technique
- Dekra : vérification réglementaire
- Laurence Lefevre : sécurité du chantier
- Le CD2E : recherche des matériaux biosourcés et conseil des équipes
- Le Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement du Nord, pour les ateliers participatifs, avec les enfants pour l’aménagement de la cour.
Investissement total : 7 M€ dont 2 en autofinancement (le reste issu de la communauté d’agglomération, de l’État, la région, le département, l’Europe (Interreg) et le programme Mustbe0.

Un chantier colossal

Les établissements scolaires représentent 45 % du patrimoine des collectivités. En surface, cela se chiffre à 140 millions de m2, si l’on rassemble les quelques 51 000 écoles, les collèges et les lycées. Si les lycées sont à la charge de la région, les collèges à celle des départements, les écoles, dépendent, quant à elles, de la commune où elles se trouvent.

D’ici à 2030, la loi exige que ces bâtiments consomment 40 % d’énergie de moins que sur la période de référence (2010-2025). Puis 50 % en 2040 et jusqu’à 60 % en 2050. Sacré défi. Devant l’ampleur de la tâche, le Sénat a rendu fin juin 2023 un rapport d’information parlementaire sur la transition écologique du bâti scolaire.

Il propose une douzaine de recommandations pour mieux accompagner les élus locaux dans cette transition : parmi elles figure la simplification de l’accès aux dotations et subventions et la coordination du pilotage de la transition écologique des bâtiments scolaires.

Un premier bilan du plan “Édurenov - 10 000 écoles” devrait être effectué fin 2024 pour quantifier le nombre de projets, leurs coûts le type de rénovation prévu et enfin leur financement.
Consulter le rapport : https://www.senat.fr/rap/r22-800/r22-800.htm

Anne-Lise Favier
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