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Et si la chaleur pouvait se stocker indéfiniment ?

Grégoire Noble
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[Zepros Energie] A en croire les spécialistes, la chaleur est un important vecteur de la transition énergétique. Pourtant, il est difficile de la stocker à long terme ou de la transporter sur de grandes distances. Jean-Emmanuel Faure, le fondateur de Water Horizon, a peut-être trouvé la solution. Explications.
La valorisation de la chaleur fatale de différents procédés industriels pourrait être une bonne solution pour décarboner l’énergie consommée en France. Localement, certains territoires tirent ainsi avantage des usines qui y sont implantées, comme Dunkerque qui alimente son réseau de chaleur grâce à une aciérie. Mais que faire lorsqu’il n’y a pas de débouchés locaux pour une grosse unité implantée en zone rurale produisant une grande quantité de calories, ou au contraire pour une grande agglomération à la recherche de sources décarbonées afin d’alimenter son chauffage urbain ? Serait-il possible de faire correspondre finalement production et besoin distants ? Jean-Emmanuel Faure, ingénieur spécialisé en mécanique des fluides et fondateur de Water Horizon, répond : « La récupération et le stockage de chaleur fatale à basse température – c’est-à-dire comprise entre 100 °C et 200 °C pour ne pas concurrencer la cogénération – pourrait se faire sur des fumées à la sortie de fours industriels de cimenteries par exemple. La valorisation potentielle de cette chaleur, en France, est un marché qui dépasserait le milliard d’euros par an ». Un réservoir énergétique qui est, jusqu’ici, totalement inexploité.
Mais comment conserver dans le temps ces calories pour les utiliser au moment où l’on en a besoin ? « J’ai développé une batterie thermique mobile, sans déperdition, qui permet un stockage de long terme et découple, spatialement et temporellement, la production et l’utilisation ». Sa solution n’est pas un stockage par chaleur sensible, c’est-à-dire en élevant la température de solides (sels fondus) ou de liquides (eau) conservés dans des enceintes isolées. Il ne s’agit pas non plus de matériau à changement de phase. L’inventeur se limite à parler d’une « réaction thermochimique réversible » qui absorbe ou fournit des calories à la demande, suivant la mise en présence d’un réactif. D’où la possibilité de conserver et de transporter la chaleur pour l’utiliser ailleurs, dans un procédé de séchage à basse température ou dans le chauffage de bâtiments.
Interrogé sur la densité de ce stockage, Jean-Emmanuel Faure précise : « Dans une remorque de semi, il est possible de stocker 8 MWh », ce qui est beaucoup plus dense que les stockages par chaleur latente ou sensible. A titre de comparaison, le réseau urbain de Brest s’est doté d’une citerne de stockage de 1.000 m3 d’eau chaude à 90 °C (qui n’est donc pas déplaçable) représentant une capacité de 17 MWh... Le fondateur de Water Horizon, qui planchait à l’origine sur la désalinisation d’eau de mer, estime que l’industrialisation de son procédé se fera prochainement, lui-même assurant les fonctions de bureau d’études et de fabricant, mais délégant l’exploitation des installations à l’opérateur Dalkia. Les aventures de la chaleur perdue ne font que commencer.

G.N.

Lexique :Énergie renouvelable : source d’énergie dont le rythme de renouvellement naturel est assez rapide pour être considéré comme inépuisable à une échelle humaine. Il s’agit par exemple des apports solaires (lumière et chaleur), des vents, courants ou marées, de la chaleur des sols ou encore de la biomasse ;Énergie de récupération : valorisation d’une énergie qui était auparavant simplement perdue. Cette récupération est considérée comme « propre » puisqu’elle vient remplacer une production dédiée potentiellement émettrice de CO2 ;Chaleur fatale : chaleur générée par un procédé, dont ce n’est pas la finalité première, et qui n’est pas récupérée ;Chaleur sensible : modification de la température d’un matériau ;Chaleur latente : modification de l’état physique d’un matériau (sublimation, vaporisation, condensation, liquéfaction...).
Grégoire Noble
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