« Il fallait être costaud et serein, avec un moral d’acier »Claude Kopff (Würth France)

Grégoire Noble
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Zepros Négoce : Comment s’est déroulée l’année 2019 ?

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Claude Kopff : Elle a été plutôt bonne, pour nous comme pour nos clients avec une progression de 8,5 % de notre chiffre d’affaires. Nous sommes présents sur différents marchés et ceux de la construction, du bâtiment et du bois ont été particulièrement satisfaisants, avec 9,8 % de croissance soit 380 M€, ce qui représente 60 % du CA de Würth France. Les autres marchés ont également progressé, que ce soit le métal et la maintenance (+8 %) ou l’auto et le cargo (+7 %). Nous avons poursuivi nos investissements, avec plus d’une vingtaine d’ouvertures de magasins en B2B, un record ! En tout, ces 154 magasins représentent 22 % de notre activité. Le digital atteint quant à lui 10 %, tandis que les 68 % restants sont réalisés en vente directe, par nos conseillers commerciaux, illustrant ainsi parfaitement notre stratégie multicanale.

Zepros Négoce : Et 2020 ?

Claude Kopff : Concernant cette année, elle avait plutôt bien démarré. Janvier et février ont été cohérents avec la fin 2019 et des croissances de l’ordre de 10 %. Puis il y a eu une chute brutale après le 17 mars. Le mois d’avril a été le pire mois de notre histoire, puis il y a eu une légère reprise en mai. Concrètement, nous réalisons -38 % en mars, -74 % en avril et -29 % en mai, soit un trimestre à -47 %. Mais nous sommes agréablement surpris par un mois de juin encourageant.

Zepros Négoce : Comment avez-vous géré cette période difficile ?

Claude Kopff : Pendant cette crise majeure, gérée avec nos équipes, nous avons mis 97 % de nos 4 000 employés au chômage partiel. Nous avons assuré un service minimum pour nos clients, sur la base du volontariat, avec une quarantaine de points de vente ouverts en mode « drive-in ». L’équipe logistique d’Erstein tout comme l’e-business, a continué à travailler. En revanche, notre plateforme logistique de Montélimar, qui dessert la moitié sud du pays, était en arrêt. Toute la marchandise a donc été livrée directement depuis la plateforme logistique attenante au siège en Alsace.

Zepros Négoce : Votre sentiment sur la crise ?

Claude Kopff : Cela a été un sacré challenge, notamment de tout mettre en place avec notre DRH, Anouk Golly, en accord avec la Direccte, qui nous a fourni une aide précieuse. Les échanges avec nos interlocuteurs ont été très enrichissants et les conseils nombreux, au quotidien. L’inspectrice du travail a également été un contact d’une grande aide. Il faut dire que cette crise a été sournoise et inquiétante pour les gens, en particulier en Alsace, où nous sommes implantés, à 80 km du cluster de Mulhouse. Nous avions des réunions Skype hebdomadaires avec la direction du groupe en Allemagne, où chaque pays faisait le point de la situation. Cela a été véritablement intéressant d’échanger et de faire du benchmark avec les autres filiales du Groupe. La France – qui est la première filiale étrangère de Würth – a connu la chute de chiffre d’affaires la plus importante, davantage même que l’Espagne ou l’Italie, où l’activité a diminué de 40 ou 50 %. Ceci certainement en raison de la mise en place par l’Etat d’un système de financement du chômage partiel et d’un confinement drastique. Mais nous avons pu compter sur le soutien total de la direction du groupe et de la famille Würth.

Zepros Négoce : Qu’en est-il de la reprise ?

Claude Kopff : Etant sportif, j’ai toujours parlé de période d’échauffement. Les effectifs se renforcent petit à petit, semaine après semaine. Nous avons trois priorités : éviter les pertes, éviter les licenciements et continuer à servir nos clients du mieux possible. Depuis la fin du mois de juin, l’ensemble de Würth France est sorti du chômage partiel. Comment va être la conjoncture ? Je ne peux vous le dire. Il serait prétentieux d’affirmer que tout va bien aller. Comment seront les chantiers dans trois mois ? Quelle sera la situation financière des entreprises ? Je suis incapable de vous le dire.

Zepros Négoce : Quel objectif vous fixez-vous pour 2020 ?

Claude Kopff : Pour Würth France, nous n’arriverons pas à rattraper la totalité du retard accumulé, mais nous parviendrons peut-être à -7 ou -8 % en année pleine. Nous dépendons de nos clients, mais nous avons fait le pari de continuer à investir. Nous allons encore effectuer une douzaine d’ouvertures de magasins en plus des trois déjà réalisées entre les mois de janvier et d’avril. En tout, nous aurons ouvert entre 15 et 17 magasins supplémentaires en fin d’année.

Zepros Négoce : Des perspectives positives donc…

Claude Kopff : A la rentrée, nous recruterons au moins trois ou quatre personnes pour renforcer notre équipe digitale, forte de 25 collaborateurs. Ce service a été très sollicité pendant la crise, y compris par les grands comptes. Nous allons donc mettre l’accent dessus. Il y aura également le grand chantier de modernisation de nos deux centres logistiques, qui représente un projet de 4 ou 5 ans et qui nécessitera plusieurs dizaines de millions d’euros d’investissement. Il nous faut absolument les moderniser pour améliorer la productivité et l’outil de travail. Nous y œuvrons déjà avec des ingénieurs et des spécialistes. Ce chantier pourrait être lancé en 2021 ou 2022. Il s’agira alors du plus gros chantier que Würth France aura connu en 54 ans d’histoire.

Zepros Négoce : À titre personnel, comment avez-vous vécu la première moitié de 2020 ?

Claude Kopff : J’ai mesuré à ce moment-là, que lorsque certaines décisions importantes devaient être prises, il fallait être costaud, serein et soutenu par le groupe. Je ne vous cacherai pas que j’ai été bien épaulé par Anouk Golly, directrice des Ressources humaines de Würth France, nommée en janvier dernier ! Un baptême du feu extraordinaire pour elle. J’ai un moral d’acier et une certaine hygiène de vie, ce qui pour moi est déterminant et m’a permis de bien vivre cette période. Mais je vous avoue que je suis tout de même soulagé depuis quelques jours. Cette crise a également renforcé les liens entre les membres du comité de direction, sans oublier les partenaires sociaux, qui ont mesuré les décisions à prendre pour assurer la pérennité de l’entreprise.

Propos receuillis par Grégoire Noble

Grégoire Noble
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