[TOP100] « Le négoce Quofi entre résilience et questionnements » (Valérie Lachenal, FFQ)

Stéphane Vigliandi
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UNE ÉROSION D’ACTIVITÉ DANS LA MOYENNE DU NÉGOCE BÂTIMENT
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Valérie Lachenal : Tout au long des 55 jours de confinement, puis durant les premières semaines de déconfinement progressif, nos entreprises s’en sont plutôt bien sorties. Selon les derniers indicateurs bimensuels que la FFQ a consolidés et diffusés le 20 mai, l’activité moyenne en valeur ressort -26% en mai 2020 comparée à la même période de 2019. La fédération qui, en principe, se concentre sur les dossiers RH et Social, a mis en place cette enquête d’activité, dès fin mars, pour pouvoir mutualiser les données avec l’ensemble de l’Appro du Second Œuvre Bâtiment & Industrie au sein de la CGI. Globalement, notre filière se situe dans les mêmes eaux que le reste du négoce. Jusqu’à mi-mai, les grossistes ciblant une clientèle mixte (pros et particuliers) et qui ont pu s’organiser pour servir au comptoir sans contact, ont sans doute un peu mieux résisté que leurs confrères servant uniquement en drive sécurisé. Et si un reconfinement devait être envisagé, les Pouvoirs publics devraient absolument laisser fonctionner nos entreprises qui jouent un rôle majeur dans l’approvisionnement de l’industrie et du bâtiment. Si d’autres marchés du négoce (matériaux, bois, matériel électrique, finitions…) sont peut-être mieux aguerris au click & collect, l’univers du quofi s’appuie encore avant tout sur la vente physique au comptoir. Le client professionnel (artisan, collectivité locale, voire le grand compte de l’industrie) vient nous voir pour y trouver des solutions techniques et pas seulement des produits. L’essence même de nos métiers, notamment chez les indépendants, peut expliquer qu’une partie de la profession ne soit pas forcément rodée au drive : un format assez chronophage en termes de ressources.

EN PHOTO Présidente de la FFQ et PDG de l’entreprise savoyarde éponyme, Valérie Lachenal estime que le baromètre bimensuel de la fédération est amené à être diffusé « durant tout le temps de la crise Covid ». Ensuite, l’exercice sera-t-il pérennisé ? C’est ce que plébiscitent 78 % des adhérents ayant répondu à la dernière enquête FFQ.

INDUSTRIE : 1 / BÂTIMENT : 0, MAIS…

V. L. : Dès le début de l’état d’urgence sanitaire, les grossistes plutôt axés sur les métiers de l’Industrie avaient réussi – jusqu’à présent – à tirer leur épingle du jeu. Désormais, dans le secteur automobile par exemple, les chaînes de production sont en stand-by et affichent une chute des ventes historique [les immatriculations de voitures neuves ont dévissé de -38,6 % au 1er semestre 2020, “malgré” +1,6 % en juin selon le CCFA]. Aujourd’hui, la tendance semble s’inverser à la faveur des marchés du Bâtiment dont l’activité, bien qu’encore dégradée, retrouve un peu de vigueur. En outre, durant le confinement, la fermeture des GSB physiques a pu permettre d’alimenter un certain volant d’affaires en agence. Ce retour des particuliers en quincailleries a parfois généré des tickets moyens qui ont triplé par rapport à la normale ! Peut-être avons-nous aussi capté une frange de clients habitués des négoces matériaux où ils s’approvisionnent en quincaillerie du bâtiment… Avec le déconfinement, il faudra voir si nous saurons les garder et les rendre plus captifs.

DES “RÉAPPROS” QUI NE SUIVENT PAS FORCÉMENT TOUS ?

V. L. : Dès le début du déconfinement, tous nos adhérents avaient déployer l’ensemble des protocoles barrières dans leurs points de vente. Sur ce sujet, nous avons un “avantage” par rapport à d’autres filières du négoce. L’univers Hygiène-Sécurité-Prévention fait partie de nos fondamentaux. Les grossistes avaient déjà en stock la majorité des fournitures Covid pour leurs clients, mais aussi pour équiper leurs propres salariés. Bien sûr, il a souvent été compliqué de trouver des fournisseurs de masques jusqu’à mi-avril pour réalimenter les stocks centraux et tampons. Des solutions ont été trouvées – parfois en mutualisant, chez certains grossistes, les achats. Néanmoins le sujet des réapprovisionnements en EPI* pourrait devenir plus prégnant pour certaines familles de produits. Il y aussi certaines difficultés de réassort qui pourraient avoir des incidences sur l’activité des semaines à venir. En outillage à main [certaines forges n’ont repris une activité partielle que début mai] et peinture entre autres, les principaux fournisseurs n’ont relancé leurs chaînes de production et la logistique que “tardivement”. Quant aux grossistes disposant d’un parc Acier, jusqu’à présent il n’y a pas eu de réelles tensions sur les stocks et appros. Là aussi, la situation pourrait se durcir.

* Dès fin mars/début avril 2020, des marques de gants de protection, par exemple, ont dû réorienter leurs productions vers la fabrication de masques alternatifs en tissu.

DÉFAUTS DE PAIEMENT CLIENTS : ÇA PEUT FAIRE BOUM ?

V. L. : Dès fin avril, près de 50 % de nos membres ont été confrontés au moins une fois au rejet d’une lettre de change relevé (LCR) équivalent à environ 9 % de l’échéance globale ! Ce n’est pas neutre en termes d’exploitation. À propos des mesures de chômage partiel qui sont moins généreuses depuis le 1er juin, la fédération a reçu de nombreux appels d’adhérents à ce sujet. A priori, des grossistes envisageraient de mettre en place des plans de sauvegarde de l’emploi*. S’il n’y a pas de profil type, ces entreprises étaient soit déjà fragilisées avant la crise sanitaire : 27 % des entreprises adhérentes déclarent qu’elles seront amenées à réduire leur effectif dans les prochains mois. À l’instar du choc financier de 2006-2007, le paysage du négoce Quofi pourrait-il encore… se reconfigurer ?

* L’Unedic prévoit la destruction de 900 000 emplois salariés fin 2020 vs fin 2019 dans l'ensemble de l'économie française.

LES LEÇONS D’UNE CRISE

V. L. : Sans doute va-t-il falloir encore intensifier les démarches au niveau de la digitalisation des parcours clients* tout en conservant cette dimension fondamentale du comptoir de vente physique dans l’univers de la Quincaillerie. Si la solitude du chef d’entreprise peut être parfois une réalité, cette crise plus que tout autre démontre aussi l’importance de se fédérer, de mutualiser les bonnes pratiques, les retours d’expérience dans un esprit de confiance.

* Côté back-office, l’EDI doit enrichir la fiabilité et la traçabilité des flux de datas fournisseurs/distributeurs via les plateformes communes Edoni ou Fab.Dis.

Propos recueillis par Stéphane Vigliandi

FFQ • Chiffres-clés

• 12 Md€ HT de CA cumulé en 2019

Environ 300 entreprises adhérentes approvisionnant les entreprises en fournitures pour l’industrie (40 %), le bâtiment et l’habitat

• 2 500 points de vente

• 14 000 salariés (effectifs des adhérents) ; 27 000 collaborateurs pour la branche*

* Tous les spécialistes Quofi ne sont pas membres de la FFQ

Stéphane Vigliandi
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