[Exclu] « Je souhaite créer un Pacte de la rénovation »
Pour sa première grande interview dans la presse, la ministre détaille pour Zepros son plan d’actions pour soutenir les actions engagées. Confirmant la pérennisation – souhaitée par les acteurs du secteur – de MaPrimeRénov’, des CEE et de l’éco-PTZ, Valérie Létard annonce qu’elle travaille sur une banque de la rénovation énergétique et à la simplification de règles administratives pour faciliter les efforts.
Si nous voulons atteindre la neutralité carbone dans nos bâtiments en 2050, nous n’avons pas de temps à perdre. Il faut rappeler que les bâtiments représentent près de 44 % des consommations d’énergie de la France et 23 % des émissions de gaz à effet de serre. Plus grave, mais c’est évidemment lié : près d’un tiers des Français ont eu froid pendant l’hiver dernier selon le médiateur de l’énergie. C’est deux fois plus qu’en 2020. Or, c’est le montant des factures qui force 75 % des ménages à baisser le chauffage. Ce n’est pas normal, et ma mission au sein du gouvernement est de trouver des solutions pour que les Français n’aient pas, en 2024, à choisir entre le portefeuille et le chauffage.
Cela passe principalement par la stabilité des dispositifs d’aide à la rénovation énergétique comme MaPrimeRénov’, que j’ai obtenue pour 2025. Cela passe aussi par le pré-financement des aides, pour que cela ne pèse pas sur la trésorerie des ménages, et par le financement du reste à charge des travaux. J’ai confié une mission à deux sénatrices et à des acteurs du monde immobilier et bancaire pour approfondir l’idée d’une banque de la rénovation énergétique, qui accomplirait ces missions en complémentarité des banques classiques.
« Nous avons désormais tous les outils pour retrouver un rythme ambitieux de rénovations »
MaPrimeRénov’ est un levier essentiel de la rénovation énergétique. Bien que l’année 2024 ait révélé des défis et des ajustements nécessaires, nous avons désormais tous les outils pour retrouver un rythme ambitieux de rénovations et accompagner les Français dans cette transition cruciale. Je veux que MaPrimeRénov’ soit une aide accessible, stable et structurée pour encourager chaque propriétaire, chaque bailleur, à engager les travaux de rénovation dans les meilleures conditions possibles. Par ailleurs, nous avons tiré les leçons des ralentissements observés début 2024, en réintégrant les monogestes – travaux ciblés mais efficaces – dans le dispositif, une mesure qui répond à la demande de nombreux propriétaires pour des interventions accessibles, réalisables, et qui constituent une première étape dans les parcours de rénovation. Les chiffres montrent déjà une remontée des dossiers de demande au second semestre 2024, et nous voulons entretenir cette dynamique.
Nous poursuivons un objectif de 700 000 rénovations par an pour atteindre nos cibles climatiques et énergétiques. Cette ambition ne pourra se réaliser sans un engagement collectif, et c’est pourquoi je souhaite mettre en place un Pacte de la rénovation. L’idée est que chaque acteur, l’État compris, prenne des engagements fermes pour contribuer à cet effort national de rénovation.
Le dispositif des certificats d’économie d’énergie est complémentaire des aides directes telles que MaPrimeRénov’. D’ailleurs, en lien avec Agnès Pannier-Runacher [ministre de l’Écologie, ndlr], nous avons rapproché les deux mécanismes pour les travaux de rénovation globale. Par ailleurs, le gouvernement a lancé le 4 novembre la consultation publique sur la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et a annoncé à cette occasion la pérennisation du dispositif CEE.
La précarité énergétique qui touche de plus en plus de ménages nécessite une réponse forte et adaptée de notre part. En France, près de 4,8 millions de logements sont aujourd’hui considérés comme des passoires énergétiques, avec des étiquettes F et G, et près d’1,5 million de ces logements se situent dans le parc locatif privé. Cette situation appelle à la mobilisation de tous pour offrir des solutions pérennes et accessibles aux foyers les plus vulnérables. D’abord, pour accélérer la rénovation des logements les plus énergivores, nous avons mis en place une série de mesures structurantes. La progression des critères de "décence énergétique" jusqu’en 2034, avec des interdictions progressives de mise en location des logements étiquetés G, F, puis E, envoie un signal clair à tout le secteur. Ce calendrier doit également garantir la protection des locataires et une maîtrise des charges.
« Nous devons aller plus loin en favorisant les innovations durables »
Nous travaillons actuellement à des ajustements pour simplifier et adapter la mise en œuvre de cette loi, notamment pour les copropriétés, souvent confrontées à des contraintes spécifiques. Notre réponse à la précarité énergétique est donc globale, avec des dispositifs d’accompagnement renforcés, des incitations à la rénovation massive, et une adaptation de la législation pour répondre aux situations spécifiques, notamment dans le parc locatif privé.
La décarbonation du secteur du bâtiment est une priorité majeure du gouvernement, avec des actions concrètes et une vision claire pour accélérer la transition énergétique. Grâce aux initiatives récentes, comme le renforcement du diagnostic de performance énergétique (DPE), nous avons déjà observé une réduction de 5,3 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur résidentiel en 2024, un signal encourageant. Cependant, pour atteindre nos objectifs climatiques, nous devons aller plus loin en favorisant les innovations durables et en soutenant des solutions concrètes et accessibles pour tous les acteurs du secteur. Le DPE, l’un des piliers de notre stratégie de rénovation, a été récemment réformé pour en renforcer la fiabilité, en passant de la méthode "sur factures" à une évaluation conventionnelle. Il prend désormais en compte cinq postes de consommation – du chauffage à la ventilation – et fournit une étiquette "énergie" ainsi qu’une étiquette "carbone", garantissant ainsi une vision claire et précise de la performance énergétique des bâtiments.
Afin d’améliorer encore la qualité de ces diagnostics, nous avons renforcé la certification des diagnostiqueurs avec une nouvelle réglementation en vigueur depuis juillet 2024, incluant des formations et des contrôles accrus. Ces actions visent à offrir une évaluation énergétique plus juste et précise pour guider les travaux de rénovation. Le DPE est d’ores et déjà conçu pour récompenser les rénovations écologiques : par exemple, le remplacement d’une chaudière à gaz ancienne par une pompe à chaleur a un impact direct et positif sur le classement énergétique du logement. Nous continuons aussi à explorer des pistes de simplification administrative et d’incitation à l’innovation dans le bâtiment. Pour aller plus loin, l’État travaille avec les professionnels sur le développement de nouveaux matériaux et techniques de construction bas carbone, ainsi que sur des partenariats avec les collectivités locales, car les solutions locales sont essentielles pour une transition durable.
Retrouvez l'intégralité de cette interview dans la prochaine édition de Zepros Réno !