Individualisation des frais de chauffage, où en est-on ?
Depuis le 25 octobre 2020, l’individualisation des frais de chauffage (IFC) est obligatoire pour les copropriétés dont la consommation énergétique est supérieure à 80 kWh.m2/an. Où en est-on de l’application du texte introduit par la loi Elan ? Le point avec Laurent Sireix, président d’ista.
Ista est une entreprise d’un peu moins de 1 000 salariés, implantée dans toutes les grandes villes de France, et dont le métier est de mettre en œuvre des solutions de comptage dans les immeubles collectifs. Pour le compte des copropriétaires et des bailleurs sociaux, on vient installer des compteurs d’eau ou d’énergie thermique, ou encore des répartiteurs de frais de chauffage pour individualiser les consommations. Nous sommes les leaders sur le marché français.
Je dirige ista, et je suis également président du Syndicat de la mesure. A la suite d’une demande du gouvernement, nous avons mis en place un Observatoire qui permet de suivre le déploiement du dispositif en France. A ce jour, 42 % des immeubles collectifs sont équipés.
Fin 2021, une mission flash a été lancée par les parlementaires sur les émissions de gaz à effet de serre dans les logements collectifs. L’étude a montré que le principal frein était le manque de communication et de connaissance du dispositif. Les processus de décision ne sont pas très simples non plus dans les copropriétés, surtout lorsqu’on est sur des changements de méthode.
Selon une étude de l’Ademe réalisée avec quatre bureaux d’études indépendants, l’individualisation des frais de chauffage permettrait des économies moyennes d’au moins 15 %. On pourrait même monter jusqu’à 25 % par immeuble ! En France, on compte aujourd’hui 5,3 millions de logements dotés d’un chauffage central collectif. L’IFC pourrait réduire les émissions de CO2 de 2 millions de tonnes par an, l’équivalent d’un million de voitures mises à l’arrêt, et permettre d’économiser 6 milliards de KWh, soit la consommation de chauffage de l’agglomération lyonnaise. L’étude Ademe a également montré que l’individualisation des frais de chauffage avait des effets positifs sur la rénovation énergétique.
Ça fait partie des points qui sont discutés au niveau du ministère du Logement. Ce qui a été encouragé dans le cadre du plan de sobriété, c’était d’inscrire l’IFC dans le PPT, c’est-à-dire le plan pluriannuel de travaux, et d’avoir une réflexion globale. L’IFC est indépendante de la rénovation mais sa mise en œuvre permet de faire des économies rapidement et donc de les réinvestir et aussi de mesurer les résultats des actions engagées. En termes de pouvoir d’achat net, si tous les immeubles collectifs étaient équipés, on pourrait réinjecter deux milliards et demi d’euros de pouvoir d’achat dans l’économie.
C’est un modèle intéressant pour les copropriétés parce que les investissements sont portés par les prestataires. Lorsqu’on installe des appareils dans l’ensemble de l’immeuble, on fait de la location, on les entretient, on fait les relevés et les décomptes individuels qui permettent d’individualiser les frais de chauffage. En contrepartie, les prix sont lissés sur un contrat qui est calé sur la durée de vie des produits, qui est en général de dix ans. L’avantage, c’est que ça va coûter en moyenne moins de 4 € par logement et par mois, et pour ce prix-là, vous faites dans ce cas des économies de l’ordre de 100 à 150 € par an sur votre chauffage.
Le syndicat de la mesure a lancé une campagne, en 2023, où l’on a parlé de l’individualisation des frais de chauffage. Nous avons également signé, avec la Fnaim, Unis et la FNPI, une charte d’engagement en novembre de l’an dernier, avec pour objectif d’équiper 75 % des copropriétés dans les deux années à venir. Les prestataires font aussi tout un travail pour convaincre les gestionnaires de copropriétés et les syndics et leur donner les outils pour qu’ils puissent également communiquer auprès des occupants.
Autre point, la législation porte dans son corpus, un système de pénalités qui n’a pas encore été mis en œuvre, mais qui pourrait accélérer le déploiement du dispositif. Ces pénalités peuvent atteindre 1 500 €/ an et par logement jusqu’à la mise en place de l’IFC.
L’individualisation des frais de chauffage est une question de responsabilisation, d’équité et de liberté. Nous avons développé un certain nombre d’outils très efficaces pour suivre les consommations de chauffage au quotidien. On peut voir ses consommations journalières, se fixer un budget et être alerté si on est sur le point de le dépasser, comparer sa consommation avec celle de son immeuble… C’est extrêmement vertueux.