
Annonces MaPrimeRenov' : réouverture limitée et seulement le 30 septembre

Après plusieurs semaines d'attente, la ministre déléguée au Logement, Valérie Létard, a confirmé, à l’issue d’une réunion avec les organisations professionnelles, la réouverture du guichet MaPrimeRénov’ pour les rénovations d’ampleur finalement au 30 septembre et au compte-goutte.
Les annonces de la ministre Valérie Létard ne devraient pas atténuer le climat de tension né après la fermeture précipitée du dispositif le 23 juin dernier, causée par un afflux massif de dossiers et la crainte d’un dérapage budgétaire. Cette réouverture tant attendue se fera au compte-gouttes, avec un plafond de seulement 13 000 dossiers acceptés d’ici la fin de l’année. Une jauge que nombre d’acteurs jugent dérisoire, alors même que 29 000 dossiers ont été déposés en trois semaines au mois de juin, juste avant la suspension.
Un retour très encadré, loin des ambitions
Dès le 30 septembre, seuls les propriétaires très modestes pourront soumettre leur demande. Les autres ménages — modestes, intermédiaires et aisés — devront patienter, sans garantie d’éligibilité, alors qu’ils représentaient près de 40 % des rénovations d’ampleur en 2024, selon Hello Watt.
Les plafonds des travaux subventionnables sont également revus à la baisse : 30 000 € pour un saut de deux classes énergétiques, 40 000 € pour trois, contre un plafond de 70 000 € auparavant. Par ailleurs, le bonus de 10 % pour la sortie de passoires thermiques est supprimé, fragilisant la rentabilité des rénovations les plus ambitieuses.
Valérie Létard justifie cette régulation par la nécessité de « renforcer le pilotage et limiter les délais d’instruction », dans un contexte de forte pression sur les finances publiques. Mais pour de nombreux acteurs du secteur, ces ajustements font figure de recul politique, à contre-courant des objectifs climatiques affichés.
Des réactions critiques unanimes
La plateforme Hello Watt déplore une instabilité chronique du dispositif, qui brouille les signaux envoyés aux particuliers et fragilise la filière de la rénovation énergétique :
« Ces mesures freineront les projets alors qu’il faudrait accélérer la cadence », alerte Pierre-François Morin, directeur de la rénovation chez Hello Watt. « Aujourd’hui, les acteurs ne peuvent plus planifier leur activité à plus de deux mois. Cette instabilité met en péril les entreprises et les emplois ».
Même son de cloche du côté d’Effy, acteur historique de la rénovation énergétique, qui parle d’une « reprise en trompe-l’œil ». « Sitôt rouvert, le guichet va refermer aussitôt, tant la jauge est limitée. Les nouvelles conditions d’éligibilité excluent 75 % des Français, et les aides sont divisées par deux. C’est un coup d’arrêt brutal à une dynamique enfin lancée », s’alarme Audrey Zermati, directrice stratégie du groupe.
Ces critiques mettent en lumière un paradoxe : alors que l’État appelle à massifier les rénovations pour respecter la trajectoire bas carbone et répondre à la précarité énergétique, il durcit drastiquement les conditions d’accès à son principal levier financier.
Une stratégie budgétaire ou un désengagement progressif ?
Officiellement, la ministre insiste sur la nécessité de garantir la « visibilité » pour les acteurs du secteur à horizon 2026. Mais en coulisse, certains redoutent une forme de désengagement progressif de l’État, sous couvert de rationalisation. À court terme, les restrictions budgétaires compromettent les objectifs du plan climat, qui table sur 200 000 rénovations performantes par an dès 2026.
La situation est d’autant plus préoccupante que plus de 61 000 dossiers restent aujourd’hui en attente d’instruction, et que les délais peuvent dépasser six mois. Le ministère assure que les dossiers non frauduleux seront traités, mais la priorité donnée à la lutte contre la fraude, bien que salutaire (5 000 cas détectés), ne doit pas se faire au détriment de la lisibilité et de la stabilité du dispositif.
Une filière dans le flou
Depuis le lancement de MaPrimeRénov’ en 2020, près de deux millions de rénovations ont été financées. Le dispositif avait réussi à créer un élan, structurant une filière et suscitant l’adhésion des ménages. La suspension brutale du guichet en juin, suivie d’une réouverture partielle et différée, brise cette dynamique.
Les professionnels demandent aujourd’hui des engagements clairs pour 2026, afin de redonner confiance aux ménages et de sécuriser les investissements. « La politique de soutien à la rénovation globale, levier essentiel pour éradiquer les passoires thermiques, doit être sanctuarisée », insiste Effy.
Si la ministre se félicite d’avoir « posé les bases d’un système plus solide », la réalité du terrain laisse apparaître une profonde déception. MaPrimeRénov’ semble toujours prise en étau entre ambition climatique et rigueur comptable.
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