
Suspension MaPrimeRenov' : la filière du Bâtiment entre stupeur et colère

Le ministre de l'Economie a fini par trancher et annoncé la suspension cet été de MaPrimeRenov', principal dispositif de soutien des travaux de rénovation énergétique. L'ensemble des organisations professionnelles mais aussi les entreprises du Bâtiment individuellement déplorent « un nouveau manque de concertation », un « nouveau revirement » un « recul pour la transition énergétique » et un danger économique pour une filière déjà en souffrance.
Ce n’était qu’un conditionnel en début de semaine, et déjà les réactions pleuvaient de toutes parts. La confirmation de la suspension de MaPrimeRenov’ par le ministre de l’Economie et des Finances, Eric Lombart, achève de mettre les acteurs du Bâtiment sous pression et déclenche des prises de paroles variant entre colère, inquiétude, voir désespoir tant le marché avait déjà du mal à retrouver un peu de vigueur, malmené depuis deux ans par de multiples revirements. La manière de faire aussi mécontente aussi la filière, prise par surprise, et qui reste en attente de clarté sur les intentions. Le flou perdure sur le mot suspension et le calendrier d’application. La ministre du Logement Valérie Létard tente, dans un poste sur LinkedIn, d’apporter quelques précisions :
➡️ 𝗙𝗲𝗿𝗺𝗲𝘁𝘂𝗿𝗲 𝘁𝗲𝗺𝗽𝗼𝗿𝗮𝗶𝗿𝗲 cet été des dépôts pour la rénovation globale individuelle et pour les travaux individuels d’isolation ou de changement de système de chauffage. Les dossiers de rénovation des copropriétés ne sont pas concernés.
➡️ 𝗥𝗲́𝗼𝘂𝘃𝗲𝗿𝘁𝘂𝗿𝗲 𝗱𝗲̀𝘀 𝘀𝗲𝗽𝘁𝗲𝗺𝗯𝗿𝗲 𝟮𝟬𝟮𝟱 pour les dossiers de rénovation globale et de travaux individuels sans distinction, dans un cadre ajusté qui garantira visibilité, rapidité et fiabilité pour les ménages et les entreprises
➡️ Dans l’intervalle, 𝗹𝗲𝘀 𝗱𝗼𝘀𝘀𝗶𝗲𝗿𝘀 𝗻𝗼𝗻 𝗳𝗿𝗮𝘂𝗱𝘂𝗹𝗲𝘂𝘅 𝗱𝗲́𝗽𝗼𝘀𝗲́𝘀 𝗮𝘃𝗮𝗻𝘁 𝗹𝗮 𝗳𝗲𝗿𝗺𝗲𝘁𝘂𝗿𝗲 𝘀𝗲𝗿𝗼𝗻𝘁 𝗶𝗻𝘀𝘁𝗿𝘂𝗶𝘁𝘀 𝗲𝘁 𝗽𝗮𝘆𝗲́𝘀 dans les meilleurs délais, et une démarche d’accélération de l’instruction sera mise en place.
La ministre, qui ne semble clairement pas être maitresse de cette décision, tente de rassurer le secteur en ajoutant toujours sur le réseau social :
« Notre priorité est claire : assurer aux ménages, aux collectivités et aux entreprises un cadre fiable, rapide et lisible pour accompagner la rénovation énergétique des logements. Nous avancerons ensemble pour garantir la qualité et la pérennité de MaPrimeRénov’. »
Encombrements, budget ou chasse à la fraude ? Les trois !
Depuis plusieurs semaines, cette menace planait et alimentait les discussions entre professionnels tandis que le mécontentement s’exprimait de plus en plus fortement contre l’Anah. En cause, des délais d’instruction des dossiers de plus en plus longs pour lutter contre les fraudes massives aux aides publiques. Mais avec cette volonté louable d’intensifier les contrôles, les trésoreries des entreprises engagées dans la rénovation énergétique étaient de plus en plus fragilisées.
A la fois trop de demandes et trop de fraudes, pour le ministre de l’Economie, il fallait faire une pause pour mieux encadrer le dispositif victime de son succès. Une suspension, pas une suppression, le terme choisi est important puisque Eric Lombart, l'affirme, il veut rétablir MaPrimeRenov, « avant la fin de l’année ». Invité des 4 vérités sur France2 ce 5 juin, il confirme plusieurs faits : « l'encombrement des guichets de l'Anah par l'avalanche de dossiers » qui a suivi la fermeture puis la réouverture des instructions lors de la censure du gouvernement Barnier ; « l'augmentation des dossiers frauduleux qui atteindraient le chiffre de 16000 », et enfin, la nécessité « de réparer le système » et « le remettre au carré très vite ».
En attendant de nombreuses entreprises s’interrogent sur le terrain, face à leurs clients. A l’image de cet entrepreneur qui pose cette question à la ministre : « Faut-il inscrire en urgence les dossiers sérieux et bien préparés pour sécuriser les aides ? ou Faut-il tout repousser à septembre 2025, au risque de perdre la dynamique de rénovation actuelle et de laisser des ménages dans l’incertitude ? »
Parmi les très nombreuses réactions individuelles
Jean-Christophe Repon, président de la Capeb : « Les artisans attendent maintenant des garanties claires sur le maintien de ce dispositif et la détermination de l’Etat à le renforcer en organisant une répartition des fonds avec pragmatisme. Ils veulent savoir si les dossiers déposés jusqu’au 30 juin 2025 seront effectivement tous réglés. Ils s’interrogent aussi sur l’avenir : S’agirait-il d’un simple gel temporaire ou d’une refonte complète du dispositif en 2026 ? Les entreprises artisanales du bâtiment ont besoin de visibilité et de stabilité, en particulier dans ce contexte économique compliqué où leur activité et leur trésorerie sont fragilisées »
Olivier Salleron, président de la FFB : « On ne peut pas appeler à accélérer la rénovation énergétique et, dans le même temps, saboter un des seuls outils qui fonctionne ! Il faut choisir. Pérenniser MaPrimeRénov’, c’est restaurer la confiance, redonner du pouvoir d’achat aux plus modestes. Le gouvernement ne peut pas tergiverser sur un tel sujet, 100 000 emplois se trouvent menacés et la colère gronde !»
Régis Luttenauer, DG de Vaillant Group en France : « Il est important, tant pour la planète, les ménages que pour les professionnels, que l’Etat envoie des signaux clairs indiquant sa volonté de garantir des dispositifs de soutien cohérents et pérennes, sans revirements drastiques. Nous espérons que le dispositif MaPrimeRénov’ sera maintenu jusqu’à la fin de l’année et qu’il sera ensuite adapté pour mieux répondre aux enjeux de la rénovation énergétique. Et s’il s’avère que ce dispositif n’est pas le bon et qu’un relai doit potentiellement être pris via les CEE (Certificats d’Economies d’Energie), nous aurions besoin d’avoir le plus rapidement possible une visibilité pour 2026-2027 »
Cyril Radici, directeur général du SYNASAV « Supprimer MaPrimeRénov’ pour cause de succès budgétaire, c’est sanctionner les efforts des Français et des entreprises engagés dans la rénovation. Nous appelons le gouvernement à la cohérence, à la hauteur de vue, et au respect de ses engagements climatiques. »
Mémo MaPrimeRenov'
Le budget total de MaPrimeRénov' 2025 : 3,6 milliards d'euros, en incluant les certificats d'économies d'énergie (CEE)
PARCOURS ACCOMPAGNE
33 222 dossiers ont été déposés depuis le début de l1année;
17178 aides ont été accordées depuis le début de l1année
Le coût moyen d’un projet de travaux en logement individuel est de 59197 € et bénéficie d'une aide moyenne de 41 201 €.
RENOVATION PAR GESTE
49 589 ménages ont sollicité cette aide en déposant un dossier depuis le début de l'année
46 331 aides ont été accordées depuis le début de l'année.
(Source Anah)
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