Legrand, Schneider Electric, Rexel et Sonepar condamnés à 470 M€ pour entente sur les prix
L’Autorité de la concurrence vient de sanctionner les quatre mastodontes sur le marché du matériel électrique pour « une entente verticale sur les prix » opérée entre 2018 et 2018. Elle leur inflige une amende totale de 470 M€. Des appels sont en cours.
C’est une sanction d’un niveau plutôt rare qu’a prononcée ce 29 octobre l’Autorité de la concurrence à l’encontre de deux fabricants de matériel électrique (Legrand et Schneider Electric) et des deux coleaders tricolores de la distribution du secteur. Le montant total de 470 M€ est à la hauteur des griefs notifiés par l’Autorité en 2022.
Le “gendarme” de la Rue de l’Échelle, à Paris, l’explique « notamment par le fait que les pratiques d’entente verticale sur les prix sont considérées de manière constante comme une des pratiques concurrentielles les plus graves ».
Schneider Electric écope de la plus lourde peine pour un montant de 207 M€. Legrand, lui, est condamné à verser au Trésor public 43 M€. De leurs côtés, leurs deux distributeurs se voient infliger respectivement une amende de 124 M€ pour Rexel et 96 M€ pour Sonepar.
Ces ententes commerciales entre les quatre protagonistes s’étendent sur une période allant de 2012 à 2018 : de décembre 2012 à septembre 2018 entre Schneider Electric et les deux distributeurs ; de mai 2018 à septembre 2015 pour la seconde entente entre Legrand et Rexel.
Les deux ententes reposent sur « l’instauration d’un système de prix fixes dans le cadre du mécanisme des dérogations tarifaires [qu’ils ont] mis en œuvre ». En clair, l’Autorité leur reproche un dispositif de réduction des prix d’achat des distributeurs.
« Le mécanisme des “dérogations” est apparu dans les années 1990 dans les contrats-cadres conclus entre fournisseurs et distributeurs de matériel électrique basse tension. Il concerne aujourd’hui la majorité des entreprises mises en cause. »
Autorité de la concurrence
Des tarfis artificiellement élevés
Toujours en cours, une information judiciaire avait été ouverte en 2018 après un signalement de l’Agence française anti-corruption puis d’un article de Médiapart qui avait donné lieu à une série de perquisitions chez les quatre sociétés. À l’été 2022, le “gendarme de la concurrence” a alors notifié des griefs à Schneider Electric, Legrand, Rexel et Sonepar.
Motifs invoqués pour leur mise en examen ? Notamment « entente » et « corruption active » pour la première société ; « corruption passive » pour les deux autres. Dans son communiqué publié ce 30 octobre, l’Autorité soulignent que ces deux ententes reposent sur « l’instauration d’un système de prix fixes dans le cadre du mécanisme des dérogations tarifaires [qu’elles ont] mis en œuvre ».
L’Autorité de la concurrence considère que les ententes mises en œuvre par les quatre acteurs incriminés sont d’autant plus graves que le marché du matériel électrique basse tension se caractérise par un fort degré de concentration tant à l’amont qu’à l’aval.
L’Autorité leur reproche d’avoir détourné le dispositif de réduction des prix d’achat des distributeurs. Dans un contexte de concurrence normale, un distributeur est censé acheter à un prix de gros auprès des fabricants, puis de fixer librement ses tarifs de vente auprès des clients.
Rien de tel selon l’Autorité de la concurrence avec le système de dérogation – pourtant licite – qui aurait été « sciemment » dévoyé par les quatre géants du matériel électrique basse tension.
Elle indique avoir « ainsi pu constater qu’un système de prix fixes permettait à Schneider Electric et Legrand de renforcer leur maîtrise sur le niveau des prix en France, déjà forte dans le cadre du mécanisme des dérogations, évitant toute concurrence intra-marques susceptibles de rejaillir sur les négociations des prix avec le client final ».
Rue de l’Échelle, les “gendarmes de la concurrence” considèrent que les deux ententes incriminées sont d’autant plus graves que le marché du matériel électrique basse tension se caractérise par un fort degré de concentration tant à l’amont qu’à l’aval.
Verdict contesté, appels en cours
Les réactions des protagonistes ne se sont pas fait attendre. Dans un communiqué publié ce 30 octobre, Sonepar se dit « convaincu d’avoir œuvré au bénéfice de ses clients, dans le strict respect des règles de concurrence, et conteste fermement la décision rendue par l’Autorité ». Le groupe familial indique « former un recours devant la Cour d’appel de Paris ».
Même son de cloche chez Rexel qui, lui aussi, « se réserve le droit de faire appel ». Le distributeur invoque le fait que « le mécanisme des dérogations, transparent et connu de tous les acteurs du marché, est une remise commerciale classique […] qui laisse [au distributeur] toute liberté de fixer ses prix de revente ».
Schneider Electric a, lui, indiqué qu’il « conteste fermement la conclusion » de l'Autorité. Quant à son confère, Legrand « réfute catégoriquement le grief retenu » et pourrait aussi faire appel de la décision. Toutefois, le “gendarme de la concurrence” rappelle que « la décision de l'Autorité ne préjuge en rien de l'issue de la procédure pénale ».
Déjà 11 fabricants condamnés par Bruxelles en 2007
S’agissant en particulier Rexel, le “gendarme français de la concurrence” a relevé que cette société s’est « fortement impliquée dans la réforme du système des dérogations » et a tenté à plusieurs reprises de « convaincre Schneider et Legrand » de s’y associer. Cette circonstance a justifié qu’il lui soit appliqué un abattement de 20 % sur le montant de base de la sanction encourue, explique l’Autorité dans son communiqué publié ce 30 octobre.
En 2007, l’Union européenne avait infligé 750 M€ d’amende à onze fabricants de matériel électrique – dont Schneider – qui avaient constitué un cartel.