
« Nos sociétés sont les plus techniques du marché »

Accélérer la transition énergétique en s’appuyant sur un maillage de PME techniques ancrées dans les territoires : c’est l’ambition de Satep, jeune réseau fondé en 2022, qui regroupe déjà sept entreprises du génie climatique et 170 collaborateurs pour 30 M€ de chiffre d’affaires. À contre-courant des logiques de standardisation, ses fondateurs misent sur l’autonomie des dirigeants, la montée en compétences des équipes et la mutualisation ciblée des ressources. Le tout avec une stratégie d’acquisitions sélective et un fort engagement RSE. Entretien avec Louis-Clair François Poncet et Lucien Roquette, les deux cofondateurs d’un réseau qui veut conjuguer ancrage local et dynamique nationale.
Stratégie de développement et croissance
Notre mission consiste à accélérer la transition énergétique du bâtiment en fédérant un réseau de sociétés qui œuvrent dans la conception, l’installation et la maintenance d’équipements de performance énergétique. Le marché est caractérisé par de nombreuses PME artisanales et des métiers de plus en plus complexes. Beaucoup de petites entreprises rencontrent des difficultés dans leur développement car les artisans doivent maîtriser de nombreuses nouvelles compétences qu’ils n’ont pas toujours. Les dirigeants sont aussi confrontés à la question de la transmission et de la pérennité de leur entreprise, dans la perspective de leur retraite. Nous voulons être le meilleur partenaire pour pérenniser et renforcer ces entreprises dans le temps, tout en conservant l’identité qui a fait leur succès.
Nous disposons déjà d’une taille critique, ayant fait beaucoup de chemin depuis nos premiers pas en 2022. Satep est aujourd’hui un réseau de 7 sociétés employant 170 collaborateurs et réalisant environ 30 millions de chiffre d’affaires. Nous sommes persuadés du sens industriel du regroupement dans notre mission, et constatons que notre approche intéresse beaucoup d’entrepreneurs locaux, donc nous allons continuer d’étudier des opportunités d’acquisition pour densifier notre présence là où nous opérons et ouvrir de nouvelles régions.
« Nous ne sommes pas dans une logique de marque unique : l’ancrage local, c’est la clé. »
Nous prévoyons plusieurs acquisitions en 2025, privilégiant des PME spécialisées dans le génie climatique, au savoir-faire technique reconnu, bien implantées sur leur marché avec une réputation établie. Nous recherchons des sociétés qui réalisent entre 2 et 20 millions d’euros de chiffre d’affaires et emploient entre 10 et 50 salariés.
Nous proposons un modèle d’association différenciant et que nous espérons très attractif pour les entreprises qui rejoignent notre groupe. Satep rachète l’entreprise à ses actionnaires qui en sont souvent les dirigeants, et ces derniers ont la faculté de réinvestir une partie du produit de leur cession dans le capital de Satep. Nous fournissons des ressources supplémentaires pour accélérer la croissance organique des entreprises que nous rachetons tout en ouvrant des possibilités pour elles de croissance externe. Notre objectif est de construire un réseau d’entreprises régionales, très implantées sur leurs marchés et dont les activités sont en grande partie similaires. Chaque dirigeant conserve une autonomie nécessaire dans la gestion de ses activités, tout en rejoignant une communauté dynamique et engagée avec un objectif commun.
« Nous voulons être le meilleur partenaire pour pérenniser et renforcer les PME du génie climatique, tout en conservant l’identité qui a fait leur succès. »
Il est important pour nous de conserver ces enseignes et identités locales, car ce sont des dirigeants et des entreprises très implantés dans leur région, connus et reconnus, qui croisent leurs parties prenantes – collaborateurs, clients, fournisseurs, pouvoirs publics – tous les jours. Cette dimension de proximité est une composante importante de la stratégie de Satep.
Financement et levée de fonds
Depuis sa création, Satep a levé 30 millions d’euros auprès de business angels ainsi que deux partenaires financiers que sont Entrepreneur Invest et Eiffel, via Eiffel Impact Direct Lending, le premier fonds européen de dette à impact créé par Eiffel Investment Group, adossé au groupe Impala de l’entrepreneur et investisseur Jacques Veyrat. Cela répond parfaitement à nos besoins de financement à court et moyen terme. Nous n’avons pas prévu de nouvelles levées de fonds.
Effectivement, dans le cadre de cette levée de fonds auprès d’Eiffel Impact, Satep s’engage à maintenir une trajectoire « impact » positive sur le bilan carbone (scope 1, 2, et 3), sur le partage de la valeur avec les salariés, ainsi que sur le taux d’apprentis dans son effectif. Le partage de la valeur et l’apprentissage sont deux piliers clés de notre stratégie RH.
Économies d’échelle et mutualisation
Les sociétés du groupe Satep sont souvent des entreprises familiales qui existent depuis plus de 30 ans, avec des salariés attachés au patron et des clients fidèles et locaux. C’est pourquoi celles qui rejoignent le réseau gardent leur nom et leur culture. Notre rôle est de les renforcer dans leur développement en accompagnant les dirigeants sur les fonctions support : mettre en place une politique RH, développer une stratégie de marketing et vente, formaliser la gestion financière, structurer la politique d’achat et gérer les problématiques informatiques. Nous les aidons aussi sur le recrutement et sur la gestion RH. Généralement, ils faisaient déjà cela de manière intuitive. Mais aujourd’hui on a besoin, par exemple, de maîtriser l’acquisition digitale de nouveaux clients et c’est un métier en soi. De plus, il faut une certaine taille critique pour faire ce type d’investissement. Nous mutualisons aussi les bonnes pratiques. En octobre, nous avons organisé un séminaire avec les 10 dirigeants et les 5 personnes de Satep et, en janvier, avec l’ensemble des 12 chargés d’affaires des entreprises du réseau. Ils peuvent échanger entre eux. Ils ne sont plus seuls. En revanche, la gestion quotidienne de l’entreprise reste assurée par eux.
« Nous mutualisons les bonnes pratiques sans toucher à l’autonomie des dirigeants. »
Nous permettons à nos sociétés d’obtenir de meilleures conditions d’achats par des contrats cadres, et d’intégrer des tarifs d’achats à jour dans les logiciels de gestion pour chiffrer au plus juste. Si nous pouvons faire des recommandations, nous laissons de l’autonomie au dirigeant sur le choix de la marque installée.
« La formation est essentielle dans nos métiers techniques et en constante évolution. »
La formation est essentielle dans nos métiers, techniques et évolutifs par l’innovation technologique des produits et des procédés. Nous ambitionnons à terme de pouvoir créer une académie interne en mettant à contribution nos meilleurs talents pour qu’ils diffusent leur savoir. Nos sociétés sont les plus techniques du marché, et c’est fortement apprécié par nos collaborateurs qui peuvent progresser. L’impact business est décisif : retenir nos collaborateurs et les fidéliser dans le temps.
Marché et innovation
La rénovation énergétique des bâtiments représente un marché́ extrêmement profond. Le seul marché du génie climatique est estimé à 29,6 milliards d’euros ! Sa croissance est soutenue par un cadre règlementaire incitatif (RE 2020, loi Climat & Résilience, plan « pompes à chaleur », dispositif MaPrimeRénov’, interdiction à la location des passoires thermiques), un consensus social et politique, et par l’efficacité́ des nouvelles technologies de décarbonation. Sur un marché́ CVC dont la croissance est estimée à +4 % par an d’ici à 2030, le segment des pompes à chaleur (PAC) devrait croître de 10% en rythme annuel. La pompe à chaleur est en effet un mode de chauffage prometteur : économique et écologique pour un confort sanitaire supérieur. L’essor de la pompe à chaleur traverse une période de ralentissement, comme une bonne partie des activités économiques d’ailleurs, mais nous sommes certains que la trajectoire vers la décarbonation du bâtiment est durable, et que les vents porteurs sont massifs via le remplacement du parc de chaudières gaz et fioul. De plus en plus de propriétaires de maisons individuelles sont soucieux de maîtriser leurs dépenses énergétiques.
« La rénovation énergétique est un marché profond et durable, soutenu par la réglementation et les attentes sociétales. »
Nos clients sont à 70 % des particuliers et à 30 % du petit tertiaire : bureaux, hôtels, restaurants, boutiques, commerces, marchés publics… Nous sommes à 100 % sur de la rénovation. 70 % de notre chiffre d’affaires vient du génie climatique, principalement de la pompe à chaleur air-air et air-eau, 15 % des services de plomberie et 15 % du génie électrique (principalement le solaire photovoltaïque). Nous avons constaté que beaucoup d’acteurs réalisent des travaux qui ne mènent pas à des économies d’énergie : parce qu’une pompe à chaleur a été mal dimensionnée, qu’elle n’est pas bien entretenue ou que le modèle installé ne s’adapte pas aux températures locales. Nous avons choisi des sociétés très techniques, qui savent faire de l’entretien et du dépannage. Pour continuer à attirer des clients, il faut avoir une qualité de service irréprochable, donc des salariés compétents et épanouis. L’un de nos rôles est de les rendre fidèles à l’entreprise.
« Nous avons choisi des sociétés très techniques, capables d’assurer l’entretien et le dépannage : c’est ce qui garantit des économies d’énergie réelles. »
Bien sûr, cela fait partie des sujets que nous regardons pour soutenir nos sociétés dans leurs processus métiers, pour améliorer la productivité des collaborateurs et augmenter le confort de travail, et booster la prospection commerciale en utilisant les outils numériques. Bénéficier d’échanges de compétences et de savoir-faire est un des avantages importants d’être membre du groupe Satep.
Nous organisons une veille réglementaire continue pour être au rythme des évolutions diverses. Dès lors qu’un point est identifié, nous l’intégrons dans les documents légaux (CGV, mémoire techniques) mais surtout au sein des processus métiers via des formations, proposées souvent pas nos partenaires fournisseurs. Pour anticiper les évolutions du marché, nous nous appuyons sur nos partenaires industriels qui ont une vision longue du fait de leurs enjeux industriels. La clé pour nous, c’est la souplesse et la relation proactive avec nos partenaires pour intégrer systématiquement les nouveautés.
Engagement RSE et impact environnemental
Notre métier est intrinsèquement vertueux car nos installations permettent d’économiser du CO2 significativement chez nos clients. L’installation d’une PAC en remplacement d’une chaudière gaz/fioul permet de réduire de 90 % l’empreinte carbone du poste chauffage, qui représente quasiment 25 % de l’empreinte carbone annuelle d’un Français. Nous souhaitons aller plus loin en nous appuyant notamment sur nos fournisseurs : réduire l’empreinte carbone du groupe, principalement tirée par l’achat de matériel, et notamment des fluides frigorigènes (scope 3). Pour ce faire, nous réalisons depuis cette année un bilan carbone annuel audité sur le groupe consolidé. Concrètement, nous souhaitons faire évoluer notre offre pour orienter nos clients vers des équipements dont l’empreinte carbone est moins forte. À date, le bilan net global est très positif : nous faisons économiser 4,5x plus de CO2 par an à nos clients que nous en émettons sur la base de notre bilan carbone annuel.
« L’installation d’une PAC à la place d’une chaudière gaz ou fioul permet de réduire de 90 % l’empreinte carbone du chauffage. »
Dans notre métier du CVC, nous opérons majoritairement en remplacement d’équipements existants. Dès lors, nous nous appuyons sur la responsabilité étendue de nos fournisseurs pour recycler et revaloriser les machines déposées par nos soins dans le cadre de nos chantiers. Nous nous appuyons donc sur la filière de recyclage et revalorisation de nos fournisseurs et à cet égard nous sommes à la vitesse de cette chaine de valeur, qui est encore en structuration. Cependant, sur le point spécifique des fluides frigorifiques (R32 etc.), nous disposons d’attestation de manipulation des fluides frigorigènes et traçons/récoltons ces fluides dans le cadre de nos interventions pour assurer qu’il n’y est aucune perte dans l’environnement. L’ensemble de cet effort est recensé dans la plateforme Track Déchet, au même titre que les acteurs spécialistes du génie climatique.
Nous avons estimé les économies en CO2 réalisées grâce aux sociétés du réseau Satep sur l’année fiscale 2024. Nous nous sommes basés sur les données de l’Ademe et de l’Insee qui estiment que la surface moyenne d’un logement est de 90 m2. Pour une telle superficie, les émissions pour un tel logement chauffé au fioul seraient de 5 711 kg CO₂/an et de 3 386 kg CO₂/an s’il est chauffé au gaz. Satep a installé 1 218 pompes à chaleur en 2024 dont 80 % en remplacement de chaudières à combustible fossile. Donc 974 pompes à chaleur ont remplacé des chaudières gaz ou fioul. La répartition entre chaudières fioul et gaz est de quasiment 50/50 %. Comme une pompe à chaleur fonctionne avec de l’électricité, et qu’en France l’électricité est bas carbone dans sa grande majorité, celle-ci n’émet que 50 grammes de CO2/kWh. Ainsi, quand une PAC remplace une chaudière gaz ou fioul, celle-ci permet d’éviter l’émission de 4 232 kg CO2/an. Si on ramène ça au parc complet, l’économie totale de 4 122 tonnes de CO2 réalisée grâce à l’installation de 974 pompes à chaleur équivaut aux émissions générées par une voiture moyenne parcourant environ 42,5 millions de kilomètres (42 499 177 km). Cela représente plus de 1 000 fois le tour de la Terre (environ 40 000 km par tour) !
Positionnement et concurrence
Les sociétés du réseau Satep se positionnent localement entre les petits artisans et les grands groupes. Notre différenciation vient de notre volonté de nous associer à ces histoires en plaçant les dirigeants au cœur du projet Satep, ils deviennent de véritables associés post-reprise. La communauté Satep est dynamique et engagée, et les échanges entre dirigeants apportent beaucoup de valeur à chacun. Sur le marché́ du génie climatique, 40 % du volume d’affaires est réalisé́ par des entreprises dont le chiffre d’affaires se situe entre 2 et 20 millions d’euros. Le cœur de cible de Satep, ce sont les 2 000 sociétés réalisant un chiffre d’affaires global de 11,9 milliards d’euros. Ce marché recherche une consolidation, permettant aux entreprises d’atteindre la taille critique nécessaire pour investir dans les nouvelles technologies, réaliser des opérations de croissance externe, et améliorer leurs performances financières. Satep veut jouer un rôle déterminant dans cette consolidation.
« Le marché recherche une consolidation permettant aux entreprises d’atteindre la taille critique nécessaire pour investir. »
Nous n’avons pas de projets de développement en franchise. Ce serait d’ailleurs tout à fait contraire au concept même de Satep qui est de constituer un groupe de PME performantes, dont les dirigeants sont aussi des actionnaires de Satep… Nous croyons beaucoup à la logique de réseau, ou chaque société garde une identité qui lui est propre et une autonomie de gestion tout en bénéficiant d’un accompagnement opérationnel et financier sur-mesure pour se renforcer dans le temps.
Que nous nous amusons beaucoup, que nos forces vives sont extrêmement riches et complémentaires et dotées d’une ambition commune débordante ! Le meilleur conseil que l’on puisse leur donner serait d’entrer en contact avec les entreprises du groupe afin qu’elles leur racontent leur expérience avec Satep. D’ailleurs, nous devons dire que nous ne manquons pas de candidats…
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