
« Seule une approche territorialisée permettra de réussir la transition énergétique des zones rurales »

À l'heure où la transition énergétique nationale peine à intégrer les spécificités des territoires ruraux, Audrey Galland, directrice générale de France Gaz Liquides, nous éclaire sur les défis à surmonter pour accélérer la décarbonation dans les territoires retirés. Explications.
L'étude que nous avons menée avec le laboratoire de l'École des Mines, spécialisé dans les procédés d'énergies renouvelables, montre que, malgré 93 térawattheures consommés annuellement, 24 523 communes françaises n'ont pas accès au gaz naturel. Et plus généralement, qu'il s'agisse de gaz ou d'électricité, les réseaux ruraux ont une capacité de distribution plus limitée que celle des zones urbaines par manque d'infrastructures notamment.
Le déficit de réseaux ne concerne pas uniquement le gaz naturel, mais aussi l'électricité. En zone urbaine, le réseau électrique, avec 80 % des abonnés, est très dense. À l'inverse, en zone rurale, où seulement 20 % des abonnés résident, il faut quinze fois plus de kilomètres de câbles pour assurer la même distribution. Ce déséquilibre se traduit par des coûts élevés pour renforcer les réseaux et des factures énergétiques plus lourdes pour les ménages ruraux.
Si l'on voulait décarboner l'ensemble des zones rurales uniquement par l'électrification, il nous faudrait 103 ans pour renforcer le réseau de distribution électrique au niveau requis ! C'est pourquoi la programmation pluriannuelle de l'énergie doit être territorialement adaptée. Les collectivités locales doivent pouvoir intégrer des biocombustibles, comme le biopropane qui offre une alternative fiable et faiblement émettrice de CO₂. L'objectif est de réduire l'intensité carbone de l'énergie consommée, tout en tenant compte des infrastructures locales.
Le biopropane est une solution mature et déjà utilisée dans les campagnes. Chez France Gaz Liquides, nous nous sommes engagés, dans le cadre de la réglementation, à intégrer 10 % de biopropane dans les zones rurales d'ici à 2033. Cette technologie s'intègre aisément aux équipements existants – chaudières ou systèmes hybrides – sans nécessiter de réaménagements coûteux. Elle envoie également un signal fort aux investisseurs et aux producteurs, en encourageant le développement de nouvelles filières de gaz liquides bas carbone.
La PPE se base sur de grandes masses statistiques qui masquent la réalité des zones rurales. Avec 80 % des abonnés à l'électricité se trouvant en ville, seule une minorité habite les zones rurales. Cette agrégation conduit à une vision globale qui ne reflète pas la faible densité – environ 40 habitants par km² en moyenne, contre 600 hab/km² en zone urbaine. C'est pourquoi nous avons développé des outils, notamment le site energiesruralite.com qui détaille le mix énergétique des 24 523 communes non desservies par le gaz naturel, pour aider les collectivités locales à mieux planifier leur transition.
Il est essentiel d'adapter les dispositifs financiers et réglementaires. Par exemple, ajuster les accises et les taux de TVA sur les équipements de transition peut encourager le passage aux énergies renouvelables. De plus, la coordination à travers des intercommunalités et la nomination de référents locaux permettraient de déployer efficacement ces solutions. Nous ne pouvons pas relever ce défi seuls : il faut un effort collectif impliquant élus, services techniques et acteurs du secteur énergétique. Car les territoires ruraux représentent l'essentiel de la superficie de la France et leurs spécificités doivent être prises en compte dans la programmation énergétique. Il est indispensable que les collectivités locales s'emparent de ces outils pour adapter leur mix énergétique. La transition n'est pas uniquement une question de décarbonation par l'électricité, mais une véritable ingénierie territoriale où chaque solution, comme le biopropane, a son rôle à jouer.
La transition énergétique en zone rurale exige une approche sur mesure
L'étude menée par le Dr. Yassine Abdelouadoud, chercheur à Mines Paris-PSL, et France Gaz Liquides apporte un éclairage sur le mix énergétique utilisé en zone rurale. Entre pompes à chaleur, fioul, biomasse, électricité… les gaz liquides pourraient s'imposer comme une solution face aux enjeux de décarbonation.
Si la nouvelle approche de l'Insee permet de mieux comprendre les caractéristiques et les évolutions des territoires ruraux, l'étude baptisée « Énergie & ruralités » dévoile un portrait précis du mix énergétique dans ces zones. Majoritairement composées de maisons individuelles anciennes et énergivores, ces communes, souvent non desservies par le gaz naturel faute d'infrastructures, comptent sur des énergies comme le bois, le fioul ou les gaz liquides pour répondre à leurs besoins. « Un mix énergétique qui impose des solutions adaptées aux territoires ruraux si l'on veut atteindre les objectifs de décarbonation et favoriser une transition énergétique réussie », explique Yassine Abdelouadoud.
Des solutions sur mesure pour des territoires spécifiques
Pour l'auteur, la modernisation des installations et la diversification des sources d'énergie sont indispensables. Or, le déploiement massif des pompes à chaleur, bien qu'efficace dans d'autres contextes, se heurte aux limites des réseaux électriques ruraux. Sans compter que leur efficacité est limitée dans les grands bâtiments anciens et mal isolés typiques des zones rurales. Par ailleurs, le recours accru à la biomasse, central dans la stratégie de réduction des émissions, pourrait être compromis par une pénurie face à une demande grandissante. Dans ce contexte, le propane et, plus particulièrement, le biopropane émergent comme des alternatives pragmatiques et écologiques « puisqu'il permet de réduire significativement les émissions de CO₂ tout en assurant une transition progressive et adaptée aux réalités du terrain », selon l'étude.
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