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[Entretien] J.Fruchart (DLR), appelle à « l’intelligence collective » pour rebâtir

Marie Laure Barriera
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Depuis le début de la crise sanitaire, le DLR, la fédération qui regroupe les distributeurs et loueurs de matériel pour le BTP, n’a eu de cesse d’alerter la filière sur les comportements jugés inacceptables de certains acteurs de la construction, tout en appelant à davantage d’échanges et de négociations pour trouver les mesures permettant d’affronter ensemble cette crise sans précédent. Deux mois d’actions sur lesquels nous revenons avec Joël Fruchart, président de la Commission Location du DLR, qui nous livre également sa vision de l’activité.

Zepros : Comment analysez-vous la situation du BTP aujourd’hui ?
Joël Fruchart
: « La situation reste très compliquée sur les chantiers, et notre analyse de l’activité demeure très variable d’une zone géographique à l’autre. Elle est aussi fonction de la typologie des clients et des adhérents. La question des majors et des grands comptes, qui totalisent 50 % de notre activité, reste un point d’interrogation. Sur l’activité des loueurs généralistes, nous sommes sur une moyenne de 20 à 25 % au niveau national, soit en légère hausse. Le chiffre atteint même 40 % sur l’Ouest et la Côte Atlantique. Nous observons également des contrastes forts sur le niveau de reprise, qui se met en place progressivement en province mais se heurte à des complexités sur les grandes agglomérations. Nous avons vu aussi des clients qui avaient repris le 11 mai mais se sont à nouveau mis à l’arrêt face à la lourdeur des contraintes sanitaires imposées sur les chantiers. Des réservations de matériels confirmées ont ainsi parfois été annulées. Enfin, nos clients, à l’exemple des façadiers sont aussi confrontés à des points de blocages, soit du côté des donneurs d’ordres, soit des riverains du chantier se plaignant des nuisances. »

Zepros : Face à cette complexité comment travaillent vos adhérents ?
J. F.
: « Nous réalisons régulièrement une enquête auprès de nos adhérents. Il en ressortait qu’en début de semaine du déconfinement, 50 à 60 % des salariés étaient au travail au niveau national, avec un point haut de 85 % sur l’Ouest et la côte atlantique. La grande majorité des agences étaient ouvertes en mode drive et la plupart des réseaux préparaient la réouverture complète. »

Zepros : Parmi les alertes émises par le DLR, la question du non-paiement des factures pour « mentions manquantes » a été soulevée très tôt. Où en êtes-vous ?
J.F.
: « Comme nous l’avons indiqué dans notre communiqué, ce sujet des “mauvais payeurs” qui invoquent une « mention manquante » pour générer artificiellement délais et retards de paiement n’est pas nouvelle. La Commission d’examen des pratiques commerciales était intervenue fin2019 en publiant un avis (ndlr : l’avis n° 19-11). En substance, celui-ci indiquait que « Lorsqu’une facture est soumise aux délais de paiement du Code de Commerce, son destinataire ne peut la rejeter ou en refuser le paiement au motif que celle-ci ne comporterait pas une « donnée métier », quand bien même celle-ci serait obligatoire ou contractuellement prévue. Il s’expose en effet aux sanctions encourues en cas de dépassement des délais de paiement légaux ou de pratiques ayant pour effet de retarder abusivement le point de départ des délais de paiement tels que plafonnés par le Code de commerce ». Le DLR a ainsi conseillé à ses adhérents de produire cet avis face à des clients qui auraient de telles pratiques et de saisir la Médiation des entreprises. »

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Zepros : Sur un terrain proche, votre deuxième combat a trait aux différentes dérives sur le respect des contrats de location.

J.F : « Face à l’arrêt sans préavis de l’activité, nos loueurs ont dû souvent dans les premiers jours, se battre littéralement pour que leurs matériels ne soient pas laissés à l’abandon par des clients qui ne voulaient plus en assurer la garde. Ces clients ont également, unilatéralement, soit suspendu, soit mis fin aux contrats qui les liaient. Nous regrettons de n’avoir jamais réussi à trouver un terrain d’échanges permettant d’aboutir à des solutions avec certains de nos clients. Il n’y a pas eu de concertation. Certains ont même remis les équipements en fonction sans prévenir leur loueur. Nous demandons simplement que les facturations des contrats longue et moyenne durée reprennent courant mai et condamnons fortement les menaces de mettre sur liste noire certains de nos adhérents s’ils reprenaient la facturation. Comme nous l’avons publiquement exprimé, l’effort de guerre a été fourni, et le sera encore dans les mois à venir, par les professionnels de la location de matériels au service de tous leurs clients, mais ils refusent d’être considérés par ces derniers comme une simple variable d’ajustement de leur rentabilité. »

Zepros : Sentez-vous également des tensions sur la question de la redistribution des coûts liés aux mesures sanitaires ?
J.F.
: « Les avis de nos adhérents sur la question de facturer ou non ces surcoûts divergent. Dans la pratique, mi-mai, un tiers de nos adhérents ne facturaient pas, un tiers s’adaptaient en fonction des clients et un tiers facturaient. Sans même faire payer ce coût au client, du moins les loueurs peuvent-ils signaler le montant de la désinfection des matériels. Nos clients peuvent le comprendre car ils partagent ces mêmes contraintes. »

Zepros : Le désengagement des assureurs crédits dans le Bâtiment est une nouvelle menace pour le secteur ?
J.F.
: « Nous constatons en effet un mouvement massif de dégradation de la cotation des clients invoquant un « secteur d’activité compliqué et/ou à risque élevé ». Dans une grande majorité des cas, en fonction des codes NAF concernés, ces “enveloppes” sont réduites à zéro, et ce sans aucune raison particulière. Notre fédération, associée à Evolis* et Artema** a donc saisi le ministre de l’Économie et la Médiation des entreprises afin qu’ils tempèrent ces actions et permettent aux entreprises clientes de retrouver un cycle de fonctionnement pérenne. Cette dégradation risque en effet d’enrayer la mécanique de la reprise, qui s’avère déjà complexe. D’autant qu’au 2e semestre et en 2021, les entreprises auront à faire face aux paiements des charges reportées et au remboursement des crédits décalés et PGE. Nous regrettons sur ce dossier de ne pas avoir réussi à nous organiser collectivement avec les fédérations du Bâtiment et des Travaux publics. C’est d’ailleurs sur l’ensemble de ces sujets que nous faisons appel à l’intelligence collective. C’est tous ensemble que nous serons plus forts face à cette crise. »

DLR (fédération des distributeurs, loueurs et réparateurs de matériels de construction et de manutention) rassemble 500 adhérents qui représentent 70 % du marché.
*Evolis (organisation professionnelle des biens d’équipement)
**Artema (syndicat des industriels de la mécatronique)

Marie Laure Barriera
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