« Le confinement nous a obligés à repenser nos métiers », François Behr (Silix TP & Environnement)
Ciblant les marchés des travaux publics et de l'aménagement urbain, le négociant mosellan Silix TP & Environnement parle de l’impact des 55 jours de confinement sur son activité. Son dirigeant, François Behr, évoque aussi quelques changements de braquet dans la façon d’aborder son métier.
EN PHOTO • Gros œuvre, assainissement, VRD et aménagement urbain… : PDG de Silix TP & Environnement et adhérent Starmat en Lorraine, François Behr intervient sur des marchés particulièrement affectés par la crise sanitaire.
UNE CHUTE D'ACTIVITÉ DE PLUS DE MOITIÉ
François Behr : Avec mes 25 collaborateurs, nous travaillons à 80 % avec la commande publique. Pour l’entreprise, le coup d’arrêt lié à la pandémie a été forcément très brutal dès le 16 mars : plus aucune commande, à peine cinq appels téléphoniques par jour contre une moyenne de 600 à 800 appels entrants d’habitude, des stocks bloqués – notamment pour s’approvisionner en pierres naturelles d’Italie, d’Espagne et du Portugal –, mes six camions de livraison chargés, mais tous restés au parking… Le drive sécurisé a permis d’atténuer un peu les pertes. Mais dans les communes et communautés de communes, bien qu’une majorité d’équipes municipales soient en place, les volumes de chantiers (rénovation, maintenance…) demeurent encore en-deçà de ce qu’ils devraient être, alors qu’à partir de mars la filière des TP entre en pleine campagne annuelle de travaux. Nous devons continuer à avancer au jour le jour et ne sommes toujours pas revenus à un rythme en mode projets. Les cabinets d’architectes, par exemple, effectuent encore leurs demandes d’information et de devis au compte-gouttes. Très clairement, mes quatre agences ne traitent que les affaires courantes pour l’instant. Si les entreprises du secteur ont rouvert quasiment à 100 %, elles n’ont pas encore vraiment repris en exploitation. Sur les quatre premiers mois de 2020, notre chiffre d’affaires a reculé de 52 %.
EN PHOTO • Selon la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), plus de 90 % des entreprises ont repris leurs chantiers fin mai. Après avoir plongé en avril à 17 % d’un mois habituel, l’activité serait de l’ordre de 60 % fin mai, 75 % en juin et 90 % en juillet.
PAS DE DÉFAUTS DE PAIEMENT… POUR L’INSTANT
F. B. : Avec ma direction administrative et financière [un DAF, un crédit manager fournisseurs et un crédit manager clients], nous sommes néanmoins plutôt surpris de l’actuelle qualité de la relation clients avec nos comptes actifs… fidèles. Jusqu’ici, je n’ai relevé aucun impayé ou demande de report d’échéances notoire. La majorité de ces clients ont d’ailleurs fait une demande de PGE [prêt garanti par l’État]. Pour nous, c’est un sorte “sauf-conduit” et le premier signe de leur relative bonne santé financière. Dans ce contexte de crise profonde, nous devons pourtant être encore plus vigilants – même si la confiance reste un élément essentiel de la relation commerciale. Nous revoyons en partie notre politique de règlement clients et nous avons resserré la limite des encours autorisés de nos clients qui, pour la plupart, restent toujours encore au-delà des montants couverts par les assurances crédit. Ensuite nous n’accordons aucun délai supplémentaire de paiement dans la mesure où toutes les entreprises ont eu l’opportunité de renforcer leur trésorerie avec le PGE. Celles qui ne l’ont pas fait, peuvent toujours encore le faire jusqu’au 31 décembre et nous régler leurs factures dans les délais contractuels. Depuis fin mars, toutes nos instances professionnelles ne cessent de le répéter : la chaîne financière doit être maintenue pour éviter tout risque de défaillances ou de faillites.
L’IMPACT SUR LES MÉTIERS
F. B. : Si les négoces restent toujours le banquier et le stockiste de leurs clients, nous devons être, je pense, “le” levier commercial des marques et de leurs innovations… sans doute encore plus que par le passé. En fait, cette séquence nous oblige tous, de l’amont à l’aval, à repenser en partie nos process et nos organisations internes. C’est l’une des leçons que l’on peut tirer, entre autres, de la mise en place – plus ou moins facilement, selon les profils de négociants – des drives sans contact. Aujourd’hui, c’est presque un lieu commun que de dire que notre profession et une majorité des clients sont entrées de plain-pied dans l’ère de la digitalisation des métiers : le parcours clients, les outils collaboratifs pour le suivi de chantiers, une démocratisation progressive de la maquette numérique, etc. Dès le début du confinement, Silix a aussi opté pour faire migrer son système téléphonique vers un outil très sécurisé (3CX) ; les plateformes Zoom ou Team, par exemple, n’étant pas forcément protégées contre d’éventuelles intrusions et piratages. En plus de rendez-vous clientèles en visioconférence, les sept commerciaux chargés d’affaires de mon entreprise sont aussi devenus adeptes des webinaires. C’est une alternative pour présenter les nouvelles solutions techniques en maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre. Fin mai [au 27/05], tous les commerciaux itinérants étaient encore en chômage partiel et ne travaillent que trois journées et demie par semaine.
DU BPE AU DÉTAIL
F. B. : Dans une logique de services sans contact et sécurisés, nous venons d’installer la borne automatique Selfbéton dans notre agence principale. En libre-service, ce concept de distribution de BPE permet de servir de petites quantités : jusqu’à un mètre cube de béton frais ou de mortier en vrac. D’ici à la fin juin, le dispositif s’enrichit avec une borne Selfmat. Nous sommes en train de le finaliser pour que les TPE, castors et particuliers puissent se fournir en produits de gros œuvre : bordures et agglomérés en béton, géotextiles, etc. Ce sont les indispensables, les 20/80 sur les chantiers de TP et d’aménagement urbain pour lesquels il n’y a pas besoin de conseils techniques. Dans l’immédiat, cette unité légère s’appuiera sur un seul magasinier. Mais, à terme, Selfmat pourrait évoluer pour devenir un système entièrement autonome comme Selfbéton. Dans un contexte où les marges des uns et des autres sont mises à rude épreuve, cette solution est peut-être l’un des leviers pour retrouver un peu de marge de manœuvre.
Silix TP & Environnement • Chiffres-clés
• 4 points de vente
• 25 salariés dont 7 chargés d’affaires et 7 commerciaux sédentaires
• Environ 15 M€ HT de CA 2019
• Portefeuille clients : 60 % de grands comptes + PME régionales ; 40 % de TPE + paysagistes
• Environ 1 000 comptes clients actifs en portefeuille
(Source : Silix TP & Environnement)