« Le négoce dans une nouvelle phase de transformation ? », Denis Moin (président de Socoda Outils Pro)

Stéphane Vigliandi
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[Zepros Quo] Si les ventes en fournitures de protection contre le coronavirus ont permis d’endiguer, en partie, la baisse d’activité, les 75 membres de la branche Outils Pro du Groupe Socoda planchent désormais sur l’industrialisation des process et une mutualisation de moyens plus poussée. Point d’étape avec Denis Moin, le président sortant d’une branche qui capte 13 % du chiffre d’affaires du groupement d’indépendants.

La filière du BTP retrouve un peu son souffle. Si près de 80 % des chantiers métropolitains ont repris fin mai, l’heure est pourtant aussi au bilan chez les négociants. Alors qu’il achève son second mandat de trois ans en tant que président de la branche Outils Pro de Socoda, Denis Moin dresse le tableau de ces 55 jours de confinement. « Sur la base des déclaratifs de nos adhérents, le chiffre d’affaires restait en repli d’environ 40 % en avril, après une tendance à -25 %/-30 % en mars. En cumul 4 mois 2020, la baisse d’activité est de l’ordre de -10 % à -15 % dans nos métiers », constate ce grossiste généraliste tous corps d’état sur la région lyonnaise.

Si une majorité d’entreprises du BTP, mais aussi des clients de l’industrie n’étaient plus en phase d’exploitation durant la première séquence de la crise sanitaire, il leur a fallu très vite s’approvisionner en équipements anti-Covid pour préparer un retour de leurs salariés sur les chantiers et dans les ateliers. « Dès les deux premières semaines du confinement, la demande en EPI, solutions d’hygiène, de sécurité et de prévention a littéralement explosé. Par exemple, mes sept négoces [société Moreau 5 établissements, Appro-Services et BTP Mat : 19 M€ HT de CA consolidé et 70 salariés] ont très vite été sollicités par la Région Rhône-Alpes et les entreprises pour être approvisionnées », rappelle-t-il.

EN PHOTO • À la tête de la branche Outils Pro du Groupe Socoda depuis 2010, Denis Moin passera le témoin « prochainement ». L’élection d’un nouveau président dont la date n'a pas encore été fixée, devrait se tenir courant juin.

Le drive plus “performant” que le livré

Revers de la médaille ? « Très vite, nos stocks se sont vidés malgré des précommandes passées pour anticiper d’éventuelles tensions sur les réappros. En masques et solutions hydroalcooliques, la situation s’est aujourd’hui plus ou moins détendue auprès de nos fournisseurs. C’est un peu plus compliqué pour fournir des gants jetables ou des charlottes par exemple. Toutes les solutions destinées à “industrialiser” la mise en place des gestes barrières ont soutenu une activité dégradée : distributeurs de gel hydroalcoolique, pulvérisateurs de solutions désinfectantes ou virucides, lunettes, casquettes et visières de protection, etc. », détaille Denis Moin. En revanche, les ventes concernant l’autre cœur de métier des adhérents – l’outillage et les équipements de chantier – reste aujourd’hui encore « très déprimée ». « À l’exception des négociants qui ont pu s’appuyer sur un parcours de vente multicanal. Dans ce cas, il y a eu une plus grande réactivité dans les drives sans contact », confie-t-il.

Chez Appro-Services, l’une des trois filiales au sein de sa holding Demo, Denis Moin a ainsi pu satisfaire entre autres les demandes en masques FFP3 de ses clients industriels et grands comptes à l’échelon national. « Durant le confinement, les commerciaux grands comptes d’Appro-Services ont maintenu un contact permanent avec cette typologie de clients, mais aussi auprès des TPE-PME pour garantir une continuité de service. En somme, cette disponibilité des interlocuteurs a joué un rôle de garde-fou, alors que jusqu’à mi-avril la chaîne du transport a été essentiellement mobilisée auprès des secteurs vitaux de l’économie. Fonctionnant en horaires dégradés quasiment jusqu’au 11 mai, les services de réception et d'expédition ont souvent été sous tension », admet cependant Denis Moin.

L’après-28 juin dans le viseur

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Avec la fin de la mise sous cloche du pays, les adhérents du pôle Outils Pro ont pourtant retrouvé un niveau d’activité « plus correct » et « assez proche de la normale» en outillage et consommables. « En revanche, le compte n’y est toujours pas concernant les achats en produits d’investissement comme les équipements de levage et de manutention ou les matériels d’atelier, les PIR et PIRL [plateformes individuelles roulantes et plateformes individuelles roulantes légères] ou les bennes à béton », constate le négociant-président. Comparés aux grossistes traitant pour l’essentiel avec la maîtrise d’ouvrage privée, les distributeurs dépendant avant tout de la commande publique ont été victimes d’une double-peine : un black-out généralisé sur les appels d’offres dès mi-mars, puis une communication gouvernementale brouillée concernant la date du second tour des élections municipales. « À l’issue du suffrage du 28 juin, l’investissement public devrait aussi repartir dans les grandes agglomérations à partir de la rentrée au plus tard. Ça devrait être la fin d’une assez longue période de léthargie », espère toutefois Denis Moin.

EN PHOTOSelon la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), dans les conditions actuelles, l'activité aurait atteint 60 % en mai par rapport à d'habitude. Elle s'élèverait à 75 % en juin et 90 % en juillet. Son niveau était tombé à 17 % d’un mois classique au 30 avril. Plus de 90 % des entreprises ont repris des chantiers. Représentant 40 % des commandes, le volume d’appels d’offres des collectivités a plongé d’environ 45 % depuis mi-mars 2020. Le gouvernement Philippe doit débloquer une aide d'urgence de 4,5 Md€ pour les collectivités.

Industrialiser et automatiser les process

Quelle que soit la cible clients (marché public ou privé, grands comptes ou TPE), le phone & collect et le drive & collect ont évité en tout cas l’encéphalogramme plat dans les agences. « Au tout début du confinement, le drive en “version Covid” a permis de servir avec réactivité les demandes d’urgence et de dépannage. Si cette période a souvent été compliquée à gérer, elle a mis en évidence les évolutions inéluctables en cours dans nos métiers. Il faudra sans doute réfléchir à une offre simplifiée, globale et omnicanale pour enrichir et animer la relation clients, estime le président de la branche Outils Pro. À nous de déployer des outils qui nous différencient des pure-players en termes de sourcing, de référencements et de disponibilité immédiate ("J + 0") dans nos points de vente. C’est tout notre savoir-faire qu’il faut encore plus valoriser avec une politique tarifaire claire ! » D’autant que le canal web a désormais imposé la “transparence” des prix des fournitures chez tous les acteurs du négoce – pure-players et acteurs de l’omnicanal.

Parmi les leviers stratégiques évoqués ? Une massification accentuée sur les achats, mais également « mutualiser un peu plus la logistique et les stocks – les deux piliers fondamentaux durant le confinement ! », ainsi que les datas clients et fournisseurs. Sur ce dernier point, Socoda généralise le recours à la plateforme Fab.Dis depuis fin 2019. En fait, il s’agit ni plus, ni moins que ce qu’indiquait à l’été 2018 Nicolas Auschtizky, alors élu président de Socoda Électricité, à propos d'une mutualisation logistique à l'œuvre depuis trois ans dans cette branche.

Son alter ego aux Outils Pro reconnaît d’ailleurs qu'au sein du groupement les 40 adhérents en Électricité (186 agences, 145 fournisseurs partenaires) sont « en avance sur la digitalisation des parcours clients ». En tant qu’adhérent Socoda Outils Pro, Denis Moin confie qu’il travaille avec d’autres collègues de la branche sur ce dossier. Par exemple, sa société Moreau qui dispose déjà d’un site marchand BtoC, va « bientôt » déployer un espace personnel à l’attention des clients professionnels en s’adossant au PIM du Groupe Socoda pour « exploiter les outils de web scraping [scripts et programmes informatiques d’extraction automatique de contenu] afin de qualifier toutes nos datas et fichiers articles ». « Jusqu’à présent, la majorité des 75 adhérents Outils Pro étaient déjà dans une logique multicanale. La crise sanitaire nous fait accélérer sur le chemin de l’omnicanalité au niveau des achats ou encore de l’acquisition et de l’enrichissement des données », confie Denis Moin. Stéphane Vigliandi

Stéphane Vigliandi
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