[TOP100] Assurance-crédit : des craintes malgré le “drapeau blanc” des assureurs (Franck Bernigaud, FNBM)
Franck Bernigaud : Depuis début mai, notre profession est à nouveau en ordre de marche en totalité. À l'exception des grandes métropoles régionales où la reprise d'activité du BTP demeurait encore partielle, 100 % des réseaux étaient opérationnels avec, parfois, une partie des équipes encore en chômage partiel – essentiellement pour des raisons de garde d’enfants ou de pathologies bénignes. Les tout derniers négoces ont rouvert le 18 mai. En mai et juin, le volume d’affaires a été dans l’ensemble moins mauvais que ce à quoi on pouvait s’attendre : avec des moyennes de l’ordre de 60-65% par rapport à 2019 et jusqu’à des niveaux proches de la normale. Dans ce dernier cas, il s’agit avant tout de points de vente implantés en zone rurale avec lesquels tout un réseau de TPE et PME artisanales n’a jamais cessé de travailler depuis mi-mars. À mon avis, leur poids a – peut-être ? – été sous-évalué par les divers indicateurs publiés depuis le début de la crise sanitaire.
EN PHOTO • À la tête de la FNBM, la plus importante fédération du négoce Bâtiment, Franck Bernigaud estime qu’il faut « vraisemblablement » attendre la rentrée ou l’automne pour avoir « une bonne photographie des éventuels dégâts » qui auront pu être causés dans la filière du BTP.
DES TENSIONS SUR LES “APPROS” ?
F. B. : Courant mai, tout notre amont avait relancé les lignes de fabrication. Les délais de livraison se sont logiquement rallongés, l’industrie du BTP étant alors encore dans une période transitoire. Par exemple, chez les tuiliers, il y a eu des tensions sur certains modèles de tuiles. Il faut un certain temps pour redémarrer un four arrêté pendant quelques semaines et pour échelonner les plans de charge [certaines marques n’ont, par exemple, relancé leur service logistique que mi-avril : Ndlr]. La situation chez des fournisseurs de treillis, armatures métalliques et poutrelles précontraintes me semble plus préoccupante. J’ai constaté des délais de livraison plus importants en raison des procédures de chargement/déchargement, bien évidemment rallongées par les protocoles sanitaires. À terme, ce peut être un frein pour livrer des chantiers en planchers, par exemple. Des chefs d’agence ont pu aussi être confrontés à des temps de réponse un peu plus importants de la part des commerciaux chez les fabricants, dont certains étaient encore en temps partagé mi-juin. Tout cela peut créer des points de friction pouvant ralentir un redécollage de l’activité. Mais, durant toute la séquence du confinement, nous avons eu des contacts fréquents avec l’AIMCC* et nos fournisseurs ont globalement répondu présents aux côtés du négoce.
* L’AIMCC réunit 80 organisations professionnelles regroupant 7 000 fabricants de produits du BTP (matériaux, composants, équipements et systèmes). Elle revendique une activité de 45 Md€ et 430 000 salariés.
BOOM DES IMPAYÉS ET DÉFAILLANCES À VENIR ?
F. B. : Pour l’instant, le volume des défauts de paiement n’a pas explosé. D’une manière générale, les clients ne respectant pas leurs échéances depuis le début de la crise sanitaire sont ce que j’appelle “les habitués du palmarès”. À la lecture des indicateurs portant sur les niveaux de défaillances, les dossiers de redressement et liquidation judiciaires ou de procédures de sauvegarde, la déferlante que nous pouvions craindre ne s’est pas encore produite. Si le danger ne semble pas imminent, le feu pourrait virer de l’orange au rouge à partir de la rentrée ou de l’automne, notamment pour des sous-traitants de grands donneurs d’ordres et des PME qui ont pourtant su faire preuve de résilience jusqu'à présent.
Propos recueillis par Stéphane Vigliandi
Assureurs-crédit • Vers une réforme du marché ?
Le 9 juillet dernier, les députés ont validé le 3e projet de loi de Finances rectificatif pour 2020 (PLFR3) qui vient en aide aux secteurs les plus touchés par la crise sanitaire, dont le BTP. Dans un amendement adopté à l’Assemblée nationale le 25 juin, neuf député(e)s se disent « prêts à travailler avec le gouvernement à une réforme profonde et durable du secteur de l’assurance-crédit afin d’empêcher qu’à l’avenir l’État n’ait à assumer seul le soutien au marché ».
FNBM • Chiffres-clés
• Environ 19 Md€ de CA cumulé en 2019
• 1 183 sociétés adhérentes
• Environ 5 500 agences
• 78 000 salariés (85 % de taux de représentativité du négoce bois et matériaux)