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Quelle fin de vie pour les biosourcés ?

Grégoire Noble
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[Zepros Bâti] Les matériaux biosourcés, donc issus du vivant, ont une durée de vie. Qui a logiquement une fin. Pour l’heure, leur devenir ultime reste la mise en décharge ou – au mieux – la valorisation énergétique. D’autres débouchés sont-ils envisageables, comme le réemploi ou le recyclage ? Yves Hustache (responsable Innovation et R&D chez Karibati) nous livre ses réflexions.


La construction doit devenir plus durable, c’est un fait. Une des grandes tendances consiste à employer des matériaux biosourcés, donc renouvelables naturellement. Cependant, dans le cadre de l’analyse du cycle de vie (ACV) des bâtiments, il s’avère que les fiches de données environnementales et sanitaires ne favorisent pas spécialement ces produits. Notamment parce que la dernière étape de leur parcours se résume à être mis au rebut. Yves Hustache, spécialiste de l’innovation pour Karibati, nous révèle : « Pour les biosourcés le scénario de fin de vie retenu est celui d’une mise en décharge ». Une issue peu glorieuse. Mais des alternatives existent sans doute.

Recyclage ou réemploi ?

« Il faut considérer les biosourcés par familles de produits. Leur durée de vie tout d’abord est évaluée soit par essais de vieillissement accéléré en laboratoires, soit avec le recul de l’expérience dans le temps », raconte le responsable. Ainsi, pour les isolants comme la ouate de cellulose ou le coton recyclé, la durée de vie des biosourcés est équivalente à celle des isolants classiques, soit entre 25 et 50 ans. « Les fibres végétales sont assez rigides et offrent une bonne tenue dans le temps, peut-être même meilleure que celle des laines minérales », avance-t-il. Pour les matériaux plus lourds, comme le béton biosourcé incorporant du chanvre par exemple, la durée de vie est plus longue, comprise entre 50 et 100 ans. « Les premières mises en œuvre ont été faites dans les années 1980 et des tests ont été réalisés à l’Ifsttar », poursuit-il. Pour les revêtements de sol comme le linoléum ou ceux à base de caoutchouc, le retour d’expérience est également important et leur durée de vie dépend essentiellement de la fréquentation et donc de l’usure. « Les peintures biosourcées, en revanche, sont trop récentes pour avoir un réel recul », note Yves Hustache. Toutefois, ces évaluations restent « très théoriques et dépendantes des conditions de mise en œuvre et d’entretien », assure l’expert. L’absence d’eau et de nuisibles demeure une condition sine qua non pour pouvoir envisager une 2e vie aux biosourcés.

Mais ces produits ne sont-ils pas justement traités aux antifongiques et autres retardateurs de flamme, ce qui pourrait compliquer leur recyclage ? « La question est : s’agit-il d’un produit brut ou d’un mélange ? Car dans ce cas, cela nécessitera une étape de séparation ce qui compliquera le retraitement pour pouvoir réincorporer le matériau dans un processus de fabrication », analyse le responsable R&D de Karibati qui résume : « C’est le problème global de l’économie circulaire, l’impact d’un process de recyclage ne doit pas être plus important que l’utilisation d’une matière neuve ». D’autant que les matériaux naturels présentent un avantage indéniable : ils repoussent et sont renouvelés. Il sera d’ailleurs possible d’envisager le compostage de certains matériaux pour favoriser la pousse d’une nouvelle génération de plantes.

L’autre option sera celle du réemploi direct, envisageable pour certaines catégories de matériaux : « Pour la ouate de cellulose, le traitement ne sera pas problématique puisque les propriétés recherchées resteront les mêmes ». Des éléments de bois comme des panneaux de particule ou des portes intérieures ne présentant pas de problématique d’étanchéité ou d’isolation thermique et phonique, pourront également être facilement démontés et réutilisés tels quels ailleurs. « Le réemploi est la vraie question. Quelle garantie pourra-t-on donner ? Quelles performances ? Aujourd’hui il n’y a pas de cadre mais il ne faudrait pas qu’on en crée un trop contraignant. Il faudra trouver des moyens simples pour valider la qualité des éléments réemployés », estime Yves Hustache. Un important chantier devra être mené avec les assureurs et les bureaux de contrôle notamment. « Mais ce sera au cas par cas », prévient-il, à moins qu’une règle de calcul basique soit admise, avec un pourcentage de perte de performance appliquée en fonction du nombre d’années. Une méthode qui nécessiterait d’importantes études sur un large panel de produits et d’applications…

Conserver le CO2 plutôt que le relarguer

« Le bois est un cas à part, avec une utilisation à travers les siècles et des volumes en fin de vie déjà très importants, qui présente donc des scénarios différents, y compris le recyclage en particules par broyage, ou la valorisation énergétique », rappelle le spécialiste. Le réemploi d’éléments de charpente pourrait également être envisagé sous certaines conditions. Pour toutes les autres filières de biosourcés, un gros travail reste à faire. « Et il n’est pas fait, car le développement des biosourcés est assez récent. On ne démonte pas encore ces bâtiments. Peut-être dans 15 ans ? Mais les fabricants doivent s’en préoccuper dès maintenant ! », conclut Yves Hustache. « Le gisement aujourd’hui est encore faible mais ce serait une erreur d’attendre pour imaginer des solutions de valorisation ». La mise en place d’une responsabilité élargie des producteurs (REP) pour la construction contribuera sans doute à se poser les bonnes questions sur le devenir des matériaux, sur le tri des déchets de chantier pour avancer sur le sujet. Car, in fine, ce qui comptera, sera le maintien du stockage carbone dans le temps et d’éviter la décomposition (mise en décharge) ou la combustion, pour que le biosourcé ne soit pas un feu de paille.

G.N.

Un groupement de recherche sur les biosourcés bientôt opérationnel

Dans la continuité des travaux de recherche Mabionat menés en 2016 par l’Ifsttar et le Cerema sur la possibilité de recycler du béton de chanvre en le concassant pour obtenir des granulats d’une taille similaire à de la chènevotte, ré-incorporables à hauteur de 20 à 50 % dans du béton, un groupement de recherche va être officiellement lancé prochainement. A partir de la mi-juin 2020, le GdR « Matériaux de construction biosourcés » rattaché à l’Institut des Sciences de l’Ingénierie et des Systèmes du CNRS, abordera la transformation, la caractérisation et la mise en œuvre de ces matériaux (groupe de travail 1), leurs propriétés fonctionnelles (groupe 2) et leur durabilité (groupe 3). L’ensemble sera dirigé par Sofiane Amziane (Institut Pascal, université Clermont-Auvergne).

Grégoire Noble
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