Quels sont les désordres les plus courants dans le bâtiment ?

Grégoire Noble
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[Zepros Bâti] Sycodés, le système de collecte des désordres géré par l’Agence Qualité Construction, a parlé : les sinistres les plus courants et ceux qui sont les plus coûteux sont toujours les mêmes, que l’on scrute cette base de données dans la catégorie des maisons individuelles, des logements collectifs ou des locaux d’activité. Découvrez-les...
En plus de proposer chaque année un distrayant concours photo des plus beaux désordres du bâtiment, l’AQC présente concomitamment son travail de référence sur la base de données Sycodés, l’outil statistique basé sur les expertises de dommages-ouvrages suite à la déclaration d’un sinistre à caractère décennal et dont le coût de réparation se situe entre 762 et 250 000 € HT. Défaut d’étanchéité à l’eau, problème esthétique, manque de sécurité d’une installation, découvrez les pires problèmes de la construction.
Cette année encore, ce « flop 10 » est largement dominé par les revêtements de sol intérieurs, tant en termes d’occurrences que de coût, en maison individuelle, en logement collectif et en tertiaire. Catherine Labat, experte construction pour le cabinet Neoxa, explique : « Dans les maisons individuelles neuves, où les sols sont généralement recouverts de carrelage, nous rencontrons souvent une insuffisance de joint dans la chape ou les carreaux. Il s’agit généralement d’une insuffisance de joints périphériques, avec des carreaux posés au contact de cloisons ou autour de poteaux et de cadres de portes. De plus, on constate qu’il y a de moins en moins de joints de fractionnement, et cela quelle que soit la géométrie des pièces. Or, dans les constructions récentes, leur forme est rarement rectangulaire, mais plutôt en L ou de formes plus complexes. Cette situation crée des mouvements différentiels complexes chape-carrelage, et donc des fissures ». Ce type de sinistre est non seulement le plus fréquent mais également celui qui engendre le plus de dépenses. Un effet normal à la généralisation des planchers chauffants : « Quand se produit une fissure dans le carrelage, une simple réparation du carrelage est le plus souvent impossible. C’est tout le ‘sandwich’ au-dessus du support qu’il faut remplacer : carrelage, chape, éléments chauffants et isolant ». Et la situation est identique dans les logements collectifs, où ces sinistres coûtent cher. Jean-Louis d’Esparbès, expert-conseil BTP chez Socabat, note : « Dans la mesure du possible, on tente de reprendre la partie sinistrée du logement, les chambres étant traitées dans un autre revêtement. Mais le décloisonnement de la partie jour et la généralisation du carrelage à l’ensemble du logement imposent de plus en plus souvent une réfection complète ». Même dans les locaux d’activité, les revêtements de sol font parler d’eux. Catherine Labat reprend : « Ce sinistre est toujours important. Il s’agit soit de carrelages, soit fréquemment de sols PVC. Pour ces derniers, la pathologie reste encore trop souvent une pose sur un support trop humide, malgré des indications très précises sur ce point dans le NF DTU ». Selon la spécialiste, le sol souple, souvent réalisé parmi les derniers travaux, se retrouverait soumis à une forte pression de délai pour respecter la date de livraison... Le document professionnel NF DTU 52.1 devrait donc prochainement évoluer.
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Autres désordres fréquemment rencontrés, ceux qui touchent les ossatures poutres-poteaux (hors charpente seule) et qui sont en hausse. « Cette progression dans les maisons individuelles est étonnante », analyse Catherine Labat qui souhaite investiguer « plus en détail les désordres qui se cachent derrière cette nomenclature ». Elle s’interroge sur un lien avec la façon de construire des maisons contemporaines. Dans le cas des logements collectifs, elle explique : « Dans ce domaine, le principal problème réside dans les armatures, que ce soit au niveau de leur positionnement, assemblage ou liaison ». Selon l’experte de Neoxa, une exigence importante devrait être mise sur le positionnement de l’acier pour que le béton armé puisse résister : « C’est un point de vigilance sur lequel les entreprises ont un peu baissé la garde. C’est peut-être dû au fait qu’un certain nombre d’entre-elles ont perdu du personnel d’encadrement technique au moment de la crise ». Or, les réparations se montrent particulièrement onéreuses. « Il faut des renforcements s’il y a un problème d’armature, par exemple avec des plats carbone, en tenant compte de la finesse des éléments de structure », détaille-t-elle.
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Pour les logements collectifs et locaux d’activité, l’AQC signale une forte recrudescence des problèmes de toitures terrasses non accessibles avec isolant et protection rapportée. « Il y a toujours eu des toitures-terrasses dans les logements collectifs mais elles sont de plus en plus végétalisées », pointe Catherine Labat, qui ajoute que les causes des sinistres sont souvent des points singuliers, souvent liés à l’évacuation des eaux de pluie. Elle poursuit son analyse avec les bâtiments tertiaires : « Je pense que c’est avant tout lié à un élément conjoncturel, à savoir les épisodes tempétueux qui se sont déroulés aux premiers semestres 2016-2017-2018. D’une manière générale on observe des précipitations de plus en plus violentes. Or les toits-terrasses sont plus exposés à un gros volume d’eau que des toits en tuiles ou en ardoises. Quant aux toitures végétalisées, la présence de substrat et des végétaux rend plus difficile la localisation des fuites et augmentent les coûts de réparation ». La spécialiste de Neoxa rappelle que toutes les toitures plates nécessitent un entretien régulier, faute de quoi, au moindre petit défaut et à la première grosse pluie, « les dégâts sont là ».
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Toujours pour les locaux d’activité, les portes et fenêtres semblent générer une certaine quantité de désordres. Cette fois l’explication est simple : « Comme dans tous les autres bâtiments qui sont désormais accessibles aux PMR, il existe souvent des infiltrations au niveau des seuils d’accès liées à la difficulté de réaliser une bonne étanchéité avec un ressaut réduit de 2 cm. On rencontre également des inadaptations de la quincaillerie (pivots, paumelle, compas...) aux produits verriers de plus en plus techniques et de plus en plus lourds ». Catherine Labat recommande aussi de porter plus d’attention aux murs rideaux, « des ouvrages délicats en termes d’étanchéité à l’air ou à l’eau », qui apportent des surfaces vitrées toujours plus grandes aux espaces tertiaires. Une technique où les ensembles sont difficiles à reprendre de façon isolée, ce qui implique une hausse des coûts de réparation.

Enfin, dans les maisons individuelles, l’AQC voit monter en puissance les soucis avec les couvertures en grands éléments. Jean-Louis d’Esparbès dévoile : « Cette tendance peut s’expliquer par le développement des couvertures à faible pente, type bac acier, dans l’architecture actuellement à la mode, au détriment des toitures traditionnelles à forte pente, en tuiles ou en ardoises ». Pour le logement collectif, les problèmes d’équipements sanitaires se montrent de plus en plus fréquents, peut-être en lien avec la généralisation des douches à l’italienne et des WC suspendus. Catherine Labat évoque « des défauts d’étanchéité aux liaisons avec les murs » et des cloisons en plâtre insuffisamment solides qui auraient tendance à s’affaisser. Autant de points de vigilance que les artisans et entrepreneurs auront à cœur de surveiller à l’avenir, pour améliorer la qualité globale des constructions espère l’AQC.

G.N.
Grégoire Noble
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