« Accompagner le retour de la confiance » P.Liébus, président de la Capeb
Activité sur les chantiers, moral des artisans, réflexions en cours avec le gouvernement pour relancer la machine, Patrick Liébus, président de la Capeb dresse un point exhaustif de la situation, alors que la reprise semble bien engagée dans la construction.
A noter : Le gouvernement se met aux côtés des artisans. Ainsi, accompagnée par Patrick Liébus, la ministre Emmanuelle Wargon est le 28 mai en visite en Saône-et-Loire pour encourager à la reprise des chantiers de rénovation énergétique. Au programme la rencontre avec cinq artisans et la visite d'un chantier de rénovation chez un particulier.
Zepros : Comment analysez-vous la situation actuelle sur les chantiers ?
Patrick Liébus : « Les chiffres précis récoltés chaque semaine par le réseau des CERC nous permettent d’avoir une vision assez claire de la situation. Fin mai, nous approchons des 75 % de chantiers ouverts et lors de l’enquête établie mi-mai, 33 % des chantiers à l’arrêt étaient susceptibles de reprendre. A cette même période, 67 % des entreprises interrogées se disaient confiantes dans la reprise de l’activité du Bâtiment , contre 58% début mai. Naturellement des contrastes majeurs apparaissent entre les régions. Ainsi la Bretagne et les Pays de Loire ont finalement été peu touchées par les effets de cette crise sanitaire, par comparaison avec le Grand-Est et l’Ile-de-France. »
Zepros : Plus précisément, comment les artisans traversent cette période ?
P.L. : « L’action menée à notre demande par le ministère pour rassurer les Français sur la possibilité de lancer leurs travaux de rénovation en toute sécurité a joué un rôle important dans la reprise, et par le bouche-à-oreille, primordial dans nos métiers, les particuliers se sont influencés positivement. Nous pensons également que la prochaine étape du déconfinement, permettra de regagner les chantiers des résidences secondaires qui étaient à l’arrêt. Nous comptons aussi sur l’après-deuxième tour des municipales en espérant que l’installation des nouvelles équipes rouvrira la voix de la commande publique territoriale. Notre principal enjeu, c’est de continuer à restaurer la confiance chez les particuliers. Par exemple sur le second œuvre, finition ou technique, les travaux se font en intérieur, et souvent en site occupé. Nous devons montrer notre capacité à appliquer tous les gestes barrières et à assurer une désinfection et un nettoyage complet après une journée de travail. »
Zepros : La reprise désormais entamée, votre Fédération a alerté sur la problématique des surcoûts qui pourrait fragiliser le secteur dans les prochains mois.
P.L. : « Nous avons en effet chiffré les coûts de l’application des préconisations sanitaires. Les 3 grands postes de surcoûts sont la coactivité, le plus important qui peut atteindre dans certains cas 50 % du surcoût total, la désinfection et dans une moindre mesure les équipements individuels et/ou collectif de protection. Notre estimation s’établit dans une fourchette entre 10% et 20% du coût journalier (ndlr : voir ci-dessous le détail). Dans le Bâtiment, les marges dépassent rarement les 2,5 à 3%. Elles sont ainsi largement entamées par la mise en œuvre des procédures de prévention. D’autant que nous sommes, par exemple toujours en attente de la validation par le ministère de la santé, de la préconisation de l’OPPBTP de pouvoir dans un véhicule se positionner côté à côte en portant un masque. De nombreuses entreprises travaillent donc pour l’instant à perte sur des devis qui avaient été négociés avant le confinement. Mais après deux mois, comment prendre le risque de perdre des clients…Nous avons bon espoir d’être écoutés par le gouvernement. Julien Denormandie que j’ai accompagné sur un chantier a pu lui-même faire le constat des contraintes qui pèsent sur l’organisation des chantiers, ne serait-ce que pour gérer les plannings des équipes présentes sur un même site. »
Zepros : Quels seraient les solutions pour aider les artisans à passer cette période ?
P.L. : « Des bonnes mesures d’urgence ont été prises pour soutenir les entreprises qui avaient dû cesser leur activité. Il s’agit maintenant de mettre en place des dispositifs de transition. J’ai ainsi interpellé le ministre Gérald Darmanin sur la création d’un crédit d’impôt visant spécifiquement à compenser l’achat des équipements sanitaire. Je suis également favorable à ce que l’administration fiscale étudie au cas par cas la situation des entreprises concernant une possible suppression des charges sociales et fiscales, pour celles qui seraient le plus en difficulté. »
Zepros : Mesures d’urgence, mesure d’accompagnement…souhaiteriez-vous également dès maintenant l’annonce d’un plan de relance de la filière ?
P.L. : « La majorité des chantiers a repris, et c’est une très bonne chose. Mais ce sont pour le moment des rattrapages de commandes qui avaient déjà été passées. Le niveau de climat de confiance dans le pays guidera les investissements publics et privés. Mais quel sera le degré de prudence des particuliers, il est encore trop tôt pour l’anticiper. Il y a un risque de ralentissement du renouvellement des carnets de commandes. La crainte d’un trou d’air est réelle, et des annonces fortes doivent être communiquées.»
Zepros : Avez-vous fait des propositions concrètes au gouvernement ?
P.L. : « Oui. Dans le même esprit que la note adressée aux particuliers pour réinstaurer de la confiance dans les travaux, nous souhaiterions que le ministère lance une campagne pour la défense des entreprises de proximité, en engageant les particuliers à travailler avec des artisans locaux. Il en va de la sauvegarde des emplois et de la dynamique économique générale dans les territoires. Nous pensons également nécessaire de prolonger les mesures, voire d’étendre les champs d’application de certains dispositifs de soutien aux travaux de rénovation énergétique.
La filière est repartie, et nous sommes plutôt dans une vision positive de l’avenir, mais il faut nous accompagner et lever tous les freins pour accélérer cette reprise.»