« Le négoce Quofi entre résilience et questionnements », Valérie Lachenal (présidente de la FFQ)

Stéphane Vigliandi
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Valérie Lachenal, présidente de la FFQ.
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EN PHOTO • Présidente de la FFQ et PDG de l’entreprise éponyme savoyarde, Valérie Lachenal estime que le baromètre bimensuel de la fédération est amené à être diffusé « durant tout le temps de la crise Covid ». Ensuite, l’exercice sera-t-il pérennisé ?

[Zepros Négoce] À la tête de la Fédération française de la quincaillerie (FFQ) depuis bientôt deux ans, Valérie Lachenal dévoile pour Zepros Négoce les principales données d’une profession en mode confiné, puis déconfiné. Et livre les craintes et les incertitudes qui se profilent d’ici à l’automne. Entretien.

UNE ÉROSION D’ACTIVITÉ DANS LA MOYENNE DU NÉGOCE BÂTIMENT

Valérie Lachenal : Tout au long des 55 jours de confinement, puis durant les deux premières semaines de déconfinement progressif, nos entreprises* s’en sont plutôt bien sorties. Selon les derniers indicateurs bimensuels que la FFQ a consolidés et diffusés le 20 mai, l’activité moyenne en valeur ressort à -37 % sur la 2e quinzaine d’avril comparée à la même période de 2019 [voir Chiffres ci-dessous]. La fédération qui, en principe, se concentre sur les dossiers RH & Social, a mis en place cette enquête d’activité, dès fin mars, pour pouvoir mutualiser les données avec l’ensemble de l’Appro du Second Œuvre Bâtiment & Industrie au sein de la CGI. Globalement, notre filière se situe dans les mêmes eaux que le reste du négoce Bâtiment. Jusqu’au 10 mai, les grossistes ciblant une clientèle mixte (pros et particuliers) et qui ont pu s’organiser pour servir au comptoir sans contact, ont sans doute un peu mieux résisté que leurs confrères servant uniquement en drive sécurisé. Si d’autres marchés du négoce (matériaux, bois, matériel électrique, finitions…) sont peut-être mieux aguerris au click & collect, l’univers du quofi s’appuie encore – avant tout ! – sur la vente physique au comptoir : c’est notre clé de voûte. Le professionnel (qu’il soit artisan, collectivité locale, voire grand compte de l’industrie) vient nous voir pour y trouver des solutions techniques et pas seulement des produits. L’essence même de nos métiers, notamment chez les indépendants, peut expliquer qu’une partie de la profession ne soit pas forcément rodée au drive : un format assez chronophage en termes de ressources.

* La FFQ fédère environ 300 entreprises , 2 500 points de vente représentant 14 000 salariés (la branche en compte 27 000) pour un CA total de l’ordre de 12 Md€ HT

INDUSTRIE : 1 / BÂTIMENT : 0, MAIS…

Va. L. : Dès le début de l’état d’urgence sanitaire, les grossistes plutôt axés sur les métiers de l’Industrie avaient réussi – jusqu’à présent – à tirer leur épingle du jeu. Désormais, dans le secteur automobile par exemple, les chaînes de production sont en stand-by et affichent une chute des ventes historique [les immatriculations de voitures neuves ont dévissé de -88,8 % en avril après -72,2 % en mars selon le CCFA]. Aujourd’hui, la tendance semble s’inverser à la faveur des marchés du Bâtiment dont l’activité, bien que dégradée, retrouve un peu de vigueur. En outre, la fermeture des GSB physiques a pu permettre d’alimenter un certain volant d’affaires en agence. Ce retour des particuliers en quincailleries a parfois généré des tickets moyens qui ont pu tripler par rapport à la normale ! Peut-être avons-nous aussi capté une frange de clients habitués des négoces matériaux où ils s’approvisionnent en quincaillerie du bâtiment… Avec le déconfinement, il faudra voir si nous saurons les garder et les rendre plus captifs.

DES “RÉAPPROS” QUI NE SUIVENT PAS FORCÉMENT TOUS ?

Va. L. : Le 11 mai au matin, tous les adhérents avaient pu déployer l’ensemble des protocoles barrières dans tous leurs points de vente. Sur ce sujet, nous avons en somme un avantage par rapport à d’autres filières du négoce. L’univers Hygiène-Sécurité-Prévention fait partie de nos fondamentaux. Les grossistes avaient déjà en stock la majorité des fournitures Covid pour leurs clients, mais aussi pour équiper leurs propres salariés. Bien sûr, il a souvent été compliqué de trouver des fournisseurs de masques jusqu’à mi-avril pour réalimenter les stocks centraux et tampons. Des solutions ont été trouvées – parfois en mutualisant, chez certains, les achats. Néanmoins le sujet des réapprovisionnements en EPI* pourrait devenir plus prégnant pour certaines familles de produits. Selon la dernière enquête FFQ, 27 % des grossistes se heurtent à des difficultés de réassort (au 30 avril). Ce qui pourrait avoir potentiellement des incidences sur l’activité des prochaines semaines. Par ailleurs, en outillage à main [certaines forges n’ont pu reprendre une activité partielle que début mai] et en peinture entre autres, les principaux fournisseurs n’ont relancé leurs chaînes de production et la logistique que “tardivement”. Quant aux grossistes disposant d’un parc Acier, jusqu’à présent il n’y a pas eu de réelles tensions sur les stocks et appros. Mais, là aussi, la situation pourrait se durcir**.

* Dès fin mars/début avril, des marques de gants de protection, par exemple, ont dû réorienter leurs productions vers la fabrication de masques alternatifs en tissu.

** Le BTP reste le premier débouché pour l’acier européen devant la filière Automobile. Déjà confrontée à des surcapacités mondiales depuis deux ans, la sidérurgie européenne ne peut pas mettre à l’arrêt ses hauts fourneaux.

DÉFAUTS DE PAIEMENT CLIENTS : ÇA PEUT FAIRE BOUM ?

Va. L. : Fin avril, à peu près 40 % de nos membres avaient été confrontés au moins une fois au rejet d’une LCR [lettre de change relevé] équivalent à environ 7 % de l’échéance globale. Ce n’est pas neutre en termes d’exploitation. Concernant les mesures de chômage partiel qui seront en principe moins généreuses dès le 1er juin, la fédération a déjà reçu plusieurs appels à ce sujet ces derniers jours. A priori, certains grossistes commenceraient à envisager des plans de sauvegarde de l’emploi*. S’il n’y a pas de profil type, ces entreprises étaient déjà fragilisées avant la crise sanitaire. À l’instar du choc financier de 2008-2009, le paysage du négoce Quofi pourrait-il encore se reconfigurer ?

* Selon une enquête révélée par "Le Parisien" le 21/05/2020, 22 % des patrons français pensent devoir licencier dans les mois à venir.

LES LEÇONS D’UNE CRISE

Va. L. : Sans doute va-t-il falloir intensifier encore les démarches au niveau de la digitalisation des parcours clients* tout en conservant cette dimension fondamentale du comptoir de vente physique dans l’univers de la Quincaillerie. Si la solitude du chef d’entreprise peut être parfois une réalité, cette crise plus que tout autre démontre également l’importance de se fédérer, de mutualiser les bonnes pratiques, les retours d’expérience dans un esprit de confiance.

* Côté back-office, l’EDI doit fortement enrichir la fiabilité et la traçabilité des flux de datas entre fournisseurs et distributeurs via des plateformes communes comme Edoni ou Fab.Dis.

(Propos recueillis par Stéphane Vigliandi)

[17 mars-22 mai 2020] • LE NÉGOCE QUOFI EN MODE… DÉGRADÉ

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• 100 % des points de vente ouverts au 20/05/2020

• Statut des effectifs salariés au 11/05/2020

→ 57 % sur sites

→ 29 % en chômage partiel

→ 9 % en télétravail

→ 5 % en arrêt maladie, dont 35 % pour garde d’enfant(s)

• Baisse moyenne de CA à -37 % (du 15 au 30/04/2020 vs 2e quinzaine d’avril 2019)

• Défauts de paiement & impayés clients (au 30/04/2020)

Environ 40 % d’adhérents déclarant au moins 1 rejet de traite/LCR

→ 50 % de clients ont demandé des reports d’échéances

(Source : baromètre FFQ du 20 mai 2020, données adhérents consolidées)

Stéphane Vigliandi
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