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« Les leçons d’une crise et des questions », Fabio Rinaldi (BigMat France)

Stéphane Vigliandi
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EN PHOTO • Exemple d’un des nombreux drive-in sécurisés. Ici, le dispositif implanté dans le périmètre de l'agence BigMat Probemat à Sainte-Reine-de-Bretagne, dans la Grande Brière, en Loire-Atlantique. (Photos : DR)

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[Zepros Négoce] Mobilisée avec ses 90 adhérents depuis le début de la crise sanitaire, la coopérative aborde “l’après-11 Mai” avec une certaine circonspection. Mais, Fabio Rinaldi, le président du directoire, en tire déjà une leçon : « la formidable capacité d’adaptation » des agences malgré un contexte de demandes très limitées. Bonne nouvelle pour la filière : le ministre de la Cohésion des Territoires a confirmé que l'ordonnance “Délais” ne sera pas impactée par le prolongement de l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 24 juillet prochain.

Repartira vite ou… pas ? Si toute la profession s’interroge sur le rythme d’un redémarrage progressif de l’activité dans la construction, l’incertitude demeure aussi sur le segment de la rénovation et les projets de travaux d’aménagement extérieur. Dans une France qui vivra avec “deux couleurs différentes”, a priori, dès le 11 mai prochain, il est encore trop tôt pour s’appuyer sur tel ou tel scénario. « Cette crise majeure a été extrêmement brutale ! Dans quelle situation financière vont en sortir les artisans et les entreprises du Bâtiment ? Quel sera le niveau de défaillances sur notre aval dans les mois à venir ? Les consommateurs à projet vont-ils rapidement retrouver le chemin des showrooms ? », questionne Fabio Rinaldi qui espère, toutefois, que les affaires pourraient renouer avec « un niveau à peu près correct » au cours de l’été ou à la rentrée. D’ailleurs, il constate aujourd’hui encore que « beaucoup de nos adhérents restent sous tension ». Fin avril, 98 % des points de vente étaient pourtant ouverts. « Avec des horaires toujours aménagés » pour ne pas trop alourdir des charges d’exploitation déjà mises à rude épreuve durant cette période de bas régime. Au lendemain du week-end pascal, la vente aux particuliers a été à nouveau assurée. Mais uniquement sous forme de drives sécurisés appliquant scrupuleusement les consignes de sécurité sanitaire mises à jour par la FNBM le 30 avril.

Désormais, les zones chaudes – y compris les 12 “Espace Menuiserie by BigMat” et les 2 sites pilotes “Espace Carrelage” – doivent rouvrir leur accès aux prescripteurs et au public. Dans cette perspective, la centrale avait commandé environ 350 000 masques pour les équipes terrain et leurs clients. Fin avril, le stock a ainsi pu être reconstitué. Et si tous les protocoles d’hygiène et de sécurité sont mis en œuvre depuis le 23 mars, « et bien que la pandémie semble vouloir décroître, la centrale a demandé à chaque chef d’entreprise de nous alerter aux moindres signaux, même faibles, pour écarter tout risque d’infection dans les agences », confie Fabio Rinaldi.

EN PHOTO • Alors que la pandémie de Covid-19 a déjà écrêté la PIB française de 5,8 points de croissance au premier trimestre 2020, Fabio Rinaldi, à la tête de BigMat France, calcule qu’en l’état la crise sanitaire pourrait impacter le chiffre d’affaires du groupement dans une fourchette de -5 à -10% au moins cette année. Après 963 M€ HT de CA en 2019, la centrale prévoyait de dépasser le 1 Md€ en 2020.

Feedback européen

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Au passage, il rappelle que « beaucoup de ressources RH ont été mobilisées » pour permettre aux coopérateurs BigMat d’organiser dans les agences les rotations de salariés pour servir les urgences. Si « très rapidement », la situation a été sous contrôle en vue de poursuivre l’activité en mode dégradé (drive-in, click & collect, livraisons directes), « un dialogue permanent » a été activé entre la tête de réseau, les adhérents, leurs collaborateurs et la FNBM qui a eu « un rôle pilote dans la coordination » des consignes et règles de sécurité sanitaire, rappelle en substance le dirigeant. Un dialogue assuré par les quatre membres du directoire, le conseil de surveillance et Claude Coutant. Présidente de BigMat International, cette dernière a d'ailleurs eu un rôle de veille et de retours d’expérience quant aux pratiques adoptées par les adhérents des 6 autres filiales européennes. « C’est un feedback important pour notre comité de coordination Covid afin d’adapter à la marge, le cas échéant, notre stratégie », convient le patron de BigMat France. Au cœur du dispositif, cette cellule de crise a piloté de multiples web conférences pour aborder, avec les dirigeants de négoces, tous les dossiers : protocoles et mesures barrières bien sûr, gestion RH, approvisionnements via la plateforme gaBi (environ 11 M€ HT d’achats auprès des fournisseurs référencés) pour aider les dépôts à reconstituer en partie leurs stocks, mais aussi finances, risques d’impayés, etc.

EN PHOTO • Dispositif barrière en plexiglas dans l'un des 9 comptoirs que détient le rhônalpin BigMat Girardon.

Stress-tests et…

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D’ailleurs, combien de temps l’épée de Damoclès peut rester suspendue au-dessus des comptes de résultat des entreprises ? Pour tenter d’y remédier, la centrale a « très vite informé, incité, voire alerté » les adhérents pour prendre en compte les dispositifs de soutien gouvernementaux – notamment le prêt garanti par l’État (PGE). Sorte de fil rouge qui permet aussi à la centrale d’analyser les besoins, les risques et de redimensionner si besoin les plans de trésorerie avec ses adhérents.

Toutefois « moins de 10 % d’adhérents » auraient eu recours au PGE : un instrument supplémentaire dans la “trousse anti-Covid” de BigMat. « Avec des délais très raisonnables (en moyenne sept jours ouvrés), le taux de réponses favorables des banques est d’environ 95 % à ce jour », indique Fabio Rinaldi. Et de préciser que cet appel au PGE reste aujourd’hui un outil utilisé à la marge par des sociétaires qui préfèrent « sécuriser leur fonds de roulement si la récession devait se prolonger… de longs mois ». Sur ce dossier, la vigilance aussi s’impose. Si ces prêts sont garantis à des taux bas pendant un an, ils retrouveront des taux “classiques” (à quel niveau ? peut-être à un prix plus fort ?) si les entreprises n’ont pas remboursé leur PGE d’ici là.

EN PHOTO • Dans son unique agence, à l'ouest de Nantes, BigMat Probemat a créé deux sens giratoires distincts pour le retrait au drive : l'un pour les professionnels, l'autre pour les particuliers.

…et menaces de crédit-client dégradé

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D’ailleurs, ce ne sont pas nécessairement les mêmes adhérents ayant pris “l’option PGE” qui auraient été « pris en otage » par certains assureurs-crédit, selon lui. Des chefs d’entreprise ont éprouvé la politique de la terre brûlée décriée par la FNBM dès le 22 avril. Avec, à la clé, des risques de cotation dégradée pour eux-mêmes ou leurs clients, une révision à la baisse des niveaux de garantie et des niveaux de couverture de la part des “argentiers” du crédit-interentreprise… Pour le président de BigMat France, « c’est un comble, alors que les résultats des adhérents BigMat étaient bien orientés en 2019 et que le début 2020 s’annonçait tout aussi dynamique ». Si les discussions sont toujours en cours entre la FBNM et les professionnels du crédit-client, le manager juge « ces interventions unilatérales stigmatisantes, disproportionnées et contraires au nécessaire besoin de solidarité qu’impose le contexte très tendu dans notre filière ». En attendant, la coopérative constate que « la chaîne des règlements amont et aval est respectée ». À ce jour, son manager indique n’avoir « reçu aucune alerte d’adhérents sur des échéances clients qui n’auraient pas été honorées ».

Reprise “verte” et digitalisée

Alors que la date-butoir du 11 mai permet de « lever certains doutes » et « apporte un début de visibilité », des questions demeurent pourtant. Dans une France déconfinée, mais coupée en deux, comment s’assurer de la bonne marche de la reprise ? Par exemple, « comment livrer un chantier situé dans un département limitrophe décrété rouge si l’agence est implantée dans une zone verte ? », questionne Fabio Rinaldi. Sans doute un casse-tête logistique et commercial supplémentaire ! Quoi qu’il en soit, « ce 11-Mai signe le début de la fin de la crise sanitaire, mais ouvre sur une autre crise d’ampleur ». Refusant d’évoquer une “Libération”, il estime qu’« après le temps de la gestion de crise, c’est une période de reconquête de l’activité qui doit s’ouvrir. Mais l’économie du Bâtiment s’en trouvera encore plus transformée. Pour BigMat, ce sera une reprise encore plus “verte” axée sur les travaux de rénovation énergétique », prévient le dirigeant en écho au plan de relance du Bâtiment que l’AIMCC propose au gouvernement.

Construisant avec les 90 coopérateurs « cet “après” qui leur semble le plus plausible », le groupement d’indépendants se dit dans les starting-blocks, bien que 70-80 % du chiffre d’affaires soit réalisé auprès des professionnels. « En 2019, nos adhérents ont ainsi pu disposer de tout l’arsenal pour déployer les mécanismes des CEE*. Certaines sociétés comme BigMat Libaud ou Spielmann ont déjà développé des ressources internes à ce sujet », confie Fabio Rinaldi. Quant à la digitalisation des parcours clients, cet « épisode traumatisant » permet, malgré lui, de contribuer à accélérer le mouvement. La centrale prévoit, entre autres, de déployer « rapidement » des extranets adhérents pour les clients en compte : un levier supplémentaire pour tenter, sans doute, d’améliorer la productivité et les marges d’un Négoce Bâtiment mis à mal par la pandémie. Mais comme le taguent, depuis ce week-end, sur les réseaux sociaux une pléiade de commerciaux d’enseignes grand public et leurs confrères fournisseurs, BigMat qui fêtera ses 40 ans en 2021, est, lui aussi, en mode #BackToWork… Stéphane Vigliandi

* Aux côtés d’Édouard Barthès (président du groupe EBS), de Bernard Bourigeaud (fondateur et ex-PDG d’Atos) et d’Éric Besson (ex-ministre de l’Industrie, de l’Énergie et de l’Économie numérique), Fabio Rinaldi siège au sein du Symbiote : le Syndicat de la rénovation énergétique créé en avril 2018

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ÉTAT D’URGENCE PROLONGÉ • A priori, pas d’impact sur les délais d’instruction

Dans une vidéo de 23 secondes postée ce 4 mai sur Twitter, Julien Denormandie a voulu rassurer les professionnels du BTP et de l’immobilier. Alors que l’état d’urgence sanitaire est désormais prolongé du 24 mai au 24 juillet 2020, le Ministre de la Cohésion des Territoires et des Relations avec les Collectivités territoriales a fait part de son « souhait que l’activité puisse reprendre ». Dans le cadre de l’ordonnance ”Délais“, le gouvernement doit prendre « des textes dans les prochains jours pour permettre de ne pas rallonger, encore une fois, les délais de l’ensemble des opérations ».

Stéphane Vigliandi
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