Avec sa chaudière numérique, Qarnot réinvente l’eau chaude
[Zepros Energie] D’un côté, les data centers qui consomment de l’électricité pour effectuer des calculs informatiques et qui dégagent de la chaleur qu’il faut évacuer. De l’autre, les radiateurs électriques et les chauffe-eau des particuliers, qui utilisent également du courant pour produire de la chaleur. L’idée de Qarnot Computing : délocaliser les premiers chez les gens pour remplacer les seconds. Avec le calcul distribué, il devient possible d’envisager une économie numérique circulaire.
Le radiateur-ordinateur QH.1 a déjà été vendu à plus de 1 500 unités dont 1 200 déjà installées. Trois cent exemplaires seront prochainement livrés dans des logements sociaux du 11e arrondissement parisien tandis qu’une grosse opération (175 unités) sera bientôt annoncée à Toulouse. Quentin Laurens, responsable des relations publiques pour Qarnot Computing, fait le point pour Zepros Energie sur le déploiement des technologies maisons : « Parmi les avancées principales, il y a l’obtention du titre V système dans la RT 2012 qui fait que notre radiateur ne subit plus le coefficient de conversion de 2,58, puisque la chaleur est valorisée. Avec le nouveau coefficient qui n’est plus que de 0,78 nous nous repositionnons également dans le neuf. Nous avons donc intégré le logiciel de calcul, ce qui nous rend plus visibles pour les bureaux d’études. C’est une reconnaissance de notre produit ».
Dans la foulée, Qarnot a déposé un dossier pour son autre solution, la chaudière-numérique QB.1 pour obtenir un autre titre V système. « Cette fois un abattement de 100 % du coefficient est attendu. Car, contrairement au radiateur où son utilisation reste saisonnière (et adaptée à l’usager), la chaudière qui produit de l’eau chaude le fait toute l’année », avance Quentin Laurens. Si le radiateur développe une puissance de 650 Watts au moyen de trois processeurs et de deux résistances d’appoint, la chaudière, elle, atteint les 3 kW. « Cela peut sembler modeste mais le système est modulaire est on peut additionner les unités en parallèle ou en série », précise-t-il. Tout ce dont la QB.1 a besoin sont trois branchements : électricité, eau et fibre optique. « Les chaudières sont fabriquées en Slovaquie, chez SKL, dans le cadre d’un programme européen. Des tuyaux en cuivre serpentent entre les dissipateurs aluminium pour récupérer la chaleur des processeurs et cartes-mères. Quatre rails de six ordinateurs permettent de produire une eau à 60 °C », précise le porte-parole de Qarnot, qui poursuit : « La machine n’a pas vocation à chauffer toute l’eau d’un bâtiment mais d’apporter une constante de chauffe, le talon ou le retour de boucle ». Une façon pour la société de disposer d’une capacité de calcul permanente, même en été quand les radiateurs-ordinateurs ne tournent pas.
Mais pour quel modèle économique ? « Il y a un investissement de départ conséquent mais il n’y a pas de coût d’exploitation. Qarnot Computing paie l’électricité nécessaire au fonctionnement des calculateurs et procède à l’entretient et au remplacement des machines – à peu près tous les 7 ans – de façon à rester à la pointe des capacités de calcul ». Le prix reste donc encore élevé, entre 7 et 8 € par watt installé. Cependant le temps de retour sur investissement reste raisonnable avec des périodes comprises entre 6 et 8 ans dans le logement collectif, sachant que les contrats signés avec la société sont de durées plus longues, allant de 15 à 30 ans. Pour l’heure, 10 chaudières numériques ont été installées en Finlande pour être testées, « avant une grosse commande d’une centaine de modules », assure Quentin Laurens. Outre le logement collectif, l’entreprise s’intéresse à différents autres segments du marché, comme les piscines publiques ou l’hôtellerie. Les Ehpad et résidences étudiantes pourraient également être ciblées mais leurs objectifs de retour sur investissement plus courts se heurtent à l’investissement conséquent d’une chaudière numérique. Qarnot réfléchirait à un système de leasing où le prix des machines serait avancé aux clients, mais cela impliquerait de changer de modèle économique.
Participer aux calculs des crash tests bancaires ou de recherche génomique
« Pour l’heure nous ne travaillons qu’en BtoB, nous ne sommes pas prêts à faire du BtoC. L’entreprise n’est pas encore structurée pour mailler le territoire. Traiter en direct nous suffit pour l’instant », explique le responsable. Parmi les clients se trouvent donc principalement des bailleurs sociaux, des collectivités publiques et des gestionnaires d’immeubles tertiaires. Autre raison invoquée : la commande minimale d’une vingtaine de machines par site (pour les radiateurs) « de façon à pouvoir créer une grille de calcul ». Pas question donc, pour un particulier, d’acheter un radiateur-ordinateur seul et de l’installer chez lui… L’échelle sera celle du bâtiment.
Car, il ne faut pas l’oublier, l’objectif premier de Qarnot Computing est de faire tourner les processeurs pour obtenir des résultats, qu’il s’agisse de simulations bancaires, de modélisation 3D, de cinéma d’animation ou d’autres calculs complexes tels ceux de dynamique des fluides appliqués à la météorologie, très gourmande en ressources. « Pendant la crise du Covid-19 nous avons mis à disposition notre puissance de calcul pour l’initiative Folding@Home qui étudie le repliement des protéines ; 850 serveurs ont tourné pendant 1 mois plein. Nous étions les premiers contributeurs français et dans le Top 10 mondial ! ». Le calcul distribué prend alors tout son sens, à la fois solidaire, réparti et valorisant à tous les sens du terme. Couplée à une source d’électricité verte, comme du photovoltaïque, elle permettrait d’effacer le pic de consommation hivernal en lissant le chauffage dans le temps. « Un ensemble ultra-vertueux qui permet d’envisager une économie numérique circulaire », note Quentin Laurens. C’est d’ailleurs le choix de Cdiscount (groupe Casino) : pour éviter la création de data centers , la société a créé avec Qarnot la co-entreprise Scale Max qui transforme des entrepôts existants en centre de calcul alimentés par des panneaux solaires en toiture. L’ensemble se dispense de systèmes de refroidissement, faisant chuter la consommation de 40 %, grâce à une densité moindre. Le tout, sans artificialisation. « Pendant l’hiver, la chaleur est valorisée à 100 % pour réchauffer des entrepôts attenants, équipés de PAC ». Outre Casino, d’autres grands noms ont investi dans Qarnot dont Engie et la Caisse des Dépôts. La startup française, qui a levé 6 M€ juste avant le confinement, affiche désormais des ambitions fortes à l’international. Autre axe de développement, celui du bâtiment intelligent. Quentin Laurens souligne : « Nous militons pour le edge computing, le calcul en local, des données collectées par les capteurs des bâtiments. C’est plus économique, plus écologique et plus sûr pour le contrôle de ces données ».
De là à imaginer des constructions vertueuses et autonomes, qui consomment moins et mieux, il n’y a qu’un pas.
G.N.
Un data center de Facebook chauffe Odense, la 3e ville du Danemark
Dans son bilan environnemental, Facebook fait savoir que son data center danois, inauguré en septembre 2019, valorise sa chaleur en l'injectant dans le réseau urbain d'Odense, capitale de la Fionie. L'objectif est de récupérer 100 000 MWh par an pour chauffer l'équivalent de 6 900 foyers ainsi qu'un hôpital. Le géant du Net précise également que cette énorme installation est approvisionnée à 100 % en énergie verte par contrat avec 3 fermes éoliennes offshore. Comme quoi, "stalker" son ex- sur le réseau social peut se transformer en geste écolo...