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Pavé tok

Chaleur renouvelable : la filière formule ses voeux

Quentin Nataf
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Chaud devant, la RE 2020 arrive ! Plus exigeante que feue la RT 2012, elle doit favoriser des bâtiments qui consomment moins et qui utilisent des énergies décarbonées. Cela devrait être une opportunité pour la chaleur renouvelable, mais dans les faits, seules les PAC tirent leur épingle du jeu. Les acteurs de la filière ont donc proposé diverses actions afin de griller la politesse à l’électron.

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Comme aiment à la rappeler les spécialistes de la chaleur pour le chauffage des bâtiments et la production d’eau chaude sanitaire, ce secteur représente près de la moitié de l’énergie finale consommée en France. Et, à la fin de 2020, près de 23 % de cette demande était couverte par des sources renouvelables comme le bois énergie, la géothermie, les pompes à chaleur (air-air) ou le biogaz. Mais, il y a une décennie, le Plan national d’action en faveur des EnR prévoyait que cette proportion serait de 33 % au même moment… Un retard énorme s’est donc accumulé, poussant les acteurs de la chaleur renouvelable (Fedene, Amorce, SER, Enerplan, AFPG, CIBE, ATEE) à se mobiliser auprès des pouvoirs publics pour faire de leur filière une priorité de la stratégie énergétique nationale et « répondre aux enjeux de souveraineté énergétique, de décarbonation des usages et de maîtrise de la facture des Français ». Car la chaleur est encore majoritairement issue de sources fossiles comme le fioul et le gaz importés et aujourd’hui chèrement payés. Le prix du gaz naturel a augmenté de plus de 40 % sur les 10 premiers mois de 2021 avant que le gouvernement ne décide la mise en place d’un bouclier tarifaire qui durera jusqu’à la fin de 2022. Mais après ?

Des projets qui sortiront vite… si les porteurs sont soutenus
Autre priorité, celle de la lutte contre les émissions de CO2, avec en point de mire la neutralité carbone voulue en 2050. « Pour l’atteindre, le rythme de développement doit être significativement accéléré, de manière à ce que les énergies renouvelables couvrent 50 % de la consommation de chaleur dès 2030 ». Les membres de la filière assènent : « Des décisions politiques fortes doivent désormais être prises pour exploiter pleinement [leur] potentiel ». Pascal Roger, le président de la Fédération des services Énergie Environnement, nous précise : « Pour parvenir aux objectifs de chaleur renouvelable il faut passer de +12 TWh/an à +17 TWh/an, ce qui semble peu mais qui est malgré tout ambitieux. Quelles actions mener ? Il faut un changement de paradigme et passer d’une logique de moyens à une logique de performance et de projets ».
Pour lui, il est nécessaire de multiplier les appels à projets et les appels à manifestation d’intérêt pour déployer un maximum de réseaux de chaleur sur tout le territoire, y compris dans les zones rurales où 1 500 chantiers pourraient être lancés. L’ambition de la Fedene serait de parvenir à créer 1 à 2 réseau par an dans chaque département. « L’Ademe doit se structurer en conséquence en moyens humains et financiers, car la filière industrielle, elle, peut y répondre sans problème », nous affirme-t-il. Le retour sur investissement sera rapide, selon lui, pour les finances publiques : « Pour 1 € d’aide, il y a 4 € d’investissement privé. C’est de la relance économique au niveau des territoires ». Il poursuit : « Pour 2 Md€ investis au global sur les 10 dernières années, la France réalise 1,5 Md€ d’économies sur les importations énergétiques chaque année ! ». Mais à l’avenir, comment s’assurer que les réseaux verts resteront compétitifs si les cours du gaz devaient redescendre ? Pascal Roger conclut : « Il faut redonner une valeur au carbone au travers d’une fiscalité. Plus que le coût de la chaleur c’est la volatilité des coûts de chauffage qui est insupportable ».

(Dossier réalisé par Grégoire Noble)

Chiffres clés :

- 668,7 TWh de chaleur consommée en France en 2020

- 22,8 % de chaleur renouvelable (152,7 TWh)

- 50 % à l’horizon 2030

- 350 M€ de budget annuel pour le Fonds Chaleur

- 833 réseaux de chaleur en France (plus 32 réseaux de froid)

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Trois quesyions à Nicolas Garnier, délégué général de l’association Amorce

Zepros : Parmi les différentes propositions avancées par le collectif, quelles sont celles qui vous paraissent les plus importantes ?

Nicolas Garnier :
La première chose à faire, vraiment, est de remettre la chaleur à sa juste place dans le bilan énergétique français. Les fossiles doivent s’effacer mais par quoi les remplacer ? Par des baisses de consommations déjà, de toutes les énergies, y compris de l’électricité qui a des défauts, et ne pas faire des 20 prochaines années celles des pompes à chaleur air-air à faible efficacité ! Ces machines, assimilables à des convecteurs électriques, ne devraient pas être apparentées à de la chaleur renouvelable. En consommant davantage d’électricité en période de pointe, on émet finalement plus de carbone et on contribue à diminuer le pouvoir d’achat des Français. Les soutiens à la chaleur renouvelable sont injustement bas, or ces énergies – comme la géothermie ou la biomasse – nécessitent des investissements élevés au départ mais, par la suite, peu de coûts variables. Ce qui en fait des projets avec beaucoup de visibilité.

Zepros : Justement sur les aides, que recommandez-vous pour le Fonds Chaleur ?

N. G. : Les moyens financiers sont disproportionnés entre l’électricité, qui mobilise des milliards d’euros par an, et la chaleur, seulement 350 M€. De plus l’Ademe a annoncé que le budget 2022 du Fonds Chaleur était déjà totalement alloué à tous les projets qui lui sont adressés. Et l’État a répondu qu’il consentait à rajouter… 20 M€. Il n’y a donc pas de volonté réelle de la France à respecter les objectifs de la Programmation pluriannuelle de l’énergie. Il faudrait entre 600 et 650 M€ annuels afin de parvenir à suivre la trajectoire prévue. Pour les consommateurs, le “chèque énergie” qui sert à régler le fournisseur de gaz ou d’électricité devrait également pouvoir être employé à régler des charges de chauffage collectif auprès de bailleurs sociaux. De même, le dispositif “MaPrimeRénov”, qui soutient les solutions de chauffage individuelles, devrait évoluer pour favoriser les solutions collectives.

Zepros : Quel est le « changement de paradigme » que les acteurs de la chaleur renouvelable appellent de leurs vœux ?

N. G. : On peut se demander pourquoi, sur les 20 dernières années, l’immense majorité des immeubles neufs ont été chauffés au gaz ou à l’électricité et très peu raccordés à des réseaux de chaleur collectif ? Tout simplement parce que l’électricité est déployée partout, le gaz partout où c’est rentable et les réseaux de chaleur seulement là où les élus ont eu une démarche volontaire. Nous proposons donc d’inverser cela et de faire des réseaux de chaleur la règle partout, en imposant un plan territorial pour les agglomérations de plus de 20 000 habitants notamment. Il y existe un immense potentiel. Pour convaincre les élus, un fonds de décarbonation, identique à celui décidé pour l’industrie, devrait être mis en place pour les collectivités. D’ailleurs bonne nouvelle, l’aide spécifique aux études de faisabilité a été annoncée récemment et elle couvre 90 % des coûts ce qui fait une opportunité de plus pour convaincre les élus. C’est l’occasion de généraliser la réflexion puis de faire des réseaux de chaleur dès que c’est possible.

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Le soleil donne… la même chaleur aux gens

C’est moins connu, mais le solaire thermique peut également fournir ses calories aux réseaux urbains plutôt qu’à des chauffe-eau individuels. La société bordelaise Newheat s’est fait une spécialité de ces installations qui combinent capteurs solaires, récupération de chaleur fatale, stockage de différentes durées (courte et longue) et PAC. Deux fois lauréate du concours d’innovation “I-nov” financé par le PIA (Programme d’investissements d’avenir), l’entreprise a déjà 6 centrales solaires thermiques de plus de 1 000 m² en fonctionnement en France dont deux alimentent les villes de Pons (Charente-Maritime) et Narbonne (Aude). Sur la façade Atlantique, le réseau alimente les bâtiments du lycée ainsi que des équipements sportifs (piscine, gymnase), tandis que sur la Méditerranée, il réchauffe des logements sociaux et des bâtiments municipaux. Dans les deux cas, le soleil vient avantageusement remplacer du gaz fossile et c’est Dalkia (ou une filiale) qui exploite l’installation. À Pons, les 1 800 m² de capteurs thermiques développent 1,4 MWth et fournissent annuellement environ 1 000 MWh de chaleur, parfois stockés dans une cuve de 500 m3 d’eau chaude. À Narbonne, ces chiffres sont doublés avec 3 200 m² de panneaux, 2,7 MWth de puissance et 2 200 MWh attendus, avec un stockage possible de 1 000 m3. Outre ces réseaux urbains, Newheat – qui vient de lever 7 M€ pour poursuivre son développement y compris à l’international – propose également des solutions aux industriels pour le préchauffage d’air, d’eau ou le maintien à température d’enceintes. Une briqueterie de la région Rhône-Alpes disposera prochainement d’une grande centrale solaire d’une puissance de 3 MWth capable de produire 10 000 MWh, épargnant ainsi à l’atmosphère l’émission de 2 500 tonnes de CO2/an.

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On ne manque pourtant pas de rivières…

Outre les réseaux de chaleur, il existe également des réseaux de froid, dont le plus important d’Europe, Climespace, distribue et stocke de l’eau glacée à 5 °C à travers tout Paris (1er, 2e, 7e, 8e, 9e et 16e arrondissements). En France, les réseaux de ce type restent pourtant rares, ils sont à peine une trentaine et délivrent annuellement 0,81 TWh de froid à 1 400 bâtiments connectés. Mais le froid renouvelable, tiré des eaux de la Seine et utilisé pour rafraîchir des bureaux et des établissements recevant du public, présente un avantage immense : son empreinte carbone est extrêmement faible avec 11 grammes de CO2/kWh en émissions directes et 21 grammes en ACV (analyse du cycle de vie) complet. En France, 6 % de toute l’électricité consommée est utilisée à produire du froid (à hauteur de 30 TWh). Le potentiel d’économies est donc immense pour toutes les villes ayant un fleuve ou une rivière suffisamment importante à portée de la main. Outre le “free cooling”, qui utilise directement cette source de fraîcheur, d’autres technologies sont employées classiquement, dont les groupes froid à compression (utilisant un compresseur) ou à absorption (utilisant un fluide frigorigène secondaire absorbeur) et les thermofrigopompes (machines hybrides qui peuvent produire du froid et du chaud simultanément). À noter que les réseaux de froid sont éligibles au Fonds chaleur depuis 2018.

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Forages, Ô désespoir !

Qu’elle soit de surface ou profonde, la géothermie est un peu la mal aimée de la chaleur renouvelable. Dans ces deux versions, elle fournit pourtant 7,27 GWh chaque année (soit 5 % de la production décarbonée) et la France dispose de formations géologiques particulièrement favorables sous la forme d’aquifères dans les bassins des grands fleuves (Seine, Rhône, Rhin et Garonne). En Île-de-France, ce sont 54 opérations qui fonctionnent pour alimenter 210 000 habitants en chaleur. Mais les coûts d’investissements sont élevés et la filière espère des mesures de soutien de ce marché, notamment pour les PAC géothermiques dont il ne se vend plus que 3 000 machines/an alors que plus de 20 000 trouvaient acquéreur chaque année entre 2006 et 2008. Les professionnels « préconisent la mise en place d’un réseau d’animateurs régionaux spécialistes pour qu’ils deviennent des relais de formation et d’information tant vers les particuliers que vers les institutionnels publics ou privés ». Pour la géothermie profonde (500 à 2 500 mètres et des températures entre 30 et 90 °C), « ils souhaitent que les pouvoirs publics accompagnent une campagne nationale d’exploration des aquifères peu connus pour que l’important gisement français soit mieux exploité ».

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Le granulé, disponible et économique

Parmi les alternatives aux énergies fossiles, se trouve le bois énergie. Et, parmi ses multiples déclinaisons, se trouve le granulé, dont l’association nationale ProPellet accompagne le développement depuis 2008. Dense énergétiquement, propre pendant sa combustion (26 gCO2/kWh contre 600 gCO2/kWh pour le fioul), ce combustible entend prendre sa part dans la transition écologique en cours, tant au niveau des ménages français que des collectivités. Aujourd’hui, 1 300 sites utilisent ce type de chauffage (logement collectif, bâtiments d’enseignement, ERP, équipements sportifs…). Un choix qui se justifie dans la durée : « Malgré un investissement initial important, le granulé représente la solution la plus économique comparée aux autres énergies ». En octobre 2021, le fioul était 50 % plus cher, le gaz 80 % plus cher et l’électricité 200 % plus chère ! Côté ressource, pas d’inquiétude : il n’y aura pas de déforestation pour alimenter des chaudières. Le pellet est issu à plus de 90 % de coproduits de l’industrie de première transformation du bois (copeaux, sciure), une filière qui est d’ailleurs appelée à se développer avec l’entrée en vigueur de la RE 2020. La production française devrait ainsi passer de 1,7 Mt en 2020 à 2,7 Mt en 2023, permettant au pays de rester autosuffisant dans le domaine.

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Quentin Nataf
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