Des mots plus forts que le Covid-19 (2e partie)

Marc Wast
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Pour faire suite à la première partie du grand dossier consacré aux initiatives des industriels du secteur du bâtiment liées à la sortie de crise du coronavirus (à lire ici ), nous continuons à faire défiler l'alphabet avec les mots clés de F à O…

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F… COMME FINANCEMENT

Avec une économie quasiment à l’arrêt pendant 4 semaines, et une légère reprise jusqu’à mi-mai, le plan d’urgence décidé par l’État pour indemniser toutes les forces vives du pays met sur la table des dizaines de milliards d’euros !

Chez Atlantem Industries, la direction reconnaît bien sûr le bienfondé des mesures de soutien gouvernementales. Mais il faut aussi « penser à la sortie de crise… sanitaire ». Autrement dit : « Après le plan de reprise, il va falloir un véritable plan de relance, juge le Dg, Bruno Cadudal. Avec les pouvoirs publics, il faut travailler à un nouveau Plan Bâtiment, des schémas pour la rénovation, redonner sans doute un peu de place à l’éco-PTZ, simplifier l’accès à certains dispositifs comme MaPrimeRénov’. » D’ailleurs, cette prime d’État – lancée en janvier 2020 et qui fusionne le CITE et les aides de l’Anah “Habiter mieux Agilité” – comptabilise déjà 27 400 dossiers qui doivent être examinés au cours du 2e trimestre.

Pour Marina Offel (Hellio), les certificats d’économie d’énergie seront une des pierres angulaires de la reprise espérée. « La manne financière est là et considérable avec une enveloppe de 1,8 Md€ (contre 0,8 Md€ pour anciennement le CITE). De par son pilotage plus flexible, c’est dispositif de plus en plus plébiscité qui faudra mettre à profit d’ici la fin de la prochaine période, prévue en 2021. D’ici là, nous œuvrons pour que les travaux éligibles soient étendus pour y intégrer l’ITE, les bouquets de travaux, voire la rénovation globale, ou encore les contrats de performance énergétique. »

F… COMME FORMATION

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C’est un des domaines qui a été fortement bousculé, confinement oblige. Contradictoirement, en période d’activité réduite et de chômage partiel, la formation aurait pu connaître un regain d’intérêt. Mais c’est sans compter sur le numérique et la faculté d’adaptation des industriels qui ont réussi à transformer leur cursus en version digitale, avec à la clé, un succès complètement inattendu. Explications…

3 questions à…
Louis Moulin – Vaillant Group France

Zepros : Les règles de distanciation ont stoppé net les sessions de formation en présentiel. Quelles sont les dispositions que vous avez prises pour continuer à former les professionnels ?

Louis Moulin : Effectivement, nous avons du annuler toutes nos sessions jusqu’à fin mai. Ça tombe vraiment mal car cette période est la plus chargée dans ce domaine, en raison de la saisonnalité de la période de chauffe. En absence d’e-learning, peu adapté aux profils des installateurs que nous formons, nous avons créé un catalogue digital en travaillant sur les formations facilement adaptables au mode dématérialisé, tout en priorisant logiquement les plus stratégiques.

Zepros : Avez-vous eu recours aux webinars ?

L.M. : C’est la technique que nous avons effectivement choisie. Depuis le 31 mars, 60 webinars ont été organisés en externe auxquels assistaient 8 personnes au maximum afin de favoriser l’interaction. D’une durée de 3 heures, ces sessions permettent une adaptation optimale à la partie théorique dans la mesure où la pratique n’est plus réalisable pour le moment, à moins d’adapter les locaux de nos 8 centres de formation, mesure peu envisageable dans les conditions actuelles. Néanmoins, ce format est plus que judicieux pendant la période de confinement, sans parler de la possibilité d’y recourir pour les personnes actuellement en chômage partiel.

Zepros : Pensez-vous élargir votre audience avec ce type de formation ?

L.M. : C’est une des bonnes surprises de ce concept inédit pour Vaillant. Nous sommes en contact avec d’autres typologies d’interlocuteurs comme les distributeurs, les prestataires liés aux certificats d’économie d’énergie, ou une cible également peu représentée jusqu’à présent, les installateurs, a contrario des professionnels de la maintenance qui constituent la majorité des personnes s’inscrivant à nos formations.

Pour Éric Limasset (président de Layher France) : « Il y avait une vraie demande de la part des artisans pour se former en ligne. Nous avons plus de 50 personnes par cessions dont des artisans, des loueurs-monteurs, des membres de l’OPPBTP ou encore des formateurs. Le secteur du bâtiment est très présent, notamment les TPE et les PME, contrairement à ce que nous imaginions au début. Ces formations permettent aux professionnels de mieux se projeter dans l’avenir et de préparer la reprise. Cette méthode de formation va perdurer dans le temps car elle convient aux habitudes des artisans habituellement trop occupés pour se libérer une journée entière. »

G… COMME GUERRE TARIFAIRE

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Aura-t-elle lieu ou pas ? C’est une question qu’il ne faut pas occulter. En effet, toute entreprise a des objectifs à tenir et la période actuelle met à mal son chiffre d’affaires, sa rentabilité, voire sa pérennité. Dans ce cas, la tentation peut être grande de réactualiser certaines pratiques visant à capter des parts de marché qui vaudront cher d’ici la fin de l’année. Néanmoins, de l’avis majoritaire, la probabilité de voir s’installer une tendance des prix à la baisse est faible.

Pour Frédéric Plasseraud (Siniat), « ce n’est pas la tendance que l’on constate aujourd’hui. En cette période difficile, c’est plutôt la transparence qui prime avec la distribution et le facteur déterminant est la disponibilité réelle des produits. En outre, on ressent vraiment une solidarité de tous les acteurs tandis que notre syndicat professionnel (SNIP) s’active pour défense les intérêts de la filière pour préparer la sortie de crise ».

Avis convergent de la part de Gérard Laurans (Recticel) qui pense que, « même si c’est guerre des prix est envisageable, elle sera vouée à l’échec pour 2 raisons principales : d’une part, il est illusoire d’imaginer qu’il est possible de rattraper le retard accumulé depuis 2 mois. Chaque industriel aura d’abord à cœur de sécuriser ses positions. D’autre part, cette course tarifaire va se heurter au goulot d’étranglement de la maitrise d’œuvre ». Les artisans n’ayant pas le don d’ubiquité, le nombre de chantiers ne sera pas extensible à l’infini.

H… COMME HUMAIN

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Avec ces circonstances exceptionnelles, jamais ce mot n’aura été si important. L’entre-aide, la solidarité se sont manifestées à tous les niveaux (de l’État jusqu’au dernier “maillon” de la chaîne) pour que ces quelques semaines cruciales puissent générer le moins de casse possible. Malgré un risque sanitaire évident et grave, toutes les forces vives sont sur le pont pour faire tourner les usines, assurer le meilleur service pour les fonctions support, permettre les livraisons dans les négoces et sur les chantiers… Les crises ont souvent mis en évidence les côtés parfois sombres de l’homme. Le Covid-19 en aura révélé les plus belles valeurs.

Eric Limasset (président de Layher France) : « Les artisans sont en première ligne et sont les premiers touchés par cet arrêt de l’activité. Nous nous battons pour mettre en place une solidarité économique c’est-à-dire que chaque entreprise soit payée par ses clients et payent ses fournisseurs. Aujourd’hui ce n’est pas le cas. Personnellement, mon inquiétude est de savoir si nous aurons le même nombre de clients à la reprise. La majorité des entreprises du secteur n’ont pas les moyens de rattraper ce chiffre d’affaires perdu. Nous avons d’ailleurs participé aux guides des bonnes pratiques afin d’aider les artisans à reprendre leur chantier même si chaque cas est différent. Il faut aider les entreprises souhaitant reprendre. »

Chez France Fermetures, aucune facture n’a été envoyée du 17 mars au 30 avril. « Un principe de solidarité avec l’aval de note filière où beaucoup d’installateurs ont encore difficilement accès au domicile des particuliers pour la pose et les métrés », argumente Arnaud de Seigneurens qui pilote cette filiale de SFPI. Résultats ? Le fabricant-assembleur qui travaille à environ 80 % avec le segment de la rénovation et les particuliers, prévoit un repli de son chiffre d’affaires en 2020.

Du côté du gel hydroalcoolique, en quelques semaines, la production est passée en France de 48 000 litres/jour avant la crise sanitaire à environ 550 000 litres, selon le ministère de l’Économie. Face à l’explosion de la demande, des industriels membres de la Fipec ont décidé de contribuer à “l’effort de guerre”. Sur ses 154 adhérents, près d’une dizaine d’entreprises étudient de près la faisabilité, voire se sont déjà organisées pour « formuler des mélanges chimiques adaptés aux besoins » et dans le strict respect des recommandations de l’OMS et des pouvoirs publics français. Conditionnés en principe en fûts de 1 litre à 5 litres, voire 10 litres, les lots sont destinés à leurs salariés ou à leurs clients via les négoces. Parmi eux : les fabricants de peinture indépendants Onip qui a dédié l’une de ses lignes pour sortir 10 000 l/mois (60 de ses 70 points de vente approvisionnés) et Maestria.

VITE DIT…
« Nous sommes tous les garants pour faire perdurer ce lien entretenu pendant la crise. Je le vois au sein de toutes les équipes qui, malgré la distance engendrée par le télétravail, sont plus unis que jamais. » Nicolas Féry (Isover Placo).

L… COMME LOGISTIQUE

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Yves Danielou (président de l’AFISB) : « Les industriels ont eu des problèmes liés à la fermeture brutale des distributeurs à la suite du confinement. Avant la décision des pouvoirs publics, des commandes étaient en cours de livraison et dans beaucoup de cas, les transporteurs de nos adhérents se sont présentés aux entrepôts des distributeurs qui ont refusé de les réceptionner. Les industriels ont dû ainsi gérer les retours des commandes non acceptées. Ces retours ont encombré les quais, les entrepôts et le système logistique des fabricants. Nous ne jetons pas la pierre à nos partenaires distributeurs, car chacun a été confronté à différents problèmes à la suite des annonces du gouvernement, mais les conséquences sont lourdes pour les industriels »

Marc-Robert Jean (Directeur commercial et marketing pour Siamp) : « Nous avons maintenu notre logistique à 100% et nous sommes capables de livrer l’ensemble de nos produits. Concernant la production, nous étudions chaque cas si nous n’avons pas les produits demandés en stock. Concernant les matières premières, nous ne sommes pas impactés pour l’instant. Nous avions anticipé ce confinement grâce aux avertissements de nos collègues italiens. »

Jérôme Billet (directeur de VitrA France, Benelux et Suisse) : « Nous sommes prêts à accompagner ses clients distributeurs et installateurs et à faire des efforts par rapport à sa chaîne logistique et sur la disponibilité de ses produits. Cela va être nécessaire pour accompagner au mieux la reprise. »

Laurent Legay (directeur marketing Comap) : « Nous ne sommes pas en flux tendu actuellement, nous suivons les besoins de nos clients. Nos commandes partent de notre plateforme logistique près d’Orléans où nous stockons une partie de nos produits. Nous essayons d’être le plus agile possible par rapport aux besoins de nos clients. »

Leny Soy (directeur général Keim France) : « Au niveau logistique, dès le début du confinement nous avons contacté nos prestataires transporteurs afin de savoir ce qu’ils étaient capables de faire malgré cette crise sanitaire. Sur nos quatre prestataires, deux ont répondu présent encore mieux que d’habitude. Nous avons senti une volonté de nous soutenir en cette période délicate. »

Bertrand Fougerouse (directeur marketing France et Iberia chez Wavin) : « Nous avons réduit notre capacité de production puisque la demande n’est plus aussi forte que depuis le début de l’année. Nous avons cependant maintenu notre activité logistique pour assurer à nos clients que nous pouvons répondre à leurs besoins. Nous continuons à accompagner nos partenaires. Nous essayons d’être le plus agile possible grâce à toutes les informations que nous recueillons. Cela nous permet d’adapter au mieux notre production et notre capacité logistique. »

M… COMME MOBILISATION

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Avec le Codifab (le collecteur de la taxe fiscale affectée pour les industries du bois et du meuble), l’UFME (Union des fabricants de menuiseries) entre autres a mené une démarche conjointe pour approvisionner la filière en masques protecteurs. Si toutes ces mesures ont pu parfois retarder le redémarrage des usines – certains acteurs ne reprenant en 2-8 ou en 3-8 qu’à partir du 27 avril –, elles ont aussi « un impact sur la productivité », selon son président, Robert Dollat. Plusieurs acteurs du marché évoquent des niveaux de productivité de l’ordre de 65 à 85 % comparés à la normale.

O… COMME ORGANISATION

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Métiers de la baie • La stratégie du “stop & go” : un casse-tête
Après quatre semaines de demi-sommeil, la filiale hexagonale de Veka, par exemple, a commencé à réactiver la machine. Le 23 avril, son P-dg Jos Lenferink est retourné à l’usine « pour la première fois depuis plus d’un mois ». Instants semés d’émotions, mais aussi d’appréhensions et d’inquiétudes. « Dans nos métiers, les usines ne sont pas vraiment conçues pour faire du “go-no go”. Pour relancer l’outil de production dans des conditions d’exploitation raisonnables, l’activité doit être d’au moins 50 % par rapport à la normale.
Fin avril, nous n’avions que 30 % de volumes de commandes en portefeuille : environ 15 % afin d’honorer les commandes passées avant que ne soit décrété l’état d’urgence sanitaire ; l’autre moitié pour servir les nouvelles demandes reçues courant avril
», reconnaît le concepteur-gammiste. Comme d’autres acteurs de la filière, la BU hexagonale anticipe l’après-confinement en produisant momentanément plus pour éviter des stocks sous tension courant mai. Tous les jeudis, le fabricant réunit ainsi en visioconférence les membres de la cellule de gestion de crise pour définir les volumes de production de la semaine suivante.

Autres témoignages :
« Pour les personnels des agences, les nouvelles contraintes de distanciation sociale et d’utilisation d’équipements de protection sont intégrées à la façon de travailler. Des nouveaux gestes sont à apprendre pour l’enlèvement d’équipements en « drive », c’est-à-dire directement sur le parking où des box sont organisés et le matériel est déposé à côté du véhicule pour que le client le récupère lui-même. Les matériels sont également nettoyés avant et après chaque location. Dans chaque agence, une journée de formation est instaurée avant chaque réouverture. » Olivier Colleau (Kiloutou)

Valentin Ziraldo (président de Villeroy & Boch France) : « Pour la partie organisation, nous sommes passés, selon les cas, en chômage technique ou en chômage partiel. En France, 50% de notre effectif est actuellement en chômage partiel. Nous avons maintenu l’activité autour de notre centre d’appels, de notre SAV et de notre service marketing pour préparer la reprise. Pour le service commercial, nous avons maintenu 20% des équipes avec un monitoring des appels. »

Arnaud Valentin (PDG du Groupe Valentin) : « Notre première décision, par rapport à ce virus, a été de fermer les services non nécessaires comme le marketing ou notre bureau d’études. Nous nous sommes concentrés sur l’assistance à apporter à nos clients distributeurs et installateurs. Nous avons la chance d’avoir une grande usine donc nos salariés peuvent respecter les distances de sécurité. Nous laissons les portes ouvertes pour leur éviter de toucher les poignées et nous avons du gel hydroalcoolique. Certains sont même heureux de pouvoir travailler plutôt que de rester chez eux. »

VITE DIT…
« Avec un effort, nous pourrons minimiser l’impact par exemple en augmentant les postes et en réorganisant le travail. L’outil de production nous permet d’aller au-delà. » Brahim Ammar (Jeumont Electric)

« Nous avons mis en place les mesures barrières dès le 9 mars, avant même le début du confinement. En nous appuyant sur les recommandations de l’OMS et du groupe Swiss Krono, nous avons instauré la distanciation et l’arrêt des réunions physiques, aussi bien en interne qu'avec nos différents partenaires, clients et fournisseurs. » Vincent Adam (Swiss Krono)

« Le premier bénéfice d’un groupe international, c’est sa robustesse globale qui permet de se soutenir les uns les autres. Cela passe également par une solidité stratégique et financière autorisant une meilleure agilité dans les périodes difficiles. » François Chardon (Xella)

Retrouvez la troisième et dernière partie lundi prochain sur Zepros.fr.

Marc Wast
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