La chaleur renouvelable continue de progresser… mais trop lentement
[Zepros Energie] La France s’est fixée pour but de s’approvisionner à 33 % en chaleur renouvelable (bois, PAC, solaire thermique…) en 2020. Mais le rapport sur cette énergie publié par le CIBE, la Fedene, le SER, Uniclima et l’Ademe montre que la barre des 22 % sera à peine atteinte… Les acteurs pointent un écart considérable entre objectifs et réalité de terrain, qui ne progresse que lentement, et demandent une mobilisation de l’Etat autour de la future RE2020 (pour le neuf) et de dispositifs comme MaPrimeRénov’ (pour l'existant).
En 2019, la consommation finale brute de chaleur a dépassé les 677 TWh dont 141 TWh d’origine renouvelable. Un chiffre en légère progression donc, puisque la part des renouvelables (et énergies de récupération) est passée de 18,7 % en 2017 à 19,9 % l’année suivante puis finalement 20,8 % en 2019. En suivant ce rythme de croissance, l’année 2020 devrait se terminer avec environ 22 % de chaleur renouvelable, ce qui est… très loin de l’objectif fixé par le Plan national d’action en faveur des EnR de 2010, qui prévoyait 33 % ! Les acteurs de toutes les filières (CIBE, Fedene, Syndicat des énergies renouvelables, Uniclima) rappellent pourtant l’enjeu majeur de la neutralité carbone, prévue pour 2050, et le poids de la chaleur dans les consommations énergétiques.
En scrutant le panorama publié par ce collectif, on note que le chauffage au bois domestique représente, à lui seul, l’exacte moitié de la production de chaleur renouvelable avec 69,8 TWh (50 %). Il devance les pompes à chaleur aérothermiques – qui ont augmenté leur contribution de manière notable l’an dernier – pour la porter à 30,4 TWh (soit 22 % du total). Les chaufferies collectives arrivent en 3e avec 23 TWh (16 %) tandis que géothermie de surface et gaz renouvelable sont en retrait avec respectivement 4,5 et 4 TWh (entre 3 et 4 %). Quant au solaire thermique, il reste très loin avec seulement 1,2 TWh produits en 2019 (1 %).
La France croit en la PAC (mais aéro pas géo)
Dans le détail, le marché des PAC s’est bien porté en 2019, avec un parc installé de 7,7 millions d’équipements dont 5,8 millions de PAC air/air ; 1,2 millions de PAC air/eau et 677 000 chauffe-eau thermodynamiques. L’année dernière a été particulièrement active avec plus de 1 million d’équipements commercialisés (764 000 PAC air/air, 176 000 PAC air/eau et 117 000 CET), principalement pour de la maison individuelle (66 % du marché) et du logement collectif (17 %). Avec 20 sites industriels dans l’Hexagone, cette filière des pompes à chaleur a généré un chiffre d’affaires de 3 milliards d’euros pour 32 000 emplois directs et indirects (fabrication, distribution, installation, maintenance). Des quantités impressionnantes qui font de la France le marché numéro un en Europe.
La situation est, en revanche, moins brillante pour la géothermie de surface. Le parc installé de 164 000 unités de PAC géothermiques (à 95 % pour de la maison individuelle) n’a que faiblement progressé avec à peine plus de 4 400 unités vendues. Le rapport souligne : « Malgré ses nombreux atouts et les progrès réalisés par la filière, le nombre des nouvelles installations annuelles de PAC géothermiques est en forte baisse dans le secteur individuel, passant de 19 000 en 2007 à 2 600 en 2019, et la France accentue son retard sur ses voisins. Bien que des mesures aient été prises ces dernières années, elles ne suffisent pas à redynamiser le secteur dont les ventes restent faibles ».
Le Fonds Chaleur, indispensable outil de soutien
Le solaire thermique reste, lui aussi, sous-exploité et en fort ralentissement depuis plusieurs années. En 2019, 95 000 m² de capteurs ont été posés en Métropole, chiffre heureusement complété par 44 000 m² dans les DROM, amenant la surface totale installée à 3,34 millions de m² en France. Notons que les territoires les plus dynamiques sont insulaires avec la Corse (109 m²/1 000 habitants) soit le double des chiffres observés sur le continent, mais surtout avec la Guadeloupe (483 m²) et la Réunion (827 m²) ! Le marché français reste porté par le chauffe-eau individuel (+109 000 m², soit 79 % du marché). La filière totalise 340 M€ de chiffre d’affaires pour 1 500 emplois directs et indirects. En 2018, le groupe de travail « Place au soleil » avait avancé plusieurs mesures de soutien dont l’augmentation du soutien de l’Etat à travers le CITE, l’intégration du solaire thermique dans les réseaux de chaleur, ou une meilleure utilisation du Fonds Chaleur de l’Ademe (y compris pour réparer des installations défaillantes).
« Pour combler le retard et espérer respecter les objectifs que la France s’est fixés au niveau national, européen et international (…) il est essentiel que l’Etat mobilise l’ensemble des leviers de développement de la production de chaleur renouvelable », estiment les auteurs du panorama. Les acteurs demandent que la future Règlementation environnementale des bâtiments « favorise la pénétration de la chaleur et du froid renouvelables » (via les réseaux de chaleur), et que le soutien à la production de chaleur bas carbone soit élargi à toutes les filières. Ils recommandent enfin « d’optimiser le fonctionnement de MaPrimeRénov’ ». Faute de quoi, la trajectoire de la transition énergétique ne sera pas respectée…
G.N.