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La rénovation thermique, toujours engluée, croule sous les propositions pour s’en sortir

Grégoire Noble
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[Zepros Energie] La mission d’information parlementaire sur la rénovation thermique des bâtiments présidée par le député Vincent Descoeur vient de publier son rapport, sous la houlette de Marjolaine Meynier-Millefert. Si le constat est déjà connu – la France ne parvient pas à massifier les travaux efficaces – les propositions ne manquent pas pour y arriver. Y compris la création d’un Observatoire de plus et d’un Conseil supérieur dédié…

Le rapport parlementaire sur la rénovation énergétique commence solennellement : « Gouverner, c’est loger son peuple », parole de l’Abbé Pierre qui résonne encore au 21e siècle. Menée par Vincent Descoeur et Marjolaine Meynier-Millefert , cette mission d’information vient de remettre un document de plus de 170 pages sur les objectifs ambitieux, les résultats décevants et les freins persistants au déploiement d’une politique publique plus efficiente. Le député LR du Cantal expose « une inadéquation des moyens, notoirement insuffisants pour atteindre les objectifs fixés dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, et ceci malgré les efforts consentis par le plan de Relance ». Un peu plus loin, il note : « Le rythme des rénovations est trop lent (…) l’illisibilité des dispositifs d’aide [est] aggravé par leur instabilité dans le temps et la complexité administrative qui les caractérise ». Et en effet, les chiffres sont loin d’être mirobolants : en 2019, ont été recensées 104 000 rénovations dans le logement social, 41 000 dans le logement précaire privé et… un nombre indéfini dans les autres maisons individuelles. Bien loin des 500 000 opérations souhaitées par les gouvernements successifs pour parvenir à porter l’ensemble du parc au niveau BBC en 2050. Cependant, il s’agit le plus souvent de « gestes » isolés et désordonnés qui ne permettent pas d’améliorer significativement le bilan énergétique des logis.

Pourtant les moyens mobilisés sont énormes : plus de 30 Mrds € par an pour le marché de l’efficacité énergétique du bâtiment résidentiel à lui seul, dont plus de 28 Mrds € pour la rénovation thermique (bâti, chauffage et production d’ECS), permettant l’équivalent de 206 000 temps pleins ! La mission d’information parlementaire pointe des outils de mesures « très insuffisants » et un « suivi des politiques menées lacunaire ». Elle estime que « le pilotage de la rénovation énergétique doit impérativement être amélioré » en raison d’une planification trop complexe, faisant intervenir trop d’échelons nationaux et territoriaux, de façon peu coordonnée. Du côté des aides financières (MaPrimeRénov’, Habiter Mieux Sérénité, primes CEE, Action Logement, Eco-PTZ…), l’offre pléthorique demeure « complexe à utiliser » et floue pour le particulier. D’autres freins sont identifiés, dont une communication et un accompagnement perfectibles, et la « nécessité d’investir massivement dans la formation » qu’elle soit initiale ou continue.

Obligation de rénovation, interdiction de location des passoires thermiques…

Les parlementaires formulent donc un très large panel de propositions (52 en tout) pour, enfin, multiplier les chantiers de rénovation à travers l’Hexagone. Ils recommandent tout d’abord de mesurer systématiquement le nombre d’opérations menées chaque année, selon une définition stricte et partagée par tous les acteurs du secteur, permettant d’identifier les rénovations globales, plus vertueuses. Pour le Diagnostic de Performance Energétique (DPE), ils soutiennent l’idée de mesurer en énergie finale tout en ajoutant un outil de mesure des émissions de carbone complémentaire. De même, ils entendent que le déploiement du carnet d’information du logement soit accéléré et renforcé. Le rapport évoque l’instauration d’une obligation de rénovation globale des copropriétés situées au-delà du seuil de 331 kWh/m²/an à compter de 2026, avec « une assistance à maîtrise d’ouvrage par l’État » assortie d’une obligation de financement du reste à charge. Pour les logements individuels, les auteurs réfléchissent « à la constitution d’une consignation à hauteur de 5 % de la valeur du bien pour financer des travaux de rénovation lors de la mutation du bien » pour les étiquettes « F » et « G ». Autre proposition : prolonger l’éco-PTZ pour l’individuel et les copropriétés jusqu’en 2030, en multipliant son plafond par 4 et en portant la durée maximale de remboursement à 30 ans. Sur la lutte contre la précarité énergétique, les parlementaires proposent d’abaisser le seuil du décret « Décence » au niveau « F » (331 kWh/m²/an) et de définir un calendrier progressif d’augmentation de l’exigence, en instaurant l’interdiction de mise en location des biens classés « E » à partir de 2030, « D » en 2035, « C » en 2040 et enfin « B » en 2045, afin de porter tout le parc au niveau « A » en 2050…

La mission d’information suggère également de « doter l’Observatoire national de la rénovation énergétique des bâtiments de moyens humains et financiers nécessaires » avant de le transformer en « Observatoire de la performance énergétique des bâtiments » qui reprendrait, en sus, les missions de collecte des données d’autres opérateurs (DPE, plateforme Operat de l’Ademe…). Les auteurs envisagent également la création d’un « Conseil supérieur de la rénovation énergétique chargé d’émettre des avis sur les réglementations le concernant », pour piloter la politique publique et gérer les CEE. Enfin, ils souhaitent qu’un programme budgétaire unique regroupe l’ensemble des aides à la rénovation, qui serait pluriannuel et dont les résultats seraient présentés annuellement devant le Parlement. Le but : stabiliser les orientations stratégiques sur des temps plus longs et concentrer les aides sur les gestes les plus efficaces. Vaste programme, souvent évoqué par le passé, en somme.

G.N.

Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure de la mission parlementaire, répond aux questions de Zepros :

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Zepros : Cinquante-deux propositions, n'est-ce pas un peu beaucoup ?

Marjolaine Meynier-Millefert : C'est beaucoup, mais le sujet est multifactoriel, et elles sont classées en plusieurs catégories. Ces propositions donnent des pistes pour structurer la rénovation et ne devaient pas s'arrêter seulement sur quelques idées. Le but est de laisser les parlementaires s'emparer des sujets qui les intéressent.

Zepros : Comment se fait-il qu'en 2021, on en soit encore à produire un rapport sur la rénovation ?

Marjolaine Meynier-Millefert : Des progrès notables ont été faits depuis 3 ans ! Nous n'avons pas fait du sur-place. Le Haut-Conseil pour le Climat dit que nous n'y sommes pas encore : oui, c'est vrai, aujourd'hui nous ne sommes pas à l'objectif. Le marché n'est pas structuré. Mais, "la rénovation globale il va falloir y aller !" dixit Vincent Descoeur, un député Les Républicains. Il y a eu une bascule politique radicale. Le service public de l'efficacité énergétique n'est pas encore déployé dans toutes les régions. Mais énormément de choses ont été faites. Les nominations d'Emmanuelle Wargon au ministère du Logement et d'Anne-Lise Deloron à la coordination interministérielle sont des signes énormes, facilitants. La marche reste haute à franchir mais on voit une vraie dynamique d'accélération.

Zepros : L'arrêt brutal des "Coups de pouce Isolation" au 1er juillet 2021 n'est-il pas de nature à casser cette dynamique ?

Marjolaine-Meynier-Millefert : Ces bonus CEE n'étaient pas le meilleur modèle mais ce n'est pas un bon signal en termes de lisibilité. Quatre mois c'est court... Nous demandons idéalement 1,5 année entre chaque changement. Il y a ici une incohérence de date. Mais les acteurs eux-mêmes disaient qu'il fallait juguler ces Coups de pouce qui créaient des pratiques peu souhaitables. Oui à la régulation, mais pas comme ça.

Zepros : Vous proposez la création d'un nouvel observatoire et d'un conseil supérieur de la rénovation. Encore d'autres comités ?

Marjolaine Meynier-Millefert : Non, nous proposons de regrouper au sein d'un conseil unique toutes les instances qui concernent la rénovation. Par exemple, l'Observatoire national de la précarité énergétique, l'observatoire de l'Ademe (plateforme Operat) et celui du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) devraient être réunis en un seul observatoire pour consolider toutes les données ! Il ne s'agit pas de créer un X-ième Théodule mais de tout concentrer. En ce qui concerne le Conseil supérieur de la Rénovation, il viendrait en plus du conseil supérieur de l'Energie, de celui de la Construction et du Conseil national de l'habitat. L'idée, ici aussi, est d'amener ces acteurs à se réunir de façon régulière autour de la Rénovation afin qu'ils se coordonnent. Il faut que les gens se parlent ! La volonté du Comité de pilotage du Plan de rénovation énergétique des bâtiments (Copreb) est de créer une instance de gouvernance partagée. Mais cela n'a jamais été mis en oeuvre. Uniquement la passerelle interministérielle animée par Anne-Lise Deloron. Mais il faut articuler les différents échelons, territoriaux et nationaux, qui traitent de rénovation.

Grégoire Noble
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