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Rénovation énergétique en Allemagne : exemple ou contre-performance ?

Grégoire Noble
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[Zepros Energie] Il y a 10 ans, l’Allemagne se lançait dans un vaste programme de transition énergétique courant jusqu’en 2050, qui prévoyait la réduction de ses émissions de CO2 notamment grâce à la rénovation thermique des bâtiments. Malgré des milliards d’euros dépensés chaque année, les consommations sont restées stables. Mais ces résultats en demi-teinte sont-ils aussi décevants que cela ? Le chercheur Andreas Rüdinger (Iddri) pense que non.

L’Allemagne, est souvent érigée en exemple de ce côté-ci du Rhin. Cependant, en matière de réduction des émissions de carbone, Berlin reste en-deçà de sa réputation. Malgré des milliards d’euros investis dans la rénovation énergétique des logements, les consommations individuelles stagnent au même niveau depuis 10 ans, sans réel progrès. Dans un rapport publié en 2020, la GdW (fédération des bailleurs immobiliers allemands professionnels) relevait ainsi que 340 milliards d’euros avaient été dépensés entre 2010 et 2020, afin de mener des travaux de rénovation chez les particuliers, qu’il s’agisse de remplacement des menuiseries, d’isolation des parois opaques ou de remplacement du système de chauffage. Et dans le même temps, la consommation d’un foyer était passée de 131 kWh/m².an à… 130 kWh/m².an soit un gain totalement négligeable, qui ne permettrait pas de rentabiliser les interventions et empêcherait le pays d’atteindre son objectif de neutralité carbone en 2050. La GdW avançait deux explications, d’une part l’effet rebond souvent constaté, avec une recherche accrue de confort et des températures de consigne poussées à 22 °C au-lieu du 20 °C réglementaire, et d’autre part une inefficacité de certains travaux. Deux problématiques que la France craint de rencontrer à son tour.

Tout ça pour ça ?

Mais le tableau est-il réellement si décevant ? Non, répond Andreas Rüdinger, chercheur associé à l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales). Le spécialiste note tout d’abord que la consommation d’énergie finale du secteur résidentiel avait augmenté de +8 % entre 1990 et 2008 avant de subir une baisse de -9 % sur les 10 années suivantes : « Les gains d’efficacité énergétique unitaire (par m²) ont donc été fortement compensés par la croissance du parc résidentiel (+36 % de surface depuis 1990) ». De même, les émissions globales de CO2 du résidentiel auraient continuellement diminué pour être 38 % inférieures à celles de 1990, dont 23 % gagnés entre 2008 et 2018. La consommation d’énergie finale par m² affiche quant à elle une réduction de -11 % sur la décennie, tandis que les émissions de gaz à effet de serre par m² ont fortement baissé sur la même période (-27 %) malgré l’abandon du nucléaire et le recours accru à des énergies carbonées. Andreas Rüdinger souligne : « L’absence de résultats de la rénovation énergétique en Allemagne sur ces 10 dernières années ne semble pas réellement se vérifier dans les chiffres. Au contraire, le rythme de réduction annuel des émissions a même nettement accéléré ». Afin d’expliquer le tassement de l’amélioration des performances, le chercheur avance l’hypothèse des variations climatiques non prises en compte. Sur la (non) rentabilité des travaux de rénovation, il explique : « De nombreuses études – en France comme en Allemagne – raisonnent le plus souvent en ‘coût d’investissement complet’, ce qui revient à faire porter à l’objectif d’amélioration de la performance énergétique l’ensemble des coûts de la rénovation. (Or) cette approche néglige le fait que la majorité des investissements engagés constituent une dépense d’entretien ou de modernisation dont la finalité première n’est pas d’améliorer la performance énergétique : on change ses fenêtres parce qu’elles sont vétustes, la chaudière parce qu’elle est en panne, ou le ravalement de façade obéit avant tout à des considérations esthétiques ». En définissant mieux les périmètres de coûts, l’embarquement de la performance énergétique dans une rénovation oscillerait entre +80 et +230 €/m² soit entre le tiers et la moitié du montant des travaux. Ce surcoût serait donc plus acceptable que prévu, d’autant que les aides allemandes sont progressives par rapport au degré de performance visé (Effizienzhaus). Concernant la qualité des travaux, là aussi une étude menée par la Dena (agence allemande de l’énergie) montre que l’objectif de -80 % de consommations a été quasiment atteint (-76 % réels).

Cependant, malgré ces bonnes tendances, l’objectif ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 (-67 % en Allemagne et -50 % pour la France environ) semble difficile à atteindre à la vitesse actuelle. L’Iddri insiste donc sur l’utilité de plusieurs mesures complémentaires, dont une aide unique combinant prêt et subvention, qui serait indexé sur la performance atteinte et vérifié par une inspection après travaux. L’institut préconise également d’accorder plus d’aides aux ménages modestes et de rendre obligatoire la réhabilitation thermique. Selon le think tank, « la structuration d’une offre de rénovation globale à l’échelle des territoires, capable de répondre à la massification des projets » et « regagner la confiance des ménages grâce à des réalisation de qualité intégrant un suivi de la performance », sont les deux derniers points à développer, tant en France qu’en Allemagne. Et Cocorico, le chercheur Andreas Rüdinger accorderait davantage de crédit à l’approche française en matière de lutte contre la précarité énergétique, qu’à celle de Berlin. Le match entre les deux grands d’Europe n’est donc pas plié et les ménages européens devraient bénéficier de cette saine émulation.

G.N.

Grégoire Noble
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