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La FNBM appelle les assureurs-crédit à soutenir le négoce

Stéphane Vigliandi
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EN PHOTO • #COVID-19 • Dans un secteur du BTP qui draine environ 6 % de la richesse nationale, le gouvernement a très tôt indiqué que le négoce est le maillon essentiel et qu'il devait reprendre en premier pour approvisionner les entreprises. Aujourd'hui, il ne voudrait pas être le rouage sacrifié par les assureurs-crédits.

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[Zepros Négoce] Alors qu’aujourd’hui 80 % des négoces bois-matériaux approvisionnent les entreprises du BTP, leur fédération alerte le ministre de l’Économie sur des risques de cotations dégradées, voire de résiliations. Et demande aux assureurs-crédit de s’engager à maintenir les niveaux d’encours. La FNBM a répondu aux questions de Zepros Négoce.

Les assureurs-crédit s’apprêtent-ils – à nouveau – à franchir la ligne rouge ? « Il n’est pas concevable d’envisager un processus de dégradation globale de nos entreprises, pour aboutir à ce qu’elles souscrivent une garantie supplémentaire dont le garant est en réalité l’État », s’insurge Franck Bernigaud, le président de la Fédération du négoce bois et matériaux (FNBM), dans un courrier adressé ce 22 avril à Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, et que Zepros Négoce a pu obtenir. Autrement dit : faire migrer les négociants d’un produit Cap vers le Cap+ (voir encadré ci-dessous). Si la profession fonctionne depuis un mois et demi en mode dégradé, elle reste un maillon essentiel dans la chaîne du Bâtiment en faisant « preuve d’abnégation et de foi en l’avenir », écrit Franck Bernigaud.

D’autant que les “banquiers” des artisans représenteraient près de 3 Md € d’encours annuel. « Depuis une semaine, la fédération reçoit en rafale de la part des adhérents des cas de dégradations qu’envisageraient de prendre les assureurs-crédit alors que les négociants assurent un volume d’affaires pour maintenir la continuité d’activité », indique-t-on à la FNBM. Par exemple, un distributeur indépendant de la région parisienne aurait vu ses encours fournisseurs presque résiliés malgré un exercice 2019 soutenu, un bon début d’année 2020 et… environ 400 k€ de fonds propres. “Abracadabrantesque” a priori… !

EN PHOTO • Franck Bernigaud, président de la FNBM.

Incompréhension du négoce

Si beaucoup d’agences et dépôts tournent actuellement avec 50 %, 60 %, voire parfois 70 % du volant habituel de clients BtoB, « nos adhérents ne comprendraient pas que leur mobilisation pour répondre à l’appel du Gouvernement pour une reprise d’activité encadrée et sécurisée*, soit remise en question et déstabilisée par des décisions de cotation infondées », souligne encore dans sa missive la plus importante fédération du négoce Bâtiment avec 5 500 points de vente. Dès le 27 mars, son président confiait ainsi à Zepros Négoce que « les assureurs-crédit doivent sortir le “drapeau blanc” pour alléger les conditions du crédit-interentreprise ». Hier, en fin de journée, il s’en est d’ailleurs expliqué avec l’un des principaux assureurs-crédit du secteur.

* Le guide de sécurité sanitaire de la FNBM a été mis à jour ce 10 avril

Surseoir à toute modification des notes

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Dès le 10 avril, Bercy avait pourtant annoncé réactiver les dispositifs Cap et Cap+ autorisés par la loi de Finances rectificative de 2020. Ce mécanisme public de réassurance avait été instauré lors de la crise financière de 2008. Et avait été utilisé de 2009 à 2011. À eux deux, ce sont désormais 10 Md€ garantis par l’État qui sont mis sur la couverture du risque (tous secteurs d’activité confondus) pour préserver le crédit fournisseur et les trésoreries. Le ministre de l’Économie avait alors mis en garde : « Je compte sur les assureurs pour continuer à accompagner les entreprises françaises dans les circonstances difficiles actuelles, avec l’aide de ces outils ».

Aujourd’hui, la FNBM exige des opérateurs du marché – premier témoins des difficultés financières des sociétés – qu’ils n’aient plus « une vue partielle et partiale du secteur de la construction » en voulant procéder « de manière unilatérale à des cotations globales et sectorisées ». Pourtant en 2013, ces mêmes opérateurs avaient signé une convention avec le médiateur du crédit. Leur engagement ? Ne pas réduire de façon brutale les lignes de garanties des entreprises couvertes. Dans son courrier, Franck Bernigaud réclame que les 1 200 adhérents qu’il représente puissent ainsi bénéficier d’une analyse financière détaillée pour chacune de leurs entreprises en tenant compte de leur bilan, de leur profil assurantiel et patrimonial.

EN PHOTO • Extrait du courrier adressé par Franck Bernigaud, le 22 avril 2020, au ministre de l'Économie et à sa secrétaire d’État.

Supply chain d’efforts mutualisés

Afin de prendre l’exacte température sur ce dossier brûlant, la FNBM a lancé une enquête auprès de ses membres pour établir un baromètre bimestriel de l'assurance-crédit au sein des négoces. Citant l’exemple allemand, elle rappelle à Bercy que ce pays a privilégié un système de réassurance immédiate dans lequel l’État prend à sa charge les engagements. En contrepartie, le gouvernement fédéral encaisse une partie des primes – à hauteur d’un peu plus de 60 %. En France où l’exposition aux risques est mutualisée, « le dispositif […] ne peut fonctionner que sur un engagement réciproque fondé sur la confiance et la solidarité », écrit encore Franck Bernigaud. Dès le début de la crise sanitaire, sa fédération avait appelé les adhérents à assumer leur part à l’effort collectif en respectant entre autres leurs délais de paiement fournisseurs. Aujourd’hui, le négoce ne veut – et ne peut – être le seul acteur de cette “supply chain” à faire des efforts.

En substance, la FNBM enjoint donc les assureurs-crédit à prendre part, eux aussi, aux efforts de soutien de la filière, sur leurs propres ressources. Et éviter que les mêmes errances ne se répètent comme pour la crise des subprimes. À l’époque, la Sfac, par exemple, avait réajusté ses encours globaux (toutes filières confondues) qui avaient fondu de 6 %. Si « faire descendre le risque » fait partie des missions des assureurs-crédit, une résiliation brutale des garanties pourrait renforcer la crise de confiance. Avec sa cascade de difficultés sur tout l’écosystème. En 2008, cette course à l’échalote avait déclenché un boum des faillites. Pour éviter que le torchon brûle entre assureurs et négociants, il faudra bien que les relations se poursuivent sur les bases d’une solidarité... responsable. C’est aussi l’avenir des taux de litiges qui est en jeu. Prévenir ou guérir ? Bercy devrait bientôt rédiger sa prescription. Stéphane Vigliandi

MÉMO • Encours : une garantie d’État de 12 Md€

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Depuis le 15 avril, assureurs-crédit et courtiers peuvent commercialiser 2 dispositifs réassurés par la Caisse centrale de réassurance. Cap et Cap+ ciblent toute entreprise immatriculée en France et couvrent le risque acheteur des TPE, PME et ETI.

• 5 Md€ au titre du dispositif Cap : un produit d’assurance complémentaire garantissant les risques dégradés, mais qui restent assurables. Il permet de doubler la garantie accordée sur certains clients.

• 5 Md€ au titre du dispositif Cap+ : une garantie de substitution relative aux risques dits “aggravés” (clients ne pouvant plus être couverts) et pour lesquels l’assureur-crédit conserve une part résiduelle de la garantie.

• 2 Md€ au titre de Cap France Export. Réassuré par BPI France, il ne concerne que les seules exportations.

• Contrairement au régime de catastrophes naturelles (garantie illimitée de l’État), ces mécanismes de réassurance sont temporaires : jusqu’à fin 2020.

• Les 5 principaux acteurs du marché sont Atradius, Axa Assurcrédit, Coface, Euler Hermes France (ex-Sfac) et Groupama Assurance-crédit & Caution.

Stéphane Vigliandi
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