[Réforme du RGE] Poigne de fer et gant de velours pour la rénovation
Le gouvernement avait depuis plusieurs mois affiché sa volonté de retoucher le dispositif d’obtention de ce signe de qualité pour les entreprises, qui conditionne le bénéfice des aides à la rénovation. Deux objectifs étaient poursuivis : donner plus de confiance au consommateur et se donner les moyens de lutter contre les fraudes qui se multiplient sur les chantiers de rénovation énergétique. Deux textes parus en juin au Journal Officiel apportent à la fois une liste plus précise des travaux éligibles aux aides financières, durcit les critères d’obtention du RGE et renforcent les moyens de contrôles.
La rénovation énergétique : un enjeu de court et long terme
Pour contribuer à atteindre les objectifs sur la transition énergétique, Il y aurait environ 20 millions de logements à rénover d’ici à 2050. Parallèlement et à plus court terme, les travaux de rénovation ont été désignés par le gouvernement comme un des leviers majeurs du plan de relance post crise Covid-19. Avec 14 Md€ de travaux par an, ce marché aiguise tous les appétits. D’autant que le gouvernement a réaffirmé ses engagements en élargissant les aides financières : CITE, CEE, Ma PrimRénov’, Eco-PTZ. Mais pour en bénéficier les consommateurs doivent faire appel à une entreprise portant le signe de qualité RGE censé, depuis sa création en 2011, garantir leur savoir-faire ou leur spécialisation dans la performance énergétique. Un label déjà très critiqué mais qui depuis quelques années souffre d’un autre phénomène : des escroqueries et opérations frauduleuses, en particulier sur l’installation d’EnR et d’isolation. Il était donc temps d’agir pour restaurer la confiance des particuliers mais aussi défendre les entreprises et artisans réellement qualifiés.
17 catégories de travaux au lieu de 12 précédemment
La nouvelle nomenclature, souhaitée par les pouvoirs publics est plus fine pour permettre un meilleur contrôle, aussi bien des compétences des professionnels que des références de chantier et des assurances associées à ces catégories (voir ci-dessous). Elle s’appliquera réellement au 1er janvier 2021.
Des catégories de travaux "critiques"
Pour lutter contre les fraudes plus présentes sur certains travaux, 6 catégories identifiées comme « critiques » ont été listées. Ces catégories dites « critiques » sur lesquelles l’entreprise possède une ou plusieurs qualifications donneront lieu à 2 contrôles de réalisation sur 4 ans sur une catégorie de travaux critique et 1 contrôle de réalisation sur chaque autre catégorie de travaux critique de la même famille.
- Dans le domaine du génie climatique, il s’agit des appareils hydrauliques de chauffage ou de production d'eau chaude sanitaire fonctionnant au bois ou autres biomasses, les appareils indépendants de chauffage ou de production d'eau chaude sanitaire fonctionnant au bois ou autres biomasses, les pompes à chaleur pour la production de chauffage, les pompes à chaleur dédiées à la production d’eau chaude sanitaire.
- En isolation sont pointés les travaux sur les planchers de combles perdus et des planchers sur local non chauffé.
« Reconnu garant de l’environnement (RGE) : trois lettres pour un label de qualité que nous venons de renforcer. Cela permettra aux Français qui souhaitent réaliser des travaux de rénovation énergétique de le faire en toute confiance avec un artisan de qualité. »
Emmanuelle Wargon, ministre du Logement
Ce qui change dès septembre
Le premier changement majeur est le caractère plus aléatoire des contrôles. Ainsi, pour le dossier de qualification et le contrôle de réalisation RGE, l’organisme de qualification choisit lui-même le chantier sur un champ plus large que les seuls chantiers auparavant transmis par l’entreprise. En effet, les données de chantiers peuvent être transmises aux organismes de contrôles par les entreprises (déclaration de 5 chantiers en cours ou achevés (par période de 4 ans), mais aussi maintenant par les administrations de l’État, l’Anah et la SGFGAS.
Pour assurer une homogénéité, les grilles d’audits à partir desquelles les auditeurs contrôlent les chantiers ont été harmonisées pour tous les organismes de qualification. Particuliers et professionnels peuvent les consulter afin d’être en mesure de repérer, avant chaque chantier et pour chaque type de travaux, les points précis de vigilance, et les « non-conformités » mineures et majeures.
Contrôle et pédagogie
Comme l’explique Qualibat, l’un des principaux organismes de certification, les contrôles peuvent aussi avoir une vertu pédagogique : « Lorsqu’un audit sur un domaine révèlera une non-conformité, l’organisme de qualification pourra conditionner le maintien de la qualification RGE à un complément de formation. Cette mesure doit permet d’améliorer la montée en compétence des professionnels, de façon ciblée, sur les faiblesses constatées d’une entreprise. » En revanche, ces sanctions, consistant à suspendre ou retirer la qualification, sont désormais systématiques si une fraude est repérée.
Comme pour les contrôles traditionnels, les audits supplémentaires pourront exploiter des sources d’information élargies, pouvant provenir des demandeurs CEE, de l’Anah, des relais territoriaux du réseau “Faire”, des collectivités territoriales, des organismes de protection des consommateurs, des plateformes qui recueillent l’avis des particuliers, des organisations professionnelles ou de la DGCCRF. Auparavant, ils ne pouvaient se faire que sur les bases d’une réclamation émanant d’un client, d’une non-conformité relevée lors d’un audit, ou lorsqu’une entreprise avait été sanctionnée par un autre organisme. Pour tout contrevenant, en plus des suspensions ou des retraits directement prévus par le processus de qualification en cas de non-respect des obligations, des sanctions graduées et dissuasives permettront d’empêcher l’accès à la qualification pendant un période pouvant aller jusqu’à 2 ans.
Poigne de fer et gant de velours, avec ce nouveau dispositif, les pouvoirs publics, en concertation avec les organisations professionnelles, ont cherché à durcir la chasse aux escrocs mais ont voulu aussi mieux accompagner les professionnels à monter en compétence. Ce précieux sésame qui ouvre les portes des travaux d’amélioration énergétique vient de bénéficier d’une rénovation lourde. Un savant dosage pour satisfaire toutes les parties et remplir sa mission.
Mémo Express
A retenir
- Délivrée pour une période de quatre ans, la qualification repose à la fois sur un examen administratif et documentaire (situation financière, assurances), des exigences à satisfaire en termes de moyens humains (formation du personnel) et de moyens techniques (locaux, matériel), ainsi que sur des contrôles de chantiers. Les informations initialement recueillies sont ensuite vérifiées annuellement.
- Seule une entreprise RGE, satisfaisant l’ensemble de ces critères pourra faire bénéficier à ses clients des certificats d’économies d’énergie (CEE), de l’éco-prêt à taux zéro (Eco-PTZ), des aides à la rénovation énergétique distribuée par l’Anah et du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE).
Les deux textes à connaître
-Décret n° 2020-674 du 3 juin 2020 modifiant le décret n° 2014-812 du 16 juillet 2014 et relatif aux nouvelles catégories de travaux RGE.
-Arrêté du 3 juin 2020 modifiant l’arrêté du 1er décembre 2015 et relatif aux critères de qualification RGE.
Les différents organismes certificateurs
- Qualifelec : travaux électriques en matière d'efficacité énergétique et d'installation des énergies renouvelables
- Qualit’ENR ( Qualisol pour les installateurs de solaire thermique ; QualiPV pour les installateurs de solaire photovoltaïque ; Qualibois pour les installateurs de bois énergie ; Qualipac pour les installateurs de pompes à chaleur. Toutes installations d'équipements valorisant les énergies renouvelables
- Qualibat : tous travaux liés à l'efficacité énergétique et aux énergies renouvelables
- Certibat : travaux de rénovation énergétique globale
- Ceqami : travaux de performance énergétique