Les Français subissent le froid et les canicules chez eux, mais ne rénovent pas
Les années passent et les Français restent mauvais en rénovation énergétique. C’est le principal résultat du 9e Baromètre « Les Français et la rénovation » présenté par Teksial et OpinionWay, qui démontre une grande méconnaissance des aides, des acteurs et des démarches à entreprendre pour réhabiliter un bien et le rendre enfin énergétiquement efficace.
« Connaissances faibles et participation limitée, je ne validerai pas au conseil de classe le passage en année supérieure ». Telle pourrait être l’appréciation d’un professeur de réno sur le carnet de correspondance des Français. Pourtant, comme le rappelle Jean-Baptiste Devalland, directeur général de Teksial, « les ambitions sont de plus en plus fortes en matière de rénovation énergétique, avec une réduction de -60 % des émissions de gaz à effet de serre dans les bâtiments d’ici à 2030 par rapport à 2019, et 2,5 millions de rénovations à faire chaque année en 2030 ! Sans compter l’éradication des passoires thermiques dès 2028, avec la possible interdiction de mise en location des logements étiquetés ‘G’ en 2025 puis ‘F’ en 2028, et l’obligation d’entreprendre des rénovations globales pour bénéficier des aides publiques MaPrimeRénov’ dès 2024 ».
Pour autant, la France est bien loin de pouvoir tenir ces objectifs. Le responsable de Teksial rappelle la situation : « Il n’y a eu que 10 000 rénovations performantes réalisées au 1er trimestre 2023, et le rythme stagne. Il reste toujours 5,2 millions de passoires thermiques en France et le fossé se creuse entre les objectifs et la réalité du terrain ». Preuve en est, les résultats de la 9e édition du baromètre « Les Français et la rénovation », qui démontre que les Français préfèrent… éviter de faire des travaux de performance énergétique. Pourtant, ils dépensent cher en énergies : environ 192 €/mois par foyer (soit 2 300 € annuels), ce qui pèse lourd dans le budget. Nos concitoyens ressentent souvent le froid dans leur logement (45 %) mais surtout la chaleur estivale (64 %). Cependant, ils sont bien peu à réaliser de vrais travaux de performance thermique (isolation, installation d’une PAC réversible…) entre 10 et 13 % des cas seulement. Les occupants de logements peu performants, qui disposent en général de moyens plus limités, doivent se contenter de solutions plus économiques : bloquer les entrées d’air froid (18 %), mettre un thermostat ou une régulation (10 %), changer de fournisseur d’énergie (5 %), utiliser un ventilateur en été (53 %) ou un climatiseur (16 %), déployer des protections solaires (12 %) ou végétaliser les espaces extérieurs (5 %).
Peu de passages à l’acte de rénovation
Les Français estiment bien que des travaux seraient nécessaires chez eux (58 %), une proportion en forte hausse (+7 points). Mais ils sont plus rarement prêts à les lancer (46 %), et réclament logiquement soit des aides, soit un retour sur investissement rapide. Les Gaulois réfractaires (54 %) invoquent le plus souvent le manque de moyens financiers et privilégient donc les solutions sans travaux. Pour les plus téméraires, les interventions privilégiées consisteraient en premier à changer les menuiseries extérieures, à isoler les combles, à changer le système de chauffage et enfin à installer des thermostats programmables. La moitié des Français envisagent au moins l’une de ces opérations. Toutefois, ils sont encore hésitants, toujours à cause des dépenses à engager (43 %). Ils ignorent s’ils ont le droit aux aides (21 %) et trouvent les démarches trop complexes (18 %). Plus grave, certains ont des doutes quant à la qualité des travaux et des matériaux potentiellement employés (12 %), et ne font pas confiance aux artisans (8 %) ni au DPE ou à l’audit (7 %)… Des freins qui persistent d’année en année, voire qui s’accroissent.
La méconnaissance est palpable en ce qui concerne la performance réelle de leur habitation. Plus de la moitié des Français l’ignorent tout simplement. Les autres l’estiment plutôt bonne puisque ils classent davantage leur bien dans les niveaux ‘C’ ou ‘D’ (23 %) et ‘A’ ou ‘B’ (12 %) que dans les catégories plus énergivores comme ‘E’ (9 %) et ‘F’ ou ‘G’ (5 %). Quant aux aides financières à la rénovation, 58 % des personnes sondées n’en connaissent aucune. Seule MaPrimeRénov’ s’en sort avec un score honorable (22 % et +5 points par rapport à 2022). Tous les autres dispositifs ne sont quasiment pas évoqués : Primes, Coups de Pouce ou CEE (2 %), Eco-PTZ (2 %)… Le budget moyen que les Français pourraient mobiliser pour des travaux est évalué à 3 800 € en moyenne, ce qui est faible au regard du reste à charge généralement constaté. Et cette somme a été diminuée de 1 250 € par rapport à 2022 ! « La contrainte économique inflationniste a baissé les budgets », analyse OpinionWay. Résultat, pour éventuellement lancer des travaux, il faudra mobiliser de l’épargne personnelle et solliciter un prêt. Ce qui explique que les banques figurent au 2e rang des acteurs vers qui les consommateurs se tournent pour en savoir plus (15 %), juste après les Espaces France Rénov (23 %). Encore une fois, les artisans n’arrivent qu’après (13 %), alors qu’il s’agit de leur métier, tout comme les fournisseurs d’énergie (11 %), qui ont le devoir d’inciter leurs clients à réduire leurs consommations…
Quelle est alors la solution ? Selon Teksial, qui lance la marque Promee pour les missions d’accompagnement à la rénovation, il faudrait « relancer les aides pour les rénovations simples, mono-gestes, comme l’isolation ou le remplacement du mode de chauffage, et notamment pour les passoires thermiques et le confort d’été ». De la pédagogie sera encore nécessaire pour expliquer les performances des logements, les possibilités d’amélioration et les moyens de financement pour y parvenir sans crainte. À ces conditions seulement, les Français franchiront le pas et ne seront plus des élèves dilettantes de la réno.