
DPE : le tour de vis du gouvernement est lancé

Contrôles, sanctions, QR code...Le ministère du Logement franchit un cap dans la fiabilisation du Diagnostic de performance énergétique. De nouvelles mesures réglementaires, publiées ce 19 juin au Journal Officiel, visent à encadrer davantage la profession et à restaurer la crédibilité de cet outil central dans la politique de rénovation énergétique.
C’est une étape décisive dans la réforme du Diagnostic de performance énergétique (DPE). À travers la publication de deux arrêtés au Journal Officiel, le ministère chargé du Logement, sous l’impulsion de Valérie Létard, concrétise l’essentiel des engagements pris dans le cadre du plan d’action présenté le 19 mars dernier. Ces mesures répondent également aux critiques formulées récemment par la Cour des Comptes, qui avait pointé du doigt, dans son rapport du 4 juin, de graves insuffisances dans la fiabilité et la régulation du DPE.
« Le DPE est un outil indispensable à la transition écologique du parc immobilier. Il doit être à la hauteur des enjeux. Ces textes marquent un tournant dans l’encadrement de la profession », a souligné Valérie Létard.
Les contrôles renforcés, une régulation musclée
Première nouveauté de taille : la détection automatisée des anomalies. Grâce à un outil statistique développé au sein de l’observatoire DPE de l’ADEME, les organismes certificateurs pourront désormais être alertés en temps réel de comportements atypiques ou suspects de la part des diagnostiqueurs. Une approche prédictive qui ambitionne de couper court aux dérives avant qu’elles ne se répandent.
Les sanctions, elles aussi, montent d’un cran : les diagnostiqueurs fautifs seront inscrits sur une "liste noire" pendant 18 mois (contre 6 auparavant), voire 24 mois en cas de récidive. Une mesure destinée à assainir une profession en tension, parfois minée par des pratiques douteuses.
Autre mesure structurante : le COFRAC (Comité français d'accréditation) contrôlera désormais les organismes certificateurs tous les 10 mois. Une cadence resserrée qui vise à renforcer l’impartialité et la rigueur des processus d’accréditation.
Certification et examens : vers plus de rigueur
Le ministère entend également agir à la racine du problème : la formation et la certification des diagnostiqueurs. Les sujets d’examen seront désormais générés de façon aléatoire et encadrée, avec un contrôle renforcé du COFRAC. L’objectif ? Mettre fin à une certaine standardisation des contenus qui permettait parfois des effets de bachotage, au détriment de la compétence réelle.
Dans la même logique, les résultats du DPE ne seront plus communiqués immédiatement après leur réalisation, mais seulement après leur enregistrement auprès de l’ADEME. Un changement subtil mais stratégique, censé réduire la pression sur les diagnostiqueurs et lisser les effets de seuil constatés entre les différentes classes (notamment entre D et E).
Des outils numériques pour les particuliers
Le Gouvernement mise également sur la transparence. Deux QR codes feront bientôt leur apparition : l’un sur le certificat du diagnostiqueur (qu’il devra obligatoirement présenter lors de la visite), permettant de vérifier sa certification ; l’autre sur le DPE lui-même, redirigeant vers la plateforme de l’ADEME pour valider son authenticité. Une avancée significative pour les particuliers, souvent désarmés face à la technicité du document.
« La publication de ces deux arrêtés constituent une étape essentielle pour restaurer la confiance dans le DPE, outil central pour orienter les décisions en matière d’immobilier. Nous continuerons de suivre l’avancée de ce chantier avec la plus grande vigilance. » Valérie Létard, ministre chargée du Logement
La suite : deux missions en cours pour structurer la profession
Ces mesures ne marquent pas la fin du chantier. Deux missions sont en cours pour renforcer à plus long terme la qualité de la filière. Henri Buzy-Cazaux, expert reconnu du logement, planche sur la création d’une formation post-bac dédiée au métier de diagnostiqueur immobilier. En parallèle, le député Daniel Labaronne conduit une mission exploratoire sur la création d’un ordre professionnel des diagnostiqueurs, à l’image de ce qui existe pour les architectes ou les géomètres-experts.
Les discordes autour du DPE
Depuis sa refonte en 2021, le DPE est devenu opposable juridiquement, ce qui en a accru l’importance dans les transactions immobilières et les politiques publiques. Mais les critiques n’ont cessé de se multiplier : résultats incohérents, approximations méthodologiques, marges d’erreur trop importantes.
La Cour des Comptes, dans son rapport du 4 juin 2025, n’a pas mâché ses mots, dénonçant une « perte de confiance généralisée » dans un outil pourtant central pour piloter la rénovation énergétique du parc immobilier français. Elle pointait notamment un défaut de pilotage national, un manque de régulation des organismes certificateurs et une formation trop hétérogène des diagnostiqueurs.
À l’heure où le DPE conditionne l’accès aux aides à la rénovation (MaPrimeRénov’, éco-PTZ), mais aussi la possibilité de louer un bien (avec l’interdiction progressive des « passoires thermiques »), sa fiabilité est devenue un enjeu majeur pour l’ensemble de la filière du BTP et de l’immobilier.
A retenir
- Un durcissement sans précédent des contrôles et des sanctions dans le secteur du diagnostic immobilier.
- Des évolutions à anticiper pour les diagnostiqueurs : formation, certification, contrôle, transparence.
- Des conséquences indirectes à surveiller pour les artisans du bâtiment, notamment en matière de rénovation énergétique et de classification des logements.
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