Quelles solutions concrètes pour simplifier les CEE ?
Le programme d’optimisation et de simplification des CEE pour les artisans présente ses premiers retours d’expérience. Le dispositif des Certificats d’économies d’énergie y est perçu comme « complexe, instable, incompréhensible et chronophage… » Les professionnels proposent des pistes pour l’améliorer et le rendre – enfin – plus digeste.
Oscar a écouté les artisans sur les CEE et MaPrimeRénov. Le programme d’optimisation et de simplification pour les professionnels de la rénovation énergétique a organisé, en décembre dernier, un atelier de retours d’expérience sur l’utilisation de ces aides financières. Et les premiers mots qui viennent à l’esprit des artisans et dirigeants d’entreprises sont peu élogieux : « complexe, instable, lourd, incompréhensible », certains vont même jusqu’à dire que les dispositifs sont « lourds, fatigants, stressants, épuisants » voire « énergivores » ce qui est paradoxal pour des programmes d’économies d’énergie ! Quelques professionnels y voient tout de même un outil puissant pour générer de l’activité. Mais le sentiment général est que le process pourrait être grandement simplifié.
Plusieurs entreprises sur un chantier : tout se complique
D’autant que les artisans s’y connaissent : les entrepreneurs « identifient très bien les différentes étapes chronologiques d’un dossier [CEE] et parviennent à recenser toutes les pièces nécessaires à (sa) constitution, qu’elles soient réglementaires ou uniquement demandées par les obligés ». Et pourtant la liste est interminable : devis signé, avenant au devis (PAC), certificat RGE, contrat d’assurance, dossier fiscal, fiches techniques spécifiques, attestation du client, calculs de dimensionnement, photographies avant et pendant travaux, grille d’auto-contrôle RGE, rapport de visite technique, appels à facturation, points de contrôle, procès-verbal de réception des travaux… Les entrepreneurs notent que les difficultés rencontrées « surviennent principalement en amont des travaux et après ceux-ci, au moment du dépôt du dossier administratif ».
Pour les professionnels de la rénovation, les éléments de langage seraient « complexes, non harmonisés et abscons ». L’information serait donc compliquée à comprendre et à transmettre, notamment concernant l’éligibilité des produits ou des matériaux. « Entre MaPrimeRénov’ et les CEE, les choses demandées ne sont pas identiques, on ne sait plus comment rédiger les devis, ou on doit faire deux fois le travail », relate l’un des participants. La durée de dépôt des dossiers – au maximum 1 an après la date d’achèvement des travaux – est vu comme un délai trop court face à la complexité des dossiers à monter. Dans le cas d’une opération impliquant plusieurs entrepreneurs différents, les choses peuvent vite devenir ardues : « On peut facilement attendre 6 mois quand un autre corps de métier a ouvert un dossier MaPrimeRénov’ pour ouvrir un nouveau dossier. (…) Cela peut rendre caduc notre dossier CEE, parce que les éléments sont périmés ».
Des référentiels de contrôle divergents entre CEE, MaPrimeRénov’ et RGE !
Les artisans notent également que la lenteur administrative fait également courir des risques d’invalidité (au dossier). Ils soulignent que les logiciels de comptabilité ne sont pas uniformes et que certains perdent beaucoup de temps à réécrire leurs devis et leurs factures pour qu’elles soient correctement prises en compte. D’autres estiment que le contrat entre obligé/délégataire et professionnel de la rénovation est déséquilibré : « Le délai étant géré avec des jours flottants, cela crée un sentiment d’insécurité juridique ». Qui plus est, les évolutions réglementaires sont nombreuses et parfois soudaines. L’atelier Oscar fait ressortir : « Dans les métiers de l’isolation, de manière transverse, les artisans rencontrent des problèmes avec MaPrimeRénov’ à cause de la tergiversation entre la BAR-EN-101 et la BAR-EN-102. Les règles d’éligibilité ont été modifiées à plusieurs reprises ces derniers mois ».
Lors de l’étapes qui suit les travaux, les difficultés ne sont pas terminées pour autant. Certains artisans se retrouvent obligés d’avancer eux-mêmes la trésorerie en attendant le versement de la prime, débloquée une fois le contrôle réalisé. « La survie des entreprises est parfois engagée avec 2 ans de besoins en fonds de roulement (BFR) ». D’autant que les contrôles révèlent parfois des surprises : un même chantier peut ainsi être contrôlé trois ou quatre fois, pour MaPrimeRénov’, les CEE et le statut RGE de l’entreprise, et selon des critères différents, de temps en temps contradictoires entre eux ! Ceci car les référentiels de contrôle ne sont pas harmonisés entre les dispositifs… Quant aux échanges - uniquement par mails - avec l’administration instruisant les dossiers, ils sont jugés laborieux et incompréhensibles.
Quelles solutions ?
Le programme Oscar avance plusieurs pistes, dont une meilleure accessibilité à l’information sur les dispositifs et leurs évolutions. La consultation systématique d’organisations professionnelles lors de l’établissement des textes réglementaires CEE pourrait rendre plus cohérents les termes utilisés, et le tout pourrait être coordonné par le Conseil supérieur de la construction (CESE). L’harmonisation des critères de constitution de dossiers entre CEE et MaPrimeRénov’ devrait être mise en place. En allant plus loin, certains suggèrent la création d’un portail unique aux deux aides, pour disposer d’un cahier des charges commun, constituer en ligne un dossier, télécharger les devis puis les factures, contrôler la conformité en continu et alerter instantanément l’artisan en cas de problème, et ainsi obtenir une pré-validation du dossier en amont. De même, pour les contrôles des chantiers, l’utilisation d’une fiche unique établie par l’ensemble des acteurs (Qualibat, DGEC, DGCCRF…) simplifierait grandement le travail des entreprises. Enfin, ces dernières demandent un allègement de la charge financière pour ne plus peser sur leur trésorerie et l’instauration d’un versement de prime à la date du dépôt au Pôle national des CEE. Les aides devraient donc… encore subir des changements à l’avenir. Mais pour le plus grand bien des professionnels cette fois ?