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La rénovation énergétique nécessitera 200 000 personnes supplémentaires en 2030

Grégoire Noble
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La feuille de route Bâtiments de la planification écologique vise à réduire drastiquement les émissions de ce secteur à un horizon relativement proche. Une énorme quantité de travaux va être nécessaire pour isoler le bâti, rénover le parc et remplacer des chaudières polluantes. France Stratégie estime qu’il faudra créer entre 170 000 et 250 000 emplois d’ici à 2030.

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Le bâtiment doit évoluer et rapidement : les émissions du secteur vont devoir diminuer de 60 % dans les 7 ans qui viennent, grâce un important effort de rénovation. Il s’agira d’éradiquer un maximum de passoires thermiques, de remplacer 75 % des chaudières au fioul encore en fonctionnement à ce jour ainsi que 20 % de celles au gaz. Le gouvernement souhaite également atteindre le chiffre de 200 000 rénovations performantes par an, contre 90 000 environ aujourd’hui. En parallèle, le parc tertiaire sera également concerné par une réduction de 40 % de ses consommations. Les besoins en « bras » seront donc immenses. France Stratégie a mené un exercice de prospective afin d’évaluer le nombre d’emplois lié à tous ces objectifs de rénovation énergétique à l’horizon de 2030. Et ce chiffre est estimé entre 170 000 et 250 000 emplois supplémentaires par rapport au niveau actuel.

De belles perspectives d’embauche et d’activité qui reposeront sur un investissement d’au moins 20 Mrds €, voire 48 Mrds € selon le rapport Pisani-Ferry & Mahfouz sur le verdissement de l’économie. Toutefois, la situation sera tempérée par la rétractation de la construction neuve. Certaines études antérieures estiment que le rythme de production de bâtiments neufs sera fortement ralenti, entraînant une baisse mécanique de 50 000 à 60 000 ETP dans le secteur.

Rech. ouvrier qualifié désespérément

La mission France Stratégie note que de grandes disparités existent entre régions en termes d’état du bâti et de mode de chauffage. La part moyenne des passoires énergétiques est ainsi beaucoup plus faible autour de l’arc méditerranéen et en Nouvelle-Aquitaine (portion des étiquettes énergétiques F ou G inférieure à 10 %) alors qu’elle est très élevée dans le centre et l’est du pays. Le rapport précise : « Il y a relativement plus de passoires thermiques dans les régions montagneuses et le quart Nord-Est du territoire, ainsi qu’à Paris, et relativement moins dans les régions au climat plus doux ». De même, les zones rurales concentrent les logements chauffés au fioul, tandis que le chauffage au gaz est plutôt retrouvé dans les zones urbanisées et le quart Nord-Est (Alsace, Lorraine). Dans le secteur tertiaire aussi, les consommations d’énergie varient sensiblement selon les climats régionaux. Ce même quart Nord-Est du pays semble particulièrement énergivore.

France Stratégie analyse : « Cette hétérogénéité du climat et de l’état du bâti implique des besoins différenciés en emploi pour la rénovation énergétique ». Ces besoins se concentrent dans Paris (mais moins en Île-de-France élargie), dans le Centre, dans l’Est et le Nord du pays, avec des hausses d’effectifs envisagées de +30 à +40 % d’ici à 2030. La progression est beaucoup moins intense sur la façade atlantique et en bord de Méditerranée (entre +4 et +14 %). En revanche, ces zones concentreront des besoins en termes de logements neufs. D’où des dynamiques différentes, avec davantage de créations nettes d’emplois dans le Grand-Est et les Hauts-de-France, et un très grand dynamisme dans les deux régions les plus peuplées de France, Auvergne-Rhône-Alpes et Île-de-France. Conséquence : il faut donc s’attendre à de grandes difficultés de recrutement dans l’ensemble des métiers du bâtiment. La région de la capitale, en particulier, connaîtra une tension sur les ouvriers qualifiés du second œuvre, du fait de départs en retraite importants et d’arrivées insuffisantes de jeunes. D’autres métiers, notamment en couverture et charpente bois, seront très recherchés, tout comme les plombiers chauffagistes. En ce qui concerne les cadres du bâtiment, l’arrivée plus marquée de ces jeunes compensera légèrement les tensions élevées. « Les métiers de l’exécution seront les plus en tension en 2030 du fait d’un manque d’attractivité des formations initiales et de forts taux de départ en cours et en fin de carrière (beaucoup de flux sortants pour les métiers de l’enveloppe comme les maçons ou les couvreurs qui perdent chaque année des travailleurs) ».

Réorienter les jeunes et les ouvriers qualifiés vers la rénovation performante

Les auteurs du rapport s’interrogent : « Si la formation ne peut être l’unique réponse aux enjeux de massification, [mais] elle constitue une brique importante. Le système de formation (initiale et continue) est-il aujourd’hui en capacité de répondre à cette massification ? ». Ils estiment que trop peu d’entreprises sont, aujourd’hui, en capacité de réaliser des rénovations réellement performantes, avec seulement 7 % d’entreprises RGE et 26 % de salariés concernés. Certaines régions présentent un très faible taux de labellisation, comme l’IdF, AuRA, Occitanie, Nouvelle-Aquitaine ou PACA. De plus, « le système actuel ne donne pas le niveau de garantie nécessaire aux ménages en termes de qualité et performance des travaux », avec un tiers de chantiers contrôlés (et ils ne le sont pas tous) en non-conformité. D’où une inquiétude, celle d’une généralisation de la fraude et de la non-qualité. Les experts recommandent d’augmenter le vivier de travailleurs formés à la rénovation performante en orientant les personnes déjà en emploi vers ces activités (via la formation continue avec un soutien financier). Ils suggèrent aussi d’anticiper l’émergence de nouveaux métiers, tel le coordinateur de travaux, ou le chef de projet en rénovation énergétique, avec de nouvelles certifications à développer. Enfin, ils soutiennent l’idée d’adaptation des référentiels et compétences techniques et réglementaires, pour mieux prendre en compte les aspects transversaux des rénovations globales.

Grégoire Noble
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