Le Groupe Seguin dévoile ses secrets de fabrication

C'est dans un village niché dans la jolie campagne auvergnate que bat le cœur d'un groupe industriel qui rayonne dans près de 40 pays. À Randan, berceau historique du Groupe Seguin, la visite commence par une rencontre avec les dirigeants. « Nous avons longtemps préféré rester en retrait, concentrés sur notre métier. Mais il était temps d'ouvrir nos portes pour faire connaître notre engagement, nos méthodes et notre ambition pour la filière bois-énergie », explique d'emblée Pascal Cornet, le directeur général. 

Ce choix de discrétion n'a pourtant pas freiné l'ascension du groupe, qui s'est imposé comme l'un des piliers français du chauffage au bois, avec une part de marché de l'ordre de 10 % grâce à une croissance de 65 % en cinq ans (largement porté par des rachats) et un modèle industriel intégré (conception, fabrication, distribution) qui fait figure d'exception dans la filière.

Datant de 1980, rénové et étendu en 2023 pour un investissement de 1,5 million d'euros, l'atelier de production s'étend sur 5 000 mètres carrés. « Cette rénovation a permis de refaire 80 % des sols et d'optimiser l'espace de travail », se félicite Cédric Laurent, le directeur des affaires institutionnelles.

Entre les machines à commande numérique et les postes d'assemblage manuels, la chaîne de fabrication alterne entre haute technicité et gestes d'artisans. Ici, les foyers sont calibrés, testés et souvent même démontés puis remontés avant de quitter l'usine. La production fonctionne en petites séries, avec des délais moyens de fabrication d'environ trois semaines, permettant une grande agilité pour répondre à la demande. Les pièces détachées sont disponibles jusqu'à 30 ans après la fabrication, témoignant de l'engagement du groupe en matière de durabilité.

Une vingtaine de salariés s'affairent, dont 13 ont plus de 57 ans. Si le groupe est fier de fidéliser ses troupes, le recrutement et la formation sont devenus un axe crucial. Certains métiers spécifiques connaissent des pénuries, rendant la transmission des savoir-faire essentielle. C'est une des raisons qui ont poussé l'entreprise à ouvrir son propre centre certifié Qualiopi. « Nous formons des revendeurs, des installateurs, mais aussi nos propres équipes. On ne peut pas vendre des produits performants sans maîtriser leur pose ni accompagner leur usage », explique Cédric Laurent.

À quelques pas de l'usine, se trouve le laboratoire R&D interne. Derrière ses portes épaisses se cachent des foyers qui crépitent sous l'œil de capteurs et des instruments de mesure. Trois plateformes d'essai ont été mises en place, chacune dédiée à des fonctions spécifiques, notamment le débourrage des nouveaux appareils. Nous avons devant nous le modèle Tatiana, testé pour la première fois en foyer fermé.

Les évaluations, qui peuvent durer plusieurs mois, incluent des mesures précises des émissions d'oxyde d'azote (NOx), de composés organiques gazeux (OGC), de particules (PM), etc., ainsi que des températures de sécurité, conformément aux exigences des normes EN 16510, qui entreront en vigueur en novembre prochain. « Nous testons ici tous les prototypes, avec des protocoles plus exigeants que les normes européennes. Et si un appareil n'atteint pas nos attentes, nous recommençons encore et encore jusqu'à obtenir satisfaction », confie Kévin Pras, directeur de la recherche et du développement.

C'est aussi ici qu'a été conçue la dernière innovation du groupe : une gamme de cheminées à l'éthanol, attendue dès septembre. « Nous voulons toucher les logements non compatibles avec le bois : appartements, logements locatifs, hôtels… », détaille Pascal Cornet. Une diversification raisonnée, fidèle à l'ADN maison, pour venir compléter le riche portefeuille des 14 marques du groupe.

Contrairement à bien des industriels du secteur, Seguin reste une entreprise familiale et indépendante. Le directoire comme les équipes sur le terrain soulignent cet aspect avec fierté. « On se parle facilement ici. La direction connaît nos prénoms, nos enfants parfois. C'est rare aujourd'hui dans l'industrie », glisse un salarié rencontré dans les locaux administratifs.

Le sens de la proximité se décline aussi dans sa stratégie commerciale. Avec plus de 130 magasins exclusifs et un réseau multicanal dense, le groupe se distingue par une capacité à irriguer les territoires - ruraux, urbains et périurbains - tout en gardant une grande réactivité face aux aléas du marché.

Car le secteur du chauffage bois traverse actuellement une phase de turbulence, marquée par une baisse généralisée des ventes en 2024 (-29,5 %). Seguin n'en nie pas l'impact, mais revendique une résilience bâtie sur son modèle intégré. « On encaisse les chocs mieux que d'autres, car on ne dépend pas uniquement de la conjoncture ni des aides publiques », assure le directeur général.

Surtout, le groupe s'emploie à répondre aux critiques sur les émissions de particules. « Oui, le chauffage au bois a été pointé du doigt. Mais la réalité, c'est que nos appareils récents émettent jusqu'à 90 % de particules fines en moins que les anciens. Et ils consomment aussi beaucoup moins de bois. Il faut continuer à renouveler le parc », martèle Cédric Laurent.

Alors que 500 000 appareils de plus de 20 ans sont encore en service et que 240 000 cheminées ouvertes restent à moderniser, Seguin affiche sa volonté de jouer un rôle moteur dans la rénovation énergétique du parc bois. « La biomasse est la première source de chaleur renouvelable en France. Il faut le rappeler. Nous faisons partie de la solution, pas du problème ! », continue le directeur des affaires institutionnelles.

La journée s'achève sur une visite du showroom flambant neuf, où les modèles les plus récents - connectés, design, hybrides - côtoient des pièces plus traditionnelles. Le feu crépite, et l'odeur du bois rappelle que nonobstant la technologie embarquée, le confort reste au cœur du projet Seguin.