Ecocem, la formule gagnante pour du béton allégé en carbone ?

Grégoire Noble
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usine Ecocem Dunkerque ciment bas carbone

Le spécialiste franco-irlandais du « laitier de haut-fourneau » veut aller plus loin dans la décarbonation du ciment (et donc des bétons). En déployant de façon industrielle sa technologie brevetée ACT, il pense parvenir à réduire de 70 % cet impact.

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Pour réduire l’impact environnemental de la construction, il faut réduire celle du béton qui est le matériau le plus employé qui soit. Il faut donc réduire l’empreinte carbone du ciment, qui est son constituant le plus chargé en CO2. Et pour y parvenir, il faut donc diminuer le taux de clinker utilisé en le remplaçant par d’autres ingrédients. Conor O’Riain, le directeur d’Ecocem explique : « Le laitier granulé de haut fourneau, qui est un co-produit de l’industrie de la fonte, apporte des atouts au béton de solidité, de durabilité et d’esthétique. Mais il n’y a pas assez de laitier disponible dans le monde pour décarboner plus de 10 % du ciment mondial… » D’où la nécessité de développer d’autres formulations optimisées autour de liants bas carbone, à taux de clinker abaissé.

Ca a le goût du ciment, l'odeur du ciment, mais pas le poids carbone du ciment !

Ecocem explique avoir mis au point un liant dont le poids CO2 est d’environ 200 kg/tonne contre 611 kgCO2/t pour une formulation classique. Avantage : il n’y a pas besoin d’adapter ni l’outil de production des ciments, ni les centrales à béton, ni les process de mise en œuvre sur chantier. Tout se déroule en amont, lors de l’addition des charges minérales (calcaires, argiles, laitiers) qui est optimisée par un important travail de R&D. Autre point positif : « Cela réduit l’utilisation d’eau dans le béton ». Les performances, similaires à celles du matériau standard, sont garanties. La société, née irlandaise mais qui a surtout grandi en France, annonce avoir déposé 6 brevets internationaux et reçu le même nombre de prix d’innovation.
À l’heure actuelle, des campagnes de test ont été menées et divers visas technologiques ont été obtenus fin 2023 (Déclaration environnementale des produits, et Evaluation technique européenne). Le but est double : produire des ciments Ecocem allégés en carbone mais également proposer la technologie à tous les autres cimentiers afin qu’ils puissent eux-aussi en profiter. Tous les moyens sont envisagés : création d’une joint-venture (comme avec CB Green), transfert de technologie, cession d’une licence… Tant que l’empreinte carbone du ciment diminue, tout est ok ! L’entreprise avoue avoir déjà investi 40 M€ en R&D pour mettre au point cette technologie ACT. Et l’entrée en production industrielle devrait intervenir en 2026, à Dunkerque (Nord), qui produit déjà du laitier et des ciments décarbonés sur place, grâce à la proximité de l’usine Arcelor-Mittal.

ACT pourrait réduire de -23 % toutes les émissions liées au ciment en France en 2030 !

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Ecocem usine Dunkerque laitier
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Ecocem usine Dunkerque laitier
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Ecocem usine Dunkerque
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Ecocem usine Dunkerque

L'équivalent de l'aspartame pour les sodas light ?

Des travaux d’agrandissement du site sont prévus, avec la construction d’un broyeur à filler, l’augmentation de la capacité de stockage dans des silos et l’amélioration de la logistique avec cinq ponts à bascule au lieu de trois pour charger des poids lourds de la précieuse cargaison. La surface de l’usine devrait doubler (en occupant davantage l’emprise de la parcelle). Selon Jose Garcia, le directeur de l’usine, « la capacité annuelle passera de 700-750 kt à 1 Mt et le nombre d’emplois passera de 30 à 45, le tout après 18 mois de travaux ». Ecocem attend encore des financements européens pour éviter de trop s’endetter.
Les partenaires sont déjà nombreux à croire aux solutions apportées par l’entreprise. Cemex, Point.P (pour des produits en préfa béton), Bouygues Immobilier et Nexity (pour des chantiers pilotes). Mais la liste devrait s’allonger encore, puisque les contraintes sur le béton iront en s’accentuant, avec l’entrée en vigueur de seuils carbone toujours plus drastiques pour répondre à la RE2020 en 2028 puis 2031. Ecocem aurait-il trouvé la pierre philosophale de l’industrie cimentière ? Conor O'Riain semble l'insinuer : un ciment à empreinte zéro serait même à portée de la main... 

Grégoire Noble
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