Avec les femmes, le bâtiment innove et se digitalise ! Interview de Diana Gonzales
Tokster et Bricoman vous invitent à découvrir Diana Gonzales , une femme au parcours atypique. Grâce à son entreprise, « Constructech Club » , elle accompagne les acteurs du BTP dans leur transformation numérique. Un constat : les femmes, bien plus que les hommes, jugent l’innovation indispensable pour développer la compétitivité de leur entreprise.
Libérer du temps pour se consacrer à son métier
Diana, quel est l’objectif de Constructech Club ?
« J’ai créé Constructech Club dans l’objectif d’accompagner les acteurs du BTP dans l’identification et dans l’adoption de nouvelles technologies afin qu’ils puissent améliorer la productivité de leurs entreprises.
Pour gérer une entreprise du BTP, il faut être performant dans beaucoup des domaines, tels que la relation commerciale, la gestion du chantier, la gestion financière, la relation avec les sous-traitants et collaborateurs, la sécurité, la réglementation, etc.
Or, il existe des solutions digitales qui permettent d’effectuer la plupart de ces tâches chronophages. Ce qui libère du temps pour le chef d’entreprise et son équipe. Ils peuvent alors faire ce qui est important à leurs yeux.
Si les grosses entreprises du secteur mènent une veille technologique active, participent à des évènements pour rencontrer des start-up et connaissent un bon nombre de ces solutions, car elles en ont les moyens en interne, ce n’est pas le cas de la majorité des entreprises du BTP.
En effet, plus de 90 % des entreprises du BTP comptent moins de 20 salariés et ne peuvent pas financer ce type d’actions, mais elles ont besoin de mettre un pied à l’étrier pour rester compétitives.
Donc, c’est justement pour accompagner ces entreprises en question que Constructech Club existe ! »
Qu’est-ce qui dans votre histoire vous a donné envie de faire ce métier ?
« J’ai un parcours atypique, mais mon fil conducteur a toujours été les nouvelles technologies appliquées à différents secteurs : la fintech, la e-santé ou encore le tourisme.
Ce qui me plaît dedans est de trouver le moyen pour faire adopter une technologie. Cela demande un effort de réflexion, d’analyse et travail conjoint avec les clients / utilisateurs. C’est ce travail en équipe qui, à mon sens, permettra que la démarche d’innovation soit pérenne au sein des organisations. »
L'innovation dans le bâtiment
Rencontrez-vous des réticences ?
« Oui, bien sûr. Avant de travailler dans le secteur du bâtiment, j’étais dans la finance. Quand on leur a présenté notre solution, ils étaient réticents, car comme beaucoup d’entre eux avaient le sentiment que « la machine allait remplacer « l’homme » !
Il nous a fallu démarrer une campagne d’évangélisation, afin d’expliquer et de rassurer nos clients. Notre objectif était de laisser au clair que la plateforme n’allait pas prendre la place du service client, bien au contraire la plateforme était là pour leur apporter du confort, de l’autonomie et s’occuper de tâches à moindre valeur ajoutée afin de laisser plus de temps au chargé de clientèle et à toute notre équipe de les écouter et de les accompagner.
En interne, c’était aussi une révolution : la crainte de perdre son emploi, de faire un travail intellectuellement moins intéressant, de faire des erreurs dans la manipulation de la plateforme (il faut dire que nous gérions la communication ultra-sensible des entreprises et qu’une petite virgule mal placée dans un chiffre pouvait avoir de répercussions instantanées dans le cours de l’action de l’entreprise).
Quand je suis arrivée dans secteur de la construction, j’ai remarqué que des architectes, des bureaux d’études, des constructeurs, des promoteurs immobiliers s’intéressaient à ce que je faisais, et à la vision que j’avais : c’est-à-dire de montrer les avantages de l’innovation de façon très pragmatique.
Côté innovation, beaucoup des start-up de la contech (Construction Technology) et de la proptech (Property Technology) m’ont fait part de leur difficulté pour présenter leurs solutions auprès de leurs cibles.
La décision de cibler le secteur du bâtiment s’est faite de façon naturelle, c’était dans la continuité.
Les différents échanges et rencontres du départ m’ont permis de mieux appréhender le secteur, comprendre les besoins en termes de digitalisation et de construire un business model autour. »
Trop peu de femmes dans le bâtiment
Sur un chantier, il est rare de voir des femmes. D’ailleurs Zepros publiait récemment cet article « Encore trop peu d’artisanes dans le bâtiment » , est-ce que vous partagez ce constat et cette analyse ?
« Oui, tout à fait, le secteur de la construction reste un secteur majoritairement masculin, d’après la Fédération Française du Bâtiment (FFB), 12% des postes dans le secteur sont occupés par de femmes, nous sommes loin de la parité !
Un autre constat est que les femmes sont plus présentes dans la gestion, les ressources humaines ou encore la communication et moins présentes sur le chantier et en général dans les métiers liés au bâtiment : ingénieurs travaux, Bim managers.
Nous devons démultiplier nos efforts pour accompagner les femmes dans leur volonté d’intégrer ce secteur.
Constructech Club soutient cette cause, déjà parce que je suis une femme et cela me concerne directement, et parce que c’est dans l’esprit de partage et de complémentarité du Club !
Il existe une ambition collective pour attirer plus de femmes, il y a des groupements féminins qui se créent au sein de fédérations, des grands groupes ou tout simplement sur LinkedIn ou Facebook. Aujourd’hui dans l’une des principales écoles d’ingénieurs spécialisées dans le BTP il y a environ 30% de femmes selon les années. Cela est très encourageant pour l’avenir !
Je reste positive ! »
Les Femmes du BTP et le Digital
Vous venez de réaliser une enquête sur « Les Femmes du BTP et le Digital » . Quels sont les principaux enseignements que vous avez pu en retirer ? Pourriez-vous nous présenter en détail les résultats de cette enquête ?
« Voici les résultats qui ont attiré mon attention. Le premier est celui qui concerne l’usage du digital dans la vie personnelle de femmes du BTP :
- 92% utilisent régulièrement les apps pour communiquer, consulter sa banque et prendre rendez-vous chez le médecin
- 73% utilisent régulièrement des applications pour les achats qui concernent leurs vacances : billets de train/avion, location, aussi pour acheter des biens et services dans les marketplaces type Amazon ou Darty
- 65% utilisent régulièrement les applications pour les loisirs : sport et bien-être, films ou musique
Ces trois chiffres m’amènent à dire que le digital est déjà bien implanté dans notre vie courante. Les efforts à faire pour transposer les usages dans la vie professionnelle sont moindres pour autant que nous adoptions « ensemble » la bonne stratégie.
Un autre enseignement du sondage concerne les freins pour adopter une démarche d’innovation au sein des entreprises (de toutes tailles). Les deux les plus récurrents sont le manque de temps avec 32% et le manque d’engagement des équipes internes avec 39%.
C’est pour cela qu’une bonne stratégie passe par le partage de connaissances et la montée en compétences de la direction et aussi des équipes opérationnelles telles que les conducteurs de travaux, chefs de chantiers, ingénieurs travaux, managers bim, architectes, etc.
Pour accompagner la transformation, nous devons informer sur l’apport des solutions existantes et former les équipes pour nous assurer d’une adoption pérenne.
Nous l’avons constaté avec le nombre d’abonnés en croissance de notre newsletter "Chantier Digital" . Cette newsletter hebdomadaire pr opose d’analyser une situation présente dans le chantier et explique les tâches réalisables à partir des outils numériques.
Pour finir, je vous laisse avec un chiffre très encourageant, 96% de femmes répondant au sondage, jugent l’innovation primordiale pour la compétitivité de leur entreprise.
Indépendamment du fait d’avoir entamé ou pas une transformation digitale dans leurs entreprises, il y a une prise de conscience sur le fait que l’innovation est un levier de croissance.
C’est une bataille de gagnée, car ça veut dire que l’appréhension au changement dans un secteur aussi « old school » est en train d’évoluer ! »
Le sondage est encore ouvert. Celles qui souhaitent y participer peuvent cliquer sur ce lien : Les Femmes du BTP et le Digital
3 conseils pour utiliser les réseaux sociaux
Vous incitez les artisans et les entreprises à innover, notamment en utilisant les outils du digital. Quels sont les trois principaux conseils que vous leur donnez ? Est-ce qu’il est aujourd’hui indispensable pour eux d’être présents sur les réseaux sociaux ?
« Mes trois conseils sont :
- Tout d’abord de se tenir informé sur les solutions existantes, indépendamment du fait que l’entreprise souhaite ou pas déployer une solution à court ou à moyen terme. Il est important de faire une veille technologique, car elle permet d’affiner ses besoins et être prêt le moment venu.
- Ensuite de rencontrer les start-up directement : une fois que vous aurez fait une petite sélection des solutions technologiques qui vous intéressent n'hésitez pas à dialoguer avec les gens qui ont fait cette solution digitale pour mieux la comprendre. Souvent, les start-up proposent quelques semaines d’essai. Il est intéressant de pouvoir manipuler la solution afin de voir si elle correspond à la taille et aux besoins de son entreprise. Cela permet par exemple de prévoir une formation si nécessaire.
- Pour finir d’échanger avec vos confrères qui ont déjà déployé des solutions digitales afin de mieux comprendre leur retour sur investissement (gain du temps, amélioration des conditions de travail dans le chantier, amélioration de la relation client, etc. ), éviter des erreurs, suivre ses conseils. »
Diana, je vais ajouter un conseil: suivre votre blog . Il regorge de bons conseils. Par exemple, "L'innovation dans la construction concerne aussi le matériel de chantier et outillage !", mais aussi des articles pour recommander des plateformes comme Rockease qui permet de "Simplifier les achats de granulats" .
Est-ce qu’il est aujourd’hui indispensable pour eux d’être présents sur les réseaux sociaux ?
« Indispensable non, mais les réseaux sociaux aujourd’hui sont une source d’information riche et facile d’accès. C’est un canal efficace pour suivre l’activité de ses clients et échanger avec eux de façon directe. Ainsi que de présenter son travail afin d’attirer de nouveaux clients. Je recommande vivement ! »
Un pinceau coudé
Si vous étiez un outil du bâtiment appliqué à la stratégie digitale, vous seriez ?
« De la même façon qu’un pinceau (ou brosse) coudé(e) sert à atteindre les angles et les coins difficiles d’accès, une stratégie digitale pertinente permet de dialoguer et de comprendre les besoins des utilisateurs et créer une relation de confiance avec eux. »
C’est à l’initiative de Tony Lavalard de Bricoman que nous écrivons ces articles pour montrer l’importance du digital dans le secteur du bâtiment. Souvent, nous faisons des interviews d’artisans connectés, d’influenceurs ou de personnes comme toi, comme Jean-Bernard Melet, co-fondateur d’EldoTravo , ou comme Benoît Pilorget et Jacques Sabater, les fondateurs de Hâpii , qui donnent des conseils et proposent des solutions pour les aider. Diana, qui aimeriez-vous découvrir dans nos prochaines interviews ?
« Je serai aussi curieuse de lire l’interview d’une conductrice de travaux ou d’une artisane. »
C’est noté Diana, je relève le défi. Rendez-vous à la rentrée.