Chauffage au bois : la mise au vert

Marc Wast
Image

Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, avait publié fin juillet, un plan qui vise à réduire de moitié les émissions de polluants du chauffage au bois domestique, d’ici à 2030. Car si le bois est une matière renouvelable, sa mauvaise combustion est à l’origine de graves problèmes de santé. Ce plan évolue et continuera d'évoluer en modifiant les pratiques des artisans.

Partager sur

Les bûches et les granulés sont des sources de chaleur importantes en France – neutres en carbone puisque le CO2 émis lors de leur combustion est capté par la génération suivante d’arbres en croissance – qui s’avèrent également être économiques et locales. Leur usage est donc encouragé dans le cadre de la transition énergétique pour parvenir à se passer des énergies fossiles (fioul, charbon, gaz). Cependant, dans de mauvaises conditions, ces matériaux biosourcés peuvent également dégager d’importantes quantités de polluants, notamment des particules fines. Et ces particules sont nocives pour la santé humaine : Santé Publique France estimait, en avril 2021, qu’elles étaient à l’origine de 40 000 décès par an et près de 8 mois d’espérance de vie perdue… La réduction à la source de ces particules est donc une priorité. Or, le secteur résidentiel est le premier émetteur dans l’Hexagone (devant l’industrie, l’agriculture et les transports), et la quasi-totalité provient de la combustion des appareils de chauffage.

Un plan en plusieurs points
Le ministère de la Transition écologique liste plusieurs facteurs influençant les émissions de particules fines : la performance intrinsèque de l’appareil de chauffage, son entretien régulier, les bonnes pratiques d’utilisation en utilisant une méthode d’allumage par le haut et en s’assurant d’un apport d’air suffisant, et enfin un combustible de qualité avec un faible taux d’humidité. Dans le cadre de la loi Climat & Résilience, le parlement a voté un objectif de baisse de 50 % des émissions d’ici à la fin de la décennie dans les territoires couverts par un plan de protection de l’atmosphère. L’ambition est d’accélérer le renouvellement des poêles et cheminées anciens au profit d’équipements récents. Ce plan est décliné autour de plusieurs axes dont le premier est celui de la sensibilisation du grand public à l’impact du chauffage bois sur la qualité de l’air. Le gouvernement précise : « À ce titre, la vétusté d’un appareil de chauffage au bois sera désormais indiquée dans le nouveau Diagnostic de performance énergétique Les ramonages, rendus obligatoires une fois par an, seront l’occasion de rappeler les subventions disponibles pour remplacer un appareil peu performant et fortement émetteur de particules fines ». Une campagne de communication nationale sera notamment lancée chaque année au mois d’octobre, juste avant la période de chauffe.


Chiffres clés :

  • 7,7 millions de ménages chauffés au bois en France aujourd’hui.
  • 43 % des particules fines sont liées au chauffage bois domestique.
  • 50 % de bois énergie dans les objectifs de la chaleur renouvelable (PPE).
  • 52 800 emplois directs (soit 1,2 emploi créé/1 000 t. de bois énergie).
Image

Renforcer et simplifier les aides à la rénovation

Il est espéré que 600 000 appareils hors d’âge seront remplacés d’ici à 2025 grâce à MaPrimeRénov’ et aux Fonds Air Bois mis à disposition par une quinzaine de collectivités territoriales (dans les Hauts-de-France, Île-de-France, Grand-Est, Auvergne-Rhône-Alpes, Paca) et l’Ademe. En les cumulant, il est possible d’arriver à couvrir 90 % du coût d’un nouvel équipement pour les ménages les plus modestes. En parallèle, il est prévu de continuer à améliorer la performance des nouveaux systèmes de chauffage, en faisant encore évoluer le label Flamme Verte, au-delà du seuil actuel des sept étoiles. Comme un appareil ne pourra atteindre ses objectifs sans un combustible adapté, les pouvoirs publics entendent également promouvoir un label de qualité attestant de son origine contrôlée (forêts gérées durablement) et de son faible taux d’humidité (préférablement moins de 30 %). D’autres critères, comme les bonnes dimensions ou l’absence d’écorce susceptible d’altérer la combustion, pourront également entrer en compte.
L’État sous le coup d’une condamnation
Enfin, l’usage du chauffage au bois sera mieux encadré dans les zones les plus polluées aux particules fines. Les préfets pourront prendre des mesures locales, d’ici au 1er janvier 2023, afin d’atteindre la réduction de moitié de leur taux dans les territoires couverts par un Plan de protection de l’atmosphère. Rappelons que le Conseil d’État a condamné le gouvernement le 10 juillet dernier à « prendre des mesures pour réduire la pollution de l’air » sous astreinte de 10 M€ par semestre de retard, le montant le plus élevé jamais infligé à l’État pour exécuter une décision. En 2017, il avait enjoint le gouvernement à prendre des mesures dans 13 zones du territoire mais les valeurs limites restent trop élevées dans 9 d’entre elles. Le montant de l’astreinte sera versé à des associations environnementales et il pourra être revu – y compris à la hausse – en fonction des résultats obtenus.

Des appareils toujours plus performants
La réduction des émissions de particules fines passe majoritairement par l’interdiction des foyers ouverts et le remplacement des vieilles installations individuelles. Selon Benjamin Cuniasse (Citepa), « la part du chauffage collectif dans l’ensemble des émissions est inférieure à 1 % », les chaufferies collectives étant beaucoup plus performantes que les foyers des particuliers. Les fabricants ont donc fait de grands progrès technologiques : « En 15 ans, les émissions de particules ont été divisées par 10 sur les appareils », précise Yann Rogaume (université de Lorraine). La directive européenne EcoDesign sur les chaudières est d’ores et déjà en application depuis le 1er janvier 2020. Comme le souligne Éric Trendel (SFCB) : « Les rendements sont passés de 60 à 90 % et les émissions de particules de 180 à 16 milligrammes ».

En 2020, selon Observ’ER, 73 % des appareils vendus en France étaient certifiés Flamme Verte (80 % des chaudières, 74 % des poêles et 64 % des foyers fermés & inserts). Cette proportion stagne sur le segment des poêles et chaudières et a même diminué sur celui des foyers fermés et inserts (-10 %)… Régionalement, la Nouvelle-Aquitaine s’affiche comme leader pour les appareils de chauffage au bois (14 % du marché national) mais d’autres territoires suivent d’assez près comme Auvergne-Rhône-Alpes (11 %) ou Bretagne (10 %). L’an passé, les importations ont augmenté, essentiellement liées aux appareils à granulés. Observ’ER évalue à 62 % la part des systèmes de chauffage domestique au bois importés ; cette part était de moins de 30 % il y a 10 ans. Réciproquement, la France exporte surtout des foyers fermés et inserts à bûches. Question prix, un poêle à bûches (8 kW) coûtera en moyenne 2 780 € plus 850 € de pose, un poêle à granulés de même puissance sera plus cher (3 550 € + 900 € de pose) et un foyer fermé (10 kW) sera encore plus onéreux (3 450 € + 1 350 €).

Image

Critères actuels du label Flamme Verte 7 étoiles
Depuis le 1er janvier 2021, les critères de la classe la plus élevée du label Flamme Verte ont évolué, passant de critères à puissance nominale vers des critères saisonniers qui tiennent en compte la puissance à charge partielle, telle que définie dans le règlement européen sur l’écoconception.

  • Appareil à bûches : rendement ≥ 75 % ; émissions de monoxyde de carbone ≤ 0,12 %/1 500 mg/Nm3 ; émissions de particules fines ≤ 40 mg/Nm3 ; émissions d’oxyde d’azote ≤ 200 mg/Nm3
  • Appareil à granulés : rendement ≥ 87 % ; émissions de CO ≤ 0,024 %/300 mg/Nm3 ; émissions de particules fines ≤ 30 mg/Nm3 ; émissions de NOx ≤ 200 mg/Nm3
  • Chaudière à chargement manuel : efficacité énergétique saisonnière 77 % (pour les chaudières de moins de 20 kW) ; émissions saisonnières de CO ≤ 600 mg/Nm3 ; émissions saisonnières de poussières ≤ 40 mg/Nm3 ; émissions saisonnières de composés organiques volatils ≤ 20 mg/Nm3 ; émissions saisonnières de NOx ≤ 200 mg/Nm3
  • Chaudière à chargement automatique : efficacité énergétique 78 % (pour les machines de plus de 20 kW) ; émissions de CO ≤ 400 mg/Nm3 ; émissions de poussières ≤ 30 mg/Nm3 ; émissions de COV ≤ 16 mg/Nm3 ; émissions de NOx ≤ 200 mg/Nm3
Image

« Une excellente avancée pour la filière » – Éric Vial (SFCB)

Le secrétaire général du Syndicat français des chaudiéristes biomasse n’a pas tardé à réagir à l’annonce gouvernementale : « Ce plan de réduction des émissions de particules fines, mis en consultation au printemps dernier, est une excellente nouvelle pour la filière du chauffage au bois. Il va dans le sens de nos actions et du message que nous défendons fermement depuis maintenant quelques années : un appareil performant, moderne, bien installé et bien utilisé n’émet qu’un très faible taux de particules fines, au contraire d’un appareil ancien et mal entretenu ». Éric Vial en a profité pour rappeler que tous les modes de chauffage au bois étaient concernés : « Poêles, chaudières ou encore inserts ; ce nouveau plan gouvernemental va permettre d’accélérer le renouvellement des appareils non performants. Le bois est la première source d’énergie renouvelable de France. Nous devons agir pour soutenir son développement et encourager ainsi un chauffage durable et responsable ».

Image

Lutter contre les idées reçues
En 2019, se tenait la première Journée Bois-Énergie à Paris, organisée par le Comité interprofessionnel (CIBE) et ses partenaires à la Cité universitaire internationale de Paris. La 2e édition, qui s’est tenue en visioconférence – Covid oblige – à la mi-mai, a été l’occasion pour les professionnels d’informer et de sensibiliser aux enjeux et opportunités de la filière. Tout d’abord sur la quantité de ressources mobilisables : en France, la forêt occupe un tiers du territoire et toutes les régions disposent de massifs exploitables. Une partie du bois-énergie provient d’ailleurs de la transformation du bois d’œuvre ou du bois d’industrie (écorçage, sciage, rabotage). Il s’agit d’un produit connexe aux première et deuxième transformations, voire de matériau en fin de vie. La valorisation contribue donc à renforcer la compétitivité des industries et à dynamiser les territoires ruraux. Émile Machefaux (Ademe), explique : « L’objectif que s’est fixé la France en termes de production de chaleur renouvelable à partir de biomasse est ambitieux (augmentation de 30 à 40 % d’ici à 2028). Il est basé sur des études de disponibilité de la ressource qui permettent de s’assurer que les prélèvements restent en dessous de l’accroissement naturel de la forêt ». Attention toutefois, la couverture forestière hétérogène du territoire obligera à un pilotage régionalisé, les chiffres n’étant pas atteignables partout de la même façon.

Mathieu Fleury, président du CIBE explique : "Il est urgent de développer le bois-énergie : ce sera bénéfique pour lutter contre la précarité énergétique, pour les industries. Et donc pour les territoires et leurs habitants"

Image

Inciter, contrôler puis sanctionner
La députée de l’Isère Émilie Chalas (LREM) a publié, mi-2021, un rapport sur les solutions à apporter au problème récurrent de la pollution aux particules fines. En plus des aides déjà mises en place et une meilleure communication autour d’elles, l’élue propose de renforcer la compétence des préfets afin qu’ils puissent interdire l’installation d’appareils de chauffage polluants, à l’image de la vallée de l’Arve. La députée recommande ensuite l’affermissement de la législation autour de l’installation et de l’entretien des appareils en imposant, lors des transactions immobilières, l’obtention d’un certificat de conformité et de respect des normes des Plans de protection de l’atmosphère locaux. Autre suggestion : l’instauration du taux de TVA réduit à 5,5 % pour les combustibles de qualité et l’interdiction de vente de bois non préalablement séché. Enfin, Émilie Chalas propose la mise en place d’une police de l’environnement capable de contrôler la bonne application des normes dans les métropoles les plus polluées.

Pour aller plus loin

Image

L’Ademe a publié deux fascicules pratiques intitulés “Chauffage au bois mode d’emploi” et “Poêles à bois, chaudière ou insert ?” pour renseigner les Français sur les bons gestes à adopter pour avoir chaud à l’intérieur tout en ne polluant pas à l’extérieur.

Marc Wast
Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire