[En mutation] La crise Covid, un booster de “l’habiter mieux” ?
[Zepros Bâti] En matière de logements individuels et collectifs, l’habitat idéal n’en finit pas d’évoluer au gré des soubresauts économiques et sociaux. L’actuelle crise sanitaire n’échappe pas à la règle. Et ne fait qu’enfoncer le clou dans la quête des ménages pour un cocon confortable et durable dans un contexte de lutte contre l’étalement urbain. Le point de vue de Sylvain Massonneau, le vice-président du Pôle Habitat à la FFB.
EN PHOTO • « Home sweet & smart home » ? Confinements et couvre-feux à répétition, télétravail, besoin d’espace et de confort : la crise sanitaire ne fait qu’exacerber les rêves des Français pour un logement sécurisant, rassurant, confortable, voire connecté pour réduire leur empreinte carbone. Reste à la concrétiser.
« They have a dream ! » À défaut de pourvoir pousser les murs de leur logement ou d’ « inventer des mètres carrés supplémentaires », les ménages français « ont un rêve » que la crise sanitaire n’a fait qu’accélérer. Qu’ils vivent en familles, soient urbains ou désormais de plus en plus “télétravailleurs”, ils aspirent à « un habitat plus pratique, plus flexible, au confort optimisé, mais aussi adapté au “mieux-vieillir” », rappelle Sylvain Massonneau, le vice-président du Pôle Habitat-FFB (ex-LCA-FFB) depuis 2016. Selon le baromètre Qualitel 2020 publié à l'automne dernier, les 25-34 ans qui, souvent, ont le statut de primo-accédants et voient la cellule familiale s’agrandir vivent dans des logements d’une surface habitable moyenne de 91 m². Leurs rêves et aspirations ? Disposer d’une surface idéale de l’ordre de 111 m². Ces chiffres médians passent, selon les données de l'association Qualitel, de 99 m² à 113 m². Dans le Top 3 de cette volonté de pourvoir pousser les murs ? Primo, 86 % des Français veulent disposer d’une chambre pour chaque enfant. Secundo, 82 % estiment « indispensables » d’avoir des WC séparés de la salle de bains. Tertio et ex-æquo, les Français rêvent d’un jardin : cette fameuse “5e pièce à vivre” dont la tendance se fait de plus en plus prégnante depuis une quinzaine d’années. Mais 79 % des personnes interrogées disent qu'elles se satisferaient de son alternative : pouvoir “respirer” sur leur terrasse ou un balcon. À l’issue du premier confinement, les ménages ont été en somme été piqués à vif dans leurs désirs d’amélioration de leur logement : une bulle privée que le sociologue suisse Giovanni Busino* définissait il y a plus déjà plus de trente ans comme répondant à « un besoin primitif, voire animal ».
* in. “La sociologie sens dessus dessous” (1992)
Simplicité et frugalité
Selon Sylvain Massonneau, « la crise de la Covid-19 aura agi en somme comme une véritable plaque sensible sur les attentes des Français dans leur volonté d’investir dans “l’habiter bien”, “l’habiter mieux”. Jusqu’à présent, ce besoin exprimé et réalisé était surtout le fait des seniors, des CSP+ et des propriétaires désireux d’acquérir une nouvelle résidence principale ». Et aujourd’hui ? « En Auvergne-Rhône-Alpes où mon entreprise intervient, je constate que ce souhait touche toutes les CSP et toutes les tranches d’âge, confie ce patron d'une PME artisanale installée près de Clermont-Ferrand. Sur le site de nombreux cémistes, les demandes affluent depuis juin dernier ! Dans des villes moyennes, des bailleurs sociaux développent aussi des programmes de petit collectif répondant à ces aspirations de confort et d’espace. » Malgré son surcoût à la construction, la RE 2020 peut-elle créer un effet d’aubaine ? Si durant la période 2000-2010, la demande du marché a pu porter sur de l’ostentatoire. « Maintenant, les Français veulent de la simplicité en matière de confort intérieur et ce besoin de connectivité que le télétravail a mis au grand jour », observe Sylvain Massonneau. Président de la commission Digital du Pôle Habitat-FFB, cet élu professionnel rappelle que sa fédération mène des chantiers pilotes (pilotage et maintenance à distance, comptage énergétique…) avec la Fédération française de la domotique (FFD). Enfin, « outre l’aspect culturel, il y a pour l’heure un frein fiscal sur la question de la déconstruction/recyclabilité des bâtiments », estime en contrepoint l’entrepreneur auvergnat. Ce sujet va très certainement devenir central dans les attentes du marché. Stéphane Vigliandi
FOCUS • Face aux besoins de foncier : reclasser les PLU ?
Parfois sous le diktat de grandes métropoles et d’agences d’urbanisme, beaucoup de PLU (plans locaux d'urbanisme) ont été déclassés par les municipalités depuis trois ou quatre ans pour, a priori, endiguer l’étalement urbain. « C’est un déficit de 40 à 60 % d’îlots fonciers pour le neuf. Il conviendrait d'aller vers des PLU plus consensuels. Aujourd’hui, certains élus veulent d'ailleurs tout naturellement reprendre contact avec nos organisations professionnelles », constate Sylvain Massonneau.