
<Focus 2/10> Comment le chauffage bois s'insère dans le mix énergétique français

Souvent critiqué pour son impact sur la qualité de l'air, le bois-énergie reste pourtant la première source de chaleur renouvelable en France. Avec 60 % de la production de chaleur verte et un coût parmi les plus bas du marché, il joue un rôle clé dans la stratégie bas carbone nationale. Mais entre fluctuations des aides publiques et incertitudes sur la ressource forestière, la filière cherche à stabiliser son avenir.
Tous les experts s'entendent sur un point : la transition énergétique passe par la mixité des énergies. Alexandre Saubot, président de France Industrie, le disait encore lors de la Journée nationale de la chaleur et du froid renouvelable, un colloque rassemblant les plus grandes pointures du secteur qui s'est tenu le 4 février à Paris : « Il y a plein de façons de décarboner. Il n'existe pas une réponse unique, mais une multitude, en fonction des critères d'éligibilité technique de l'énergie, de gisements de matière et d'économies pouvant être réalisées. La bonne énergie est celle qui est économiquement soutenable et socialement acceptable ! »
Des propos relayés par le Syndicat des énergies renouvelables (SER), l'Ademe ou encore la Fedene, que l'État a bien entendus, inscrivant la mixité dans son projet de troisième Plan pluriannuel de l'énergie, mis en consultation par le gouvernement à la fin de l'année 2024 et qui mise sur 330 TWh renouvelables produits en 2035.
Le bois-énergie, leader incontesté de la chaleur renouvelable
Dans cette foultitude d'énergies à disposition, il y en a une qui occupe une place de choix : le bois-énergie. Elle représente actuellement, à elle seule, 60 % de la production de chaleur renouvelable en France métropolitaine, soit plus de 100 TWh ! Bien plus que les pompes à chaleur (25 %), le gaz vert (6,7 %) ou encore les différents types de géothermies (4 %).
Il faut dire que ses avantages sont nombreux. Comme le rappelle Cédric Laurent, membre de la commission Chauffage au bois domestique du SER, le bois-énergie, déjà présent dans les foyers, est une énergie appréciée des Français (près de 8 millions de logements sont chauffés à la bûche ou au pellet) notamment pour son prix bas (en moyenne moins de 8 centimes d'euro du kWh, quand le gaz et le fioul dépassent 11 centimes et l'électricité monte à plus de 25 centimes) ; il participe à l'autonomie énergétique du pays en réduisant la dépendance aux énergies importées (intéressant dans le contexte géopolitique instable que nous connaissons) ; enfin, il offre naturellement la neutralité carbone (son utilisation est, contrairement aux fossiles, neutre en carbone sur l'ensemble du cycle de la vie du bois).
Oui mais il pollue, pensent beaucoup… Bien moins qu'on ne l'a cru ! C'est ce que révèlent deux études indépendantes parues ces dernières semaines. Le chauffage au bois ne représente que 22 % des émissions de particules fines PM2.5 (lire article « Qualité de l'air »). Depuis l'an 2000, le rejet de particules dans l'atmosphère a baissé de 50 % - et ce n'est pas fini, avec le renouvellement du parc.
Un atout économique et énergétique pour les foyers français
Qui se chauffe au bois ? Spontanément, on pense au chauffage au bois domestique, qui concerne les particuliers. Inserts, poêles et chaudières domestiques constituent l'essentiel des systèmes de génération de chaleur installés. On en compte très exactement 7,8 millions selon les derniers relevés, ce qui représente 11,7 % de la consommation finale de chaleur en France. Et ce malgré les "stop and go" subits par la filière, qui a vu MaPrimeRénov' (MPR) être rabotée de 30 % une première fois le 1er avril 2024 puis une seconde fois, de 32 %, le 1er janvier dernier. « Les installations bois-énergie ont coûté, selon l'Anah, 900 millions à l'État au titre de MPR en 2022. En 2024, le chiffre a été divisé par quatre », calcule Éric Vial, directeur général de Propellet.
Pas de quoi rassurer les fabricants de poêles et de chaudières, qui ont vu leurs ventes s'effondrer. Le segment le plus touché est celui des chaudières, passé de 46 270 unités vendues en 2022 à 10 095 l'année suivante… Les générateurs biomasse ont reculé d'encore 45 % en 2024, selon les derniers chiffres Uniclima et SFCB.
La stratégie bas carbone pour le chauffage bois
Les maisons individuelles ne sont pas les seules à se chauffer au bois. Les secteurs de l'habitat collectif et de l'industrie ainsi que le tertiaire sont également friands du bois, depuis une vingtaine d'années. « Cette filière mature avec de hauts rendements représente un levier de décarbonation reproductible, valorisant des ressources naturelles diversifiées », explique Clarisse Fischer, déléguée générale du Cibe (Comité interprofessionnel du bois-énergie). « On dénombre ainsi plus de 7 900 chaufferies de plus de 50 kW réparties sur tout le territoire, représentant 5% de la consommation finale de chaleur et permettant d'éviter annuellement l'émission de 6,5 Mt de CO2. »
Les chiffres de l'utilisation du chauffage bois-énergie sont déjà impressionnants. La stratégie nationale bas carbone (SNBC) va encore plus loin, souhaitant propulser l'énergie bois et équiper 10 millions de foyers à l'horizon 2030 et pousser les chaufferies dans le collectif et le tertiaire de même que les réseaux de chaleur urbain tournant à cette énergie.
Dès lors, se pose la problématique de la ressource. « L'inventaire forestier national de 2024 confirme que la forêt métropolitaine continue de s'étendre. Elle couvre désormais 32 % du territoire », rassure Éric Vial, délégué général de Propellet. « Le bois-énergie, sous forme de granulés ou de plaquettes, n'est qu'un co-produit du bois d'œuvre utilisé pour la construction ou l'ameublement, par exemple. » Le Programme national de la forêt et du bois ne s'affole pas plus, estimant que l'on peut atteindre 63 millions de mètres cubes prélevés chaque année à partir de 2030. Cette réassurance, qui va de pair avec la garantie d'un prix du combustible stable, devrait permettre de rebooster le tout secteur du chauffage bois-énergie. Qui ne rêve que de stabilité dans les orientations gouvernementales pour continuer à investir.
Les chiffres clés du bois-énergie en France
- N° 1
Le chauffage au bois représente la première source d’énergie renouvelable du pays. - 7,5 millions
C’est le nombre de ménages français utilisant un système de production d’énergie au bois. - 24 %
Actuellement, un quart des besoins de chauffage du secteur résidentiel sont couverts par le bois-énergie domestique. - 40 000
L’estimation du nombre d’emplois dans la filière bois-énergie (installateurs, fabricants…). - 3 milliards €
Ce sont les investissements prévus de la filière sur les 10 prochaines années.
Sources : Fedene, SER, Uniclima, Cibe, Propellet.
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