Entretien avec Pierre-Emmanuel Thiard : " L'union Placo-Isover, plusieurs atouts face aux enjeux "

Marie Laure Barriera
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En juillet 2019, Saint-Gobain annonçait le rapprochement de deux de ses marques industrielles phares : Placo et Isover. Pierre-Emmanuel Thiard, directeur général adjoint de cette entité expliquait alors cette décision par une volonté d’accélérer la croissance en jouant sur les différentes complémentarités pour améliorer l’expérience client, et apporter des réponses au confort intérieur, et à la performance thermique. Dans cet entretien accordé à Zepros, le dirigeant dresse un bilan d’étape de cette ambition, et livre sa vision de la conjoncture et de l’évolution des marchés dans un cadre réglementaire encore mouvant.

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Quel bilan économique tirez-vous de 2020 et dans quelles perspectives vous-placez-vous pour 2021 ?

Pierre-Emmanuel Thiard : 2020 a été une année de forts contrastes avec une dynamique très différente selon les segments de marché. La crise sanitaire a finalement peu impacté les chantiers de rénovation, qui en outre sont soutenus par des dispositifs puissants. Les courbes du deuxième semestre sont ainsi très positives. A l’inverse, sur le neuf, la complexité administrative et la coactivité des intervenants a créé une vraie difficulté pour reprendre les chantiers. Nous ressentons un redémarrage depuis la fin 2020, mais cela ressort peut-être de l’effet rattrapage. Les mois d’été seront à ce titre significatifs de l’orientation à venir, avec une nouvelle incertitude toutefois, liée aux augmentations tarifaires sur les matières premières et les phénomènes de pénurie que nous observons. Dans ce contexte encore très incertain, le rapprochement entre Placo et Isover initié à l’été 2019 s’est avéré et s’avère encore être un atout, car nous avons pu faire jouer les complémentarités et créer de la valeur en unissant la force de chacune des sociétés sur les différents marchés.

 

Pouvez-vous justement revenir sur les premiers points concrets de cette union ?

P-E.T. : Nos forces commerciales sont aujourd’hui bimarques, cela permet par exemple d’arrimer Placo à Isover sur les chantiers de rénovation et symétriquement d’amener Isover sur les chantiers techniques sur lesquels Placo entre plus naturellement. Nous sommes ainsi à même de proposer les meilleures réponses, d’apporter des combinaisons, des systèmes différenciants face à des problématiques techniques. Grâce à ce rapprochement, ces forces commerciales travaillent sur des secteurs plus réduits, ce qui leur confèrent une meilleure connaissance des clients et expertise. 2020 a été le cadre de la mise en musique de ce rapprochement, il est aujourd’hui bien en place et c’est un succès. L’ensemble des équipes a passé du temps pour construire un projet commun d’entreprise et sur les leviers pour le traduire. Parmi les grandes orientations, la performance des produits à tous les niveaux, la performance environnementale de l’offre et de l’activité, et enfin la digitalisation. Sur ce terrain, nous allons d’ailleurs déployer de nouveaux outils pour nos clients.

 

"Pour être plus réactif auprès des distributeurs plus petits, nous testons une solution logistique commune afin d’assurer un réapprovisionnement rapide."

Cet axe numérique s’est-il renforcé à la faveur de la crise sanitaire ?
P-E.T.
: Cette crise a incontestablement bousculé la filière en profondeur et par exemple généralisé le clic&collect. La profession travaillait déjà sur l’e-commerce mais nous avons dû renforcer notre accompagnement des négoces et gagner en agilité. Nous allons ainsi déployer au cours du printemps à destination des petits distributeurs un e-shop transactionnel sur lesquels ils auront accès à la disponibilité des produits et à leurs tarifs. Pour être également plus réactif auprès de ces clients, nous testons une solution logistique commune afin d’assurer un réapprovisionnement plus rapide. Toujours sur le chapitre du digital, notre programme de webinaire s’enrichit en parallèle des sessions de formation dispensées dans nos centres. Enfin, nos clients peuvent bénéficier également de deux nouveaux services : d’une part, une plateforme CEE qui assure l’ingénierie du montage administratif des dossiers, d’autre part, de l’offre Placo BIM, un outil de calepinage dédié aux plaquistes qui peuvent ensuite l’intégrer dans un projet BIM.

Les synergies Placo - Isover vont-elles jouer dans les réponses aux enjeux de la rénovation énergétique ?
P-E.T.
: Au-delà de Placo et Isover, c’est le groupe Saint-Gobain lui-même qui engage sa présence auprès des Pouvoirs-Publics et sur le terrain, à l’image de son action auprès de l’Association Stop Exclusion Energétique qui vise à financer le reste à charge des travaux. Notre président Pierre-André de Chalendar est en effet très impliqué dans le plan de relance et rappelle l’importance de ce défi, qui, sur les notions de confort, d’emploi et d’environnement est au centre des préoccupations de la société. Nous voulons y répondre de façon globale. Avec nos gammes de produits dits « traditionnels », nous cherchons à réaliser de la rénovation « embarquée », c’est-à-dire qui agit sur tous les conforts : acoustique, qualité de l’air intérieur, thermique. Parallèlement, face aux attentes de solutions naturelles et biosourcées, nous avons notamment fortement investit dans notre site de production de laines de bois Isonat, et poursuivons également le développement de Silvatone, notre gamme de plafonds en fibre de bois. Le troisième volet de réponse réside dans notre offre de services pour accompagner et former les distributeurs et les artisans sur le dispositif RGE.

 

"L’introduction de l’ACV dynamique change la donne. Nous demandons simplement à avoir des normes factuelles. Ce sujet est un vrai enjeu qui ne doit pas faire l’objet de réponse réduite à de l’idéologie. "

 

En 2021, la filière devra travailler sur une autre échéance : la REP Bâtiment. Êtes-vous prêts ?
P-E.T.
: Le traitement des déchets est un enjeu dont se sont déjà saisi Isover et Placo avec la création de filière de récupération et de recyclage. Nous allons poursuivre et accentuer ces actions. Mais la REP (ndlr : Responsabilité élargie des producteurs) pose un problème d’une ampleur bien supérieure et qui concerne toute la chaine. Les délais sont très courts et c’est tous ensemble que nous devons accélérer.

 

Dans le calendrier proche pointe aussi la RE2020
P-E.T.
: Là encore, nous partageons bien sûr l’objectif de décarbonation du Bâtiment. Le texte est encore en construction alors ma réponse sera courte. Pour dire simplement les choses, ce sujet est un bon combat mais qui vaut justement la peine qu’on le traite avec rigueur. Nos produits ont tous des FDES qui permettent d’entrer dans la méthode de calcul actuelle. L’introduction de l’ACV dynamique change la donne. Nous demandons simplement à avoir des normes factuelles. Ce sujet est un vrai enjeu qui ne doit pas faire l’objet de réponse réduite à de l’idéologie. (Propos receuillis par Marie-Laure Barriera)

Marie Laure Barriera
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