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Face au Covid-19, les grossistes en second œuvre activent... leur “Plan Marshall”

Stéphane Vigliandi
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MEGBAN
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[Zepros Négoce] Depuis le début de la crise sanitaire, la filière de la construction a perdu près de 90 % de son activité. Mais dès le 17 mars, la majorité des grossistes en second œuvre étaient à pied d’œuvre. Selon leurs 4 fédérations* du secteur, « des moyens exceptionnels » ont été déployés « en un temps extrêmement court » pour répondre à un double enjeu : aider artisans et installateurs à poursuivre l’activité, tout en protégeant salariés et clients. Illustrations... forcément non-exhaustives.

* FDME (matériel électrique), Fnas (sanitaire, génie climatique et canalisations), FFQ (quincaillerie) et FND (finitions)

TÉRÉVA • En version “sans contact”, mais avec le sourire !

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Retrait des marchandises en drive pour les achats d’urgence notamment, boum des commandes en ligne sur Téréva Direct… Si les 149 libres-services et les “expos” Grandbains sont « fermés jusqu’à nouvel ordre », la filiale du groupe MBE a gardé 80 % de ses agences ouvertes. Alors que beaucoup de TPE-PME sont entre le marteau et l’enclume pour continuer leurs chantiers, le n°3 du sanitaire-chauffage a mis en place un service d’astreinte sur tout le territoire : deux collaborateurs par point de vente pour continuer à servir les pros en toute sécurité. Comme dans d’autres enseignes, l’artisan récupère les commandes à l’entrée de son agence après avoir prévenu de son arrivée par téléphone. Pour signer le bon de commande, il doit, bien sûr, utiliser son propre stylo. À lire certains commentaires d’installateurs sur les réseaux sociaux, cette version “sans contact” n’entache en rien la convivialité qui règne malgré tout dans les agences du distributeur basé dans l’Ain. Quant aux livraisons, elles sont maintenues par des prestataires tant qu’ils restent opérationnels. C’est d’ailleurs un sujet d’inquiétude pour l’ensemble des grossistes du secteur qui demandent à leurs clients de faire preuve de compréhension en cas d’un éventuel allongement des délais de livraison. Et si certains pure-players montent en puissance ces derniers jours, Téréva a une arme pour résister : sa logistique redimensionnée comme à Pusignan (69) où il dispose désormais d’un hub high-tech.

EN PHOTO • Même en mode “sans contact”, la bonne humeur reste au rendez-vous.

REXEL • Coup d’accélérateur digital

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Dès que le gouvernement a décrété l’état d’urgence sanitaire, le coleader de la distribution de matériel électrique a très souvent posté et envoyé des mails à ses partenaires (clients et fournisseurs) pour les assurer de la continuité de ses activités. Notamment auprès des secteurs dits prioritaires : santé, énergie, transports. Dès le 25 mars, Patrick Bérard, DG du groupe, annonçait « la disponibilité de produits et services pour des besoins essentiels, et parfois vitaux, dans un monde qui ne peut fonctionner sans les usages électriques ». À ce sujet, Rexel et ses deux autres enseignes Coaxel et SCT se sont voulu rassurants en faisant été d’« approvisionnements sécurisés » et « des stocks ajuster en permanence garantir une disponibilité optimale ». En outre, les 36 centres d’appel de Rexel France continuent de venir en soutien pour répondre aux questions techniques des installateurs. Comme d’autres, le distributeur a invité les clients à utiliser « à grande échelle » ses interfaces numériques telles que le courrier électronique vers l’EDI et le click & collect. Engagé depuis 2016 dans un plan de transformation digitale, il a déjà vu l’activité de ses e-shops (Rexel, Coaxel, Cordia, applis web…) bondir de 30 % (valeur) fin 2019. Ce canal capte désormais 17,3 % de ses ventes dans l’Hexagone. En dévoilant l’automne dernier son “agence du futur” (casiers connectés, signature électronique, réalité augmentée…), le groupe devrait sans doute voir le poids du “sans contact” grimper.

FIC (ALGOREL) • Dans la chaîne de solidarité

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Parce qu’« il n’y a point de petits pas dans les grandes affaires »… À la tête de FIC depuis 2009, Anne Nouvel-Owens a fait sienne cette maxime du Cardinal de Retz. Malgré une perte d’activité d’« environ 75 % » depuis mi-mars, ce grossiste occitan en sanitaire-chauffage soutient les hôpitaux du département. « Nous n’avions ni masque, ni combinaison jetable en stock. Nous avons décidé de collecter 5 € sur chaque commande effectuée par nos clients pour faire un don aux personnels soignants des hôpitaux du Gard », confie la Dg de FIC. Ce geste solidaire qui a débuté le 23 mars, a déjà permis de verser 6 565 € au fonds de dotation du CHU de Nîmes : 50 % pour l’achat de matériel et 50 % pour financer un programme de recherche sur le Covid-19. Une fois passée la crise, la dirigeante estime comme beaucoup que « l’activité mettra sans doute du temps avant de reprendre à 100 % ». Néanmoins, elle se veut « confiante » malgré tout. Sa PME de 315 salariés revoit déjà son organisation et ses process internes pour généraliser le drive à ses 14 agences entre autres.

EN PHOTO • Durant la 2e semaine de confinement, l'adhérent Algorel du Gard a enregistre 1 313 commandes clients ; essentiellement des TPE et PME pour des chantiers de maintenance ou de dépannage.

SONEPAR CONNECT • Livrer dans les délais

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Sur ses 300 agences, le coleader français du secteur n’a fermé que 5 % de sites dits satellites, tout en assurant des réapprovisionnements à J+1. Le réseau reste donc ouvert pour assurer le drive et les livraisons directes. Dès mi-mars, les stocks tampons et sur plateformes ont d’ailleurs été renforcés pour pouvoir « livrer dans les délais standards dans toutes les gammes de produits ».

Bien que « cet équilibre n’est pas tous les jours facile à trouver », juge Benoît Pédoussaut, Dg de Sonepar France, le distributeur dispose d’une force de frappe logistique : 6 hubs régionaux mutualisés et 180 000 m² de stockage cumulés pour les deux réseaux de Sonepar France (Sonepar Connect et CGED). Aux premiers jours de la crise, la FDME ne constatait d'ailleurs «pas encore d’alertes sur les niveaux d’approvisionnement des enseignes du secteur ». Avant de prévenir que « les semaines à venir risquent d’être plus compliquées… »

CGED • Câblé aux “premières lignes”

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Si l’activité est en berne, l’autre réseau de Sonepar (170 points de vente) est aussi mobilisé auprès des secteurs prioritaires. Fin mars, l’agence de Villefranche-sur-Saône (69) a ainsi épaulé l’hôpital local afin de permettre d'installer un accueil spécifique pour les cas suspects de Covid-19. Avec la base logistique de la Plaine de l’Ain, Alexandre Astier, le chef d’agence, a pu fournir en dépannage express des câbles nécessaires à l’alimentation électrique de ce dispositif provisoire. Ce CGED du Rhône a aussi garanti aux équipes techniques un service 7/7 j et 24/24 h pour approvisionner en urgence l’hôpital.

À Thouars (79), un autre chef de dépôt, s’est allié à l’appel du Club des entreprises local pour collecter des équipements hospitaliers. Steven Guitton a ainsi remué ciel et terre pour affréter deux palettes de blouses jetables, lunettes et gants, surchaussures ou encore essuie-main. Un beau geste de solidarité parmi tant d'autres dans la filière du BTP !

MASTER PRO • “Appros” sécurisés

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Aux côtés de ses enseignes sœurs (Securom, Master Mat, Brico Pro…), le réseau spécialisé en quofi « garde le cap et reste agile dans la tempête ». Veille réglementaire permanente, fiches pratiques, évaluation des risques… : dès le 15 mars, sa centrale Cofaq basée à Poitiers a installé une cellule de crise pour accompagner les 358 adhérents. Fort d’un plan de stockage de 30 000 références, les trois bases logistiques du groupement continuent d’approvisionner de façon « restreinte » et sécurisée, les dépôts ouverts. Tandis qu’avec les services Achats et Logistique, la direction élabore d'ores et déjà la stratégie et les plans d'actions pour « accompagner au mieux les points de vente dans la sortie de crise ».

EN PHOTO • DG de Cofaq, Thierry Anselin appelle à « ne pas casser la chaîne des flux financiers qui permettra à chacun de mieux affronter les prochaines semaines ».

ALGOREL • Vigilance sur la chaîne des paiements

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Si l’ensemble des trois branches du groupement (électricité, sanitaire-chauffage et carrelage) conserve 20 à 25 % d’activité en moyenne par rapport à la normale, 80 à 90 % du réseau (760 points de vente) fonctionnent en mode “drive sans contact” durant cette 3e semaine de confinement. Sur le terrain, seuls 10 à 15 % des salariés – tous volontaires – travaillent. Avec une règle d’or : un binôme (le chef d’agence + 1 magasinier) dans les points de vente satellites. Dans les structures stratégiques, les effectifs sont un peu plus étoffés pour assurer les flux de préparation de commandes. Mais, tant que toutes les conditions de sécurité sanitaire ne sont pas réunies (notamment la disponibilité de masques de protection), les livraisons ne resteront que très limitées. D’ailleurs, différents sondages ont été menés auprès de près de 2 500 entreprises clientes – 1 300 par Algorel et 1 200 par Partedis, l'un de ses adhérents – pour évaluer leur niveau d’activité actuel. Résultats ? Quasiment 100 % des entreprises générales sont à l’arrêt. Depuis deux semaines, beaucoup de patrons attendaient la sortie du guide de bonne pratique pour les professionnels du BTP. Après de multiples négociations entre les fédérations du BTP et le gouvernement, le guide de l'OPPBTP a été validé et publié ce 2 avril. Du côté des artisans et TPE, la tendance est un peu meilleure ; mais seuls moins de 50 % des artisans continuent d’effectuer des interventions de dépannage. Dans cette période de bas régime, Algorel ne constate pas encore de pénurie dans les stocks. Mais des réapprovisionnements très sélectifs sont déjà envisagés en cas de besoin. Face aux délais de paiement et aux possibles risques d’impayés, le groupement a appelé clients, mais aussi adhérents à respecter les échéances. D’ailleurs, la centrale mobilise 70 % de ses efforts sur ce dossier. Néanmoins, Algorel qui recense 760 agences et 150 adhérents (dont 123 en sanitaire-chauffage), s’attend à enregistrer une érosion de CA de l’ordre de 10 à 15 % sur l’exercice 2020.

EN PHOTO • Adhérent Bleu Rouge de Franche-Comté, VF Confort n’utilise actuellement qu’un sixième de sa flotte pour assurer les livraisons directes sur chantiers.

YESSS ÉLECTRIQUE • Achats : un tuto pour les installateurs

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“Ye-Sécurité, Solidarité, Sérénité”… Sur les réseaux sociaux, le distributeur a voulu rassurer ses clients dès le début de la crise. Avec ce message en guise de clin d’œil : «Yesss, on prend soin de vous !». Devant fournir entre autres les opérateurs d’importance vitale, l’enseigne (ex-CEF) a gardé ses 310 dépôts ouverts, mais sécurisés. Pour accompagner entre autres les TPE et PME du secteur, l’enseigne basée dans le Rhône a créé un tutoriel didactique qui, en 58 secondes, détaille tous les process pour effectuer et récupérer les commandes en drive. Une vidéo rappelle aussi que son site web centralise l’ensemble des informations liées au dispositifs d’aide aux entreprises rencontrant des difficultés durant la crise. Dans un élan de patriotisme économique, Yesss invite ses clients à acheter du “Made in France” : un message emprunté à la délégation départementale du Medef en Charente-Maritime. Certains experts appellent d'ailleurs déjà à une démondialisation partielle et à acheter local. À l’issue de la crise sanitaire, la filière va-t-elle revoir en partie son sourcing ?

EN PHOTO • Après la “libération”, la région Poitou-Charentes de Yesss entre autres appelle à soutenir les entreprises françaises en reprenant l'appel du Medef-17.

LEGALLAIS • Au plus près des attentes clients

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Si la crise sanitaire dicte son tempo, le quincaillier d’origine normande a toutefois réussi à « sauvegarder 25 à 30 % de l’activité normale par jour » depuis mi-mars. Sur 24 comptoirs, seuls ses 6 sites stratégiques fonctionnent en “mode dégradé”. À Caen, Lille, Mantes (78), Marseille, Paris et Saint-Denis (93), les retraits s’effectuent en drive-in comme chez tous ses confrères. Tous volontaires, 15 à 20 % des 1 100 salariés sont sur le pont, dont près de 100 sur la plateforme logistique de 24 000 m² (vs 230 d’habitude). Tout en assurant les livraisons sur chantiers en toute sécurité, il leur faut aussi réceptionner la marchandise après confirmation entre les fournisseurs et le service réception de l’enseigne. Pour assurer le suivi de la relation clients sur ses 3 pôles*, une partie des commerciaux télétravaillent. À leur actif ? Environ 2 000 interactions clients par jour (téléphone, mail...) et autant de colis à honorer (vs 10 000 en moyen en temps normal). Le dispositif est bien huilé malgré « quelques difficultés avec des transporteurs ne livrant plus le Grand Est par exemple » au début du confinement. Fidèle à sa culture de proximité, l’ETI du Calvados communique beaucoup auprès des TPE-PME sur les mécanismes de soutien du gouvernement pour « les aider à y voir plus clair ». En mode “On pense à vous !” sur les réseaux sociaux, elle poste des selfies de salariés en télétravail. Manière de continuer à tisser du lien, même en étant confinés.

* Artisans et plombiers, Bâtiment, Maintenance

EN PHOTO • “Sortez… vos crayons !” : les street-artists des couvertures de catalogues de Legallais ont concocté des dessins à colorier pour divertir un peu et - surtout - les plus jeunes confinés.

SOCODA • Rester connecté au terrain

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Malgré un repli d’activité de 95 à 85 % selon les régions, les branches Électricité et Sanitaire-Chauffage restent sur le pont. Fin mars, 96 % des agences ont maintenu encore leur activité. Certains grossistes adossés à un site e-commerce assurent aussi les livraisons directes, mais la majorité du réseau fonctionne en drive. Si le gouvernement a évoqué début avril « un déconfinement gradué », les chefs de marché de Socoda, eux, ont déjà commencé à évaluer les besoins en réapprovisionnement des dépôts pour donner plus de visibilité aux fournisseurs. Reste une énorme crainte au sein du groupement, comme dans l’ensemble de la filière du BTP : celle liée à l’une des 25 ordonnances Covid-19 qui prévoit l’instruction décalée des autorisations d’urbanisme et permis de construire. Depuis le début de la semaine, les organisations professionnelles alertent les pouvoirs publics sur les « conséquences catastrophiques » d’un report d’ici à l’automne mettrait le neuf en stand-by jusqu’en 2021…

EN PHOTO • Dans le respect des gestes “barrières”, le directeur commercial de Roy Élec, Yann Bisson (à droite) et l’un de ses collaborateurs assurent la continuité de services auprès des installateurs de la région de Tours.

Warmango • La start-up connaît un pic… d’activité

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Fondée fin 2017, le pure-player lyonnais réagit différemment à la crise sanitaire. Spécialisé en plomberie, sanitaire-chauffage et, désormais, en électricité, son fondateur et CEO, Maxime Augiat constate à mots couverts « un pic anormal [sic] de connexions et d’interactions sur sa plateforme »… sans fournir de chiffres pour l’instant. Effet direct ou collatéral lié à la crise du Covid-19 ? Le start-upper trentenaire n’avance pas de réponse. Mais, « cette crise sanitaire et les mesures de confinement vont certainement, à terme, vulgariser encore plus le recours aux outils digitaux chez les TPE-PME artisanales », estime-t-il. Proposant désormais un plan de vente d’environ 40 000 références (vs 10 000 à la rentrée 2019) et revendiquant aujourd’hui plus de 2000 clients actifs (vs 800 à l’automne dernier) , Warmango indique assurer « encore 80% de ses livraisons en J+1 » depuis le début du confinement pour les commandes urgentes ; 48 heures pour les autres demandes. Des prestations assurées par Géodis et France Express avec qui la jeune pousse a négocié des accords-cadres qui, a priori, le mettent à l’abri de toute hausse des coûts de transport… Si 80 % de ses équipes sont sur le pont en télétravail, Maxime Augiat en profite actuellement pour intensifier les formations techniques des commerciaux sur l’univers de l’électricité : un segment de marché qu’il aborde depuis le début de l’année. Selon Maxime Augiat et Lucas Maisse, le directeur marketing et des opérations, « cette catégorie de produits doit très vite doubler le potentiel d’activité ». À cet égard, ils viennent d’engager une stratégie de rationalisation de l'offre en matériel électrique. Avec un cœur de gamme recentré sur un peu plus de 5 000 références dont une partie cible les besoins classiques des plombiers-chauffagistes en rénovation ; l’autre pour les attentes spécifiques des électriciens. Annonçant le déploiement d'une appli « avant l'été », Warmango finalise par ailleurs une 3e levée de fonds. Montant : 1,5 M€ d'argent frais dont il devrait, a priori, disposer d'ici tout début mai au plus tard.

Stéphane Vigliandi
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