La transition écologique, moteur pour la relance ?
Si le ministère de la Transition écologique et solidaire a annoncé des mesures de soutien au secteur de l’énergie (voir notre article ), afin de faire face à la chute des consommations et à l’arrêt de l’activité en France, le Sénat souhaite que Elisabeth Borne aille plus loin. La commission des Affaires économiques, qui a auditionné la ministre le mardi 7 avril 2020, préconise que les aides aillent également aux ménages précarisés et que, plus globalement, la transition soit au cœur du plan de relance post-crise sanitaire.
En pleine période de confinement et d’arrêt économique, la commission des Affaires économiques du Sénat a télé-auditionné Elisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire sur l’incidence du Covid-19 sur la politique à venir du gouvernement. Sophie Primas, qui préside cette commission, expose : « A la crise sanitaire s’ajoute une crise énergétique, qui est une mauvaise nouvelle pour le climat et la diversification de notre mix ; elle affectera notamment la rentabilité des acteurs de l’énergie, et donc leurs capacités d’investissement, seules à même de permettre l’essor des énergies renouvelables ». En effet, la baisse de la demande nationale et mondiale est drastique avec la mise à l’arrêt du transport aérien, de la production industrielle non essentielle : -40 % pour le gaz, -50 % pour l’électricité et -60 % pour le pétrole.
Les différentes mesures de soutien à l’électricité, au gaz et à la chaleur
Pour faire face, la ministre avait déjà présenté, la semaine précédente, un ensemble de mesures destinées à accompagner les acteurs du chaud et du froid (biomasse, PAC, géothermie, solaire thermique, réseaux…) et ceux des filières électriques (photovoltaïque, éolien) et gazières. Elisabeth Borne expliquait alors : « L’avancement de nombreux projets de production d’EnR est actuellement perturbé, c’est pourquoi j’ai décidé d’accorder des délais supplémentaires pour les chantiers en cours et pour les prochains appels d’offres ». Une période additionnelle forfaitaire sera donc octroyée par filière. De même, les tarifs d’achats qui devaient baisser le 1er avril pour les petits projets solaires en toiture, ont été prolongés de 3 mois, tandis que le calendrier des appels d’offres pour les plus grandes installations a été décalé (voir encadré). Pour les filières du gaz, Elisabeth Borne a salué le professionnalisme des acteurs garantissant un approvisionnement essentiel au fonctionnement du pays. Les opérateurs profitent d’ailleurs de cette période pour débuter le remplissage des stocks pour débuter l’hiver 2020-2021 avec un bon niveau de réserve. Le ministère accorde, là encore, des délais pour la mise en service d’installations biogaz en chantier ainsi qu’une suspension temporaire du contrat d’achat pour celles rencontrant des difficultés de fonctionnement liées notamment au manque d’intrants. Pour la chaleur et le froid, Elisabeth Borne a pris différentes décisions : adaptation des modalités d’accompagnement des projets par l’Ademe (versement d’une avance de 20 % sur les aides, prolongation des délais de dépôts de dossiers pour le Fonds Chaleur), extension de 6 mois pour les demandes de Certificats d’économies d’énergie auprès de la Délégation générale de l’Energie et du Climat, prolongation des Coups de pouce CEE chauffage jusqu’à fin 2021, création d’un Coup de pouce CEE chaufferie fioul pour encourager à l’abandon de ce combustible par les copropriétés tout en travaillant à un Coup de pouce CEE pour le tertiaire.
Ne pas oublier la rénovation énergétique
Malgré ce paquet de mesures, les sénateurs ont appelé la ministre à aller encore plus loin et de ne pas se limiter aux entreprises. Les membres de la Commission ont évoqué les ménages en situation de précarité énergétique « qui risquent d’être les premiers touchés par la récession économique » et plaidé « pour une revalorisation significative du chèque énergie ». Les membres de la chambre haute ont également relayé à Elisabeth Borne les difficultés rencontrées par les professionnels de la rénovation énergétique qui « pâtissent de consignes sanitaires encore peu claires », allusion au Guide des bonnes pratiques de l’OPPBTP, complexe à mettre en pratique.
Plus généralement, la commission des Affaires économiques a enjoint le gouvernement « à faire de l’atteinte de la neutralité carbone l’aiguillon du plan de soutien », qu’il s’agisse de diversification du mix énergétique, de rénovation thermique ou de décarbonation du secteur des transports avec le développement de biocarburants. Sophie Primas, sénatrice LR des Yvelines qui préside la commission depuis 2017 conclut : « Inscrire la transition énergétique au cœur du plan de relance constitue la condition sine qua non pour sortir de la crise économique sans dévier de nos engagements climatiques, tels qu’ils résultent de la loi Energie-Climat, adoptée dans un esprit de consensus ». Grégoire Noble