Le trafic de gaz réfrigérants dans l’UE, un fléau écologique et économique

Grégoire Noble
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[Zepros Energie] Le Comité européen sur le fluorocarbone estime que le tiers des volumes de produits réfrigérants importés dans le Vieux continent est issu du commerce illégal. Ce marché noir pourrait représenter l’équivalent de 34 millions de tonnes de CO2 par an, mettant à mal tous les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre des pays membres. Des importations frauduleuses qui viennent généralement de Chine et dont les prix attractifs suscitent l’intérêt de clients peu regardants.

On les retrouve dans les climatiseurs, les réfrigérateurs, les pompes à chaleur… Depuis 2015, les fluides frigorigènes sont encadrés en Europe par la directive F-Gaz, qui instaure des quotas et vise à réduire progressivement l’usage (et les importations) des produits les plus impactant sur le réchauffement global. Cependant, l’Agence d’investigation environnementale (EIA) estime que les importations illégales qui contournent la réglementation communautaire sont importantes, représentant plus de 16 millions de tonnes d’équivalent CO2 en 2018. Plus récemment, c’est le cabinet de conseil et d’analyses Oxera qui s’est penché sur la question de ce marché noir des hydrofluorocarbures (HFC) et qui avance un chiffre encore supérieur. En comparant les données publiques d’Eurostat (office statistique européen), de Comtrade (statistiques sur le commerce de l’Onu) et celles d’exportations de Chine, il apparaît que ce serait en fait 34 MteqCO2 qui échapperaient à tout contrôle. Une quantité astronomique qui correspond aux émissions de 25 millions de véhicules supplémentaires sur les routes européennes ou à l’empreinte carbone d’un pays comme la Croatie… Rappelons que le quota légal en 2018 était de 101 MteqCO2 au total. La fraude pourrait donc représenter 25 % du marché total de 135 MteqCO2.

Crime organisé, environnement souillé...

Les analystes ont identifié deux flux commerciaux distincts susceptibles de masquer les importations illégales. D’abord un écart de 19 MteqCO2 entre les exportations déclarées par Pékin vers l’UE et les importations chinoises déclarées en Europe. Une différence qui s’expliquerait par un commerce illégal de HFC. D’autre part, Oxera a constaté une hausse de 40 % des exportations chinoises vers les pays voisins de l’Union, comme l’Albanie, les républiques d’ex-Yougoslavie, la Russie, la Turquie, l’Ukraine ou la Suisse, soit 15 MteqCO2 supplémentaires. La marchandise entrerait ensuite dans l’UE par ces limitrophes. Les déclarations seraient falsifiées et les quotas ainsi largement dépassés. Le Comité technique européen sur le fluorocarbone (EFCTC), qui rassemble différents acteurs de ce marché comme Arkema, Daikin Chemicals ou Honeywell, avertit : « À l’approche d’une nouvelle réduction de quota prévue en janvier 2021, nous appelons à une application plus rigoureuse du règlement F-Gaz afin d’aider à endiguer les importations illégales ». Il est en effet prévu qu'en 2021, le volume du marché soit ramené à 45 % de ce qu'il était en 2015. En 2030, il devra ne plus être que de 21 %, soit une réduction de -79 % en 15 ans.

Outre les atteintes à l’environnement en émettant de grandes quantités de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, le commerce illégal de ces gaz réfrigérants aurait d’autres conséquences. Ses recettes financeraient le crime organisé et priveraient des petites et moyennes entreprises du secteur de leurs propres revenus. Certaines auraient perdu jusqu’à 80 % de leur activité. Le contrôle risque toutefois d’être difficile, avec une chaîne logistique complexe pour les HFC, importés dans des grands conteneurs (15-20 tonnes) puis distribués dans des petits cylindres (5 à 60 litres) normalement consignés par des grossistes ou des industriels. Un prix trop bas, un règlement demandé expressément en espèces ou une absence de consigne, indiquant l’usage de bouteilles non rechargeables, sont des indices d’une provenance douteuse. En achetant ce type de produit frauduleux, l’utilisateur final prend un risque puisque la provenance et la composition du gaz sont inconnues et potentiellement dangereuses pour une utilisation dans un système de réfrigération. EFCTC conclut : « La contrebande de HFC n’est pas une infraction mineure. Elle stimule la criminalité et détruit notre climat ». Il milite pour une meilleure traçabilité des produits et une augmentation des contrôles de douanes.

G.N.

Grégoire Noble
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