[Menuiseries] « Des incertitudes sur le rythme de la reprise » (Robert Dollat, UFME)
EN PHOTO • Ce lundi 20 avril, dans la filière des menuiseries, 78 % des usines françaises avaient repris une activité selon le dernier sondage de l'UFME.
[Zepros Bati] Si très peu de fabricants n’ont pas interrompu leurs productions dès le 17 mars, l’activité industrielle remonte progressivement depuis le 6 avril. Mais process et organisations internes sont bouleversées. Le point avec Robert Dollat, président de l’Union des fabricants de menuiseries (UFME), dans un contexte où il y a encore peu de visibilité.
Sur le marché des menuiseries, l’exercice 2020 sera-t-il en grande partie “plombé” par les effets collatéraux de la crise sanitaire ? « Après la sidération et le coup de massue que nous avons tous reçus dès le 17 mars, il y a des interrogations sur les effets d’amortisseur qui pourraient atténuer une possible récession dans le secteur. Aujourd’hui, la profession n’a pas vraiment de visibilité sur le court terme. Or, pour nos professions, les mois de mars à mai représentent la saison la plus forte en termes de prises de commandes et de production dans les ateliers pour atteindre un pic d’activité à l’été », rappelle Robert Dollat.
Tout juste deux ans pile après sa prise de fonction à la tête de l’UFME, il dresse aujourd’hui un état des lieux en demi-teinte. Et espère que les mesures d’aides gouvernementales permettront de « réduire autant que possible l’impact de cette crise ». Extrudeurs-gammistes, fabricants, professions associées (vitrage, quincaillerie…), installateurs : depuis le début du confinement, l’organisation professionnelle prend le pouls du marché auprès de ses 145 adhérents.
Seuls environ 5 % des usines n’auraient pas du tout interrompu leur activité, selon un sondage de l’UFME. Dès fin mars, elle s’est coordonnée avec le SNFA pour préparer les conditions d’une reprise progressive. « Il était capital de tous nous mobiliser, car il existe un effet filière important dans nos métiers. Entre les semaines 15 (6 avril) et 16 (13 avril), il y a eu l’amorce d’une reprise partielle. Actuellement [le 20/04], 78 % des fabricants ont repris une activité en mode dégradé », constate Robert Dollat.
EN PHOTO • Président de l’UFME, Robert Dollat estime que cette crise devrait accentuer la prise de conscience environnementale déjà à l’œuvre dans la filière. À ce sujet, le Haut Conseil pour le Climat a publié ce 21 avril – en écho au plan de relance gouvernemental – un rapport dans lequel il préconise de flécher les aides vers les filières bas-carbone et vertueuses. Et prône de planifier la neutralité CO2 dans ces secteurs.
Productivité grignotée
Petit à petit, l’activité s’organise – notamment pour la fabrication dans les ateliers. Mais, « la production s’effectue souvent avec des effectifs restreints pour l’instant sur la base du volontariat ou d’un accord d’entreprise. À raison de deux équipes lorsque, habituellement, trois équipes se relaient », constate-t-il à la lecture des sondages de l’UFME. Avec des temps de travail souvent limités pour éviter que les équipes ne se croisent. Avant de redémarrer la machine, il a aussi fallu « appliquer à la lettre les indispensables prérequis » : désinfection et nettoyage complets des usines, ateliers et bureaux. Pour protéger leurs opérateurs, les industriels appliquent les mesures sanitaires drastiques fixées par l’UIMM, mais aussi l’UFME et les recommandations de la médecine du travail : le rappel des gestes barrières avant chaque prise de poste, la prise de température et/ou port du masque, la règle de 2 mètres de distance entre chaque salarié, les fontaines à eau remplacées par la fourniture de bouteilles d’eau.
D’ailleurs, avec le Codifab (le collecteur de la taxe fiscale affectée pour les industries du bois et du meuble), l’UFME entre autres a mené une démarche conjointe pour approvisionner la filière en masques protecteurs. Si toutes ces mesures ont pu parfois retarder le redémarrage des usines – certains acteurs ne reprenant en 2-8 ou en 3-8 qu’à partir du 27 avril –, elles ont aussi « un impact sur la productivité ». Plusieurs acteurs du secteur évoquent des niveaux de productivité de l’ordre de 65 à 85 % comparés à la normale. Pour ceux qui sont adossés à un réseau d’installateurs ou de fabricants agréés, des réunions hebdomadaires sont organisées avec un panel clients. « C’est un temps d’échange sur les bonnes pratiques de travail liées à la crise sanitaire ; une façon aussi de recueillir les remontées des artisans qui viennent compléter le suivi des commerciaux », note Robert Dollat.
Reprise à l’été ? Et plan de relance ?
Avec des carnets de commandes quasiment à l’arrêt depuis plus d’un mois et demi, la profession reste circonspecte sur l’impact économique et financier de la crise. « Tout dépendra de la capacité du marché à redémarrer plus ou moins vite au cours des prochaines semaines. Les commandes restent conditionnées entre autres au rebond du volume des métrés réalisés sur les chantiers. Durant le confinement, les ménages obligés de télétravailler en auront peut-être profité pour réfléchir aux moyens d’optimiser le confort de leur logement. Vont-ils ou pas reporter les travaux de rénovation initialement prévus ? », s’interroge Robert Dollat. Sous-entendu : cette perte sera-t-elle récupérée en partie avec « des commandes lissées sur le reste de l’année » ? Sur la partie Chantier avec base-vie, ce sera sans doute « plus long et difficile ».
Le président de l’UFME appelle aussi « l’État à jouer son rôle de maître d’ouvrage. Plus de 30 000 communes ont un maire qui a été élu dès le 1er tour. Il faut qu’elles débloquent les travaux de rénovation et de maintenance ». Dans ce contexte, difficile de retrouver, a priori, rapidement les niveaux d’activité d’avant le Covid-19… « 2020 pourrait se résumer à une perte de 20 à 30 % de chiffre d’affaires. Ce sera peut-être moins ou plus ! », avance-t-il. À moins que… Robert Dollat suggère « des mesures gouvernementales spécifiques et massives pour le BTP dès cette année pour que la filière renoue avec un niveau d’affaires correct en 2021 ». Quoi qu’il en soit, le marché devra peut-être patienter un peu avant de retrouver le seuil des 10 millions de fenêtres posées. S. V.