Armel Le Compagnon (WorldSkills) : « L’avenir de notre économie passe par les apprentis »

Jérémy Becam
Image
logo générique ne pas toucher
Partager sur

Nommé président de WorldSkills France le 12 mai dernier, Armel Le Compagnon succède à Michel Guisembert. Dans ce contexte de crise économique et sanitaire, il revient pour Zepros, sur l’importance de l’apprentissage en France.

Zepros : Quelles missions vous êtes-vous fixées ?

Image

Armel Le Compagnon : La première mission de WorldSkills France est de faire participer le maximum de jeunes aux compétitions internationales, européennes et nationales tout en mettant en avant la promotion des métiers. Nous devons montrer que l’économie a besoin de ces métiers et cette crise en a été le parfait exemple. Dans mon programme, j’ai mis en avant trois axes principaux : la performance, la promotion des métiers et Lyon 2023 (ndlr : la France organisera la Worldskills Competition à Lyon en 2023). Concernant le premier axe, l’apprentissage représente aujourd’hui un enjeu très important dans l’économie mondiale. Les pays émergents et les grandes puissances comme la Chine ou la Russie se retrouvent régulièrement en tête lors des Olympiades des Métiers, ce n’est pas un hasard. Ces pays ont fortement investi dans la formation professionnelle et remportent logiquement les compétitions mondiales. Même si la France reste l’un des pays majeurs à chaque compétition, nous sommes passés de la septième à la neuvième place lors des dernières olympiades à Kazan. Pour renforcer notre performance, nous allons mettre en place un encadrement plus important tout en partageant cette expertise à l’ensemble des filières et des organismes de formation. En 2023, nous nous sommes fixé comme objectif de finir dans le top 5 des pays les plus médaillés. Nous devons élever notre niveau. Le deuxième axe, c’est la promotion des métiers. Les professions manuelles ont toujours souffert d’un manque de reconnaissance. Nous devons prouver que ces métiers peuvent s’intégrer dans l’économie de demain. Ces professions favorisent l’économie de proximité et nous pensons, qu’avec cette crise, c’est la voie à suivre. De plus, cette crise a repensé quelques valeurs fondamentales de la société comme le fait de se recentrer sur l’humain et aussi de conserver des savoir-faire locaux face à la mondialisation. Enfin, le fil rouge de ma présidence sera Lyon 2023. Nous avons de grandes ambitions pour la France et pour la formation professionnelle. Nous allons montrer à l’ensemble des acteurs de la formation le niveau que nous devons atteindre pour être performant dans l’économie mondiale.

Zepros : Comment vont se déroules les finales nationales dans le contexte actuel ?

A. L.C : Au 15 mars, nous avions effectué 50% des sélections régionales. Nous avons été obligés d’adapter le format de ces qualifications. Tout d’abord, nous ne pouvons plus les organiser sur un seul site. Nous avons ensuite repoussé les dates des sélections régionales jusqu’au 15 septembre prochain pour nous donner plus de temps pour répondre aux exigences sanitaires. De ce fait, nous avons également décalé les sélections nationales, initialement prévues en octobre, du 15 au 17 décembre prochain pour laisser le temps aux qualifiés de se préparer pour les finales. Le contenu des épreuves ne changera pas. Concernant les sélections régionales, elles devraient se tenir dans les centres d’excellence WorldSkills France.

Zepros : Vous êtes jusqu’au 12 juin encore président national de la Formation au sein de la FFB, quel regard portez-vous sur la situation du BTP face à cette crise ?

A. L.C : La Bâtiment a été très impacté par l’arrêt des chantiers et la mise en place du confinement. 90 à 95% des entreprises du secteur ont dû arrêter leur activité et mettre leurs employés au chômage partiel. L’activité est en train de reprendre progressivement et d’ici fin juin, l’ensemble des chantiers devraient reprendre. Néanmoins, les conséquences risquent d’être très importantes notamment avec des problèmes liés au décalage des chantiers et des surcoûts. Il y a en moyenne entre 5 et 15% de surcoût de chantier qui vont être imputés directement aux entreprises. Des négociations sont en cours concernant les chantiers publics avec certainement une répartition des surcoûts mais pour les chantiers privés, la situation est plus compliquée. Il risque également d’y avoir un creux de l’activité à l’automne ou à l’hiver ce qui va entraîner des difficultés de trésorerie pour les entreprises du secteur.

Zepros : La crise sanitaire va-elle freiner l’accueil des apprentis en entreprises ?

Image

A. L.C : Il va y avoir des répercussions sur l’apprentissage que ce soit dans le BTP ou dans les autres secteurs. Concernant le Bâtiment, certes l’activité a été freinée mais la demande est toujours là. Dans le même temps, les chantiers doivent être finis plus rapidement en raison du retard pris à cause du confinement. Certains travailleurs européens ont également dû quitter la France en raison des mesures sanitaires. Il va donc falloir de la main d’œuvre. Pour rester optimiste, il va forcément y avoir un impact sur l’apprentissage mais moins important que prévu initialement. Au niveau de WorldSkills France, nous allons lancer des expérimentations pour valoriser l’image des métiers du BTP avec une campagne nationale pour expliquer au grand public que les entreprises du secteur comptent sur les jeunes. Ces futurs professionnels ont un rôle à jouer dans l’avenir de notre économie. WorldSkills est une vitrine pour eux. Nous devons les aider à faire les bons choix et les accompagner dans leur futur métier. Dans le même temps, il y a un engagement fort du Président de la République et des différents ministères pour tirer vers le haut l’ensemble des métiers pour favoriser l’emploi et l’intégration des jeunes dans notre société. Nous étions dans une bonne courbe ascendante de l’alternance avant cette crise sanitaire.

Zepros : En quoi vont consister ces expérimentations ?

A. L.C : Jusqu’à maintenant, WorldSkills sollicitait ses partenaires et l’ensemble des organismes de formation pour trouver des jeunes. Finalement, nous étions à l’extérieur de ces organisations. Nous avons décidé, avec de nombreux acteurs de la formation du BTP, de répondre à l’appel à projets « Excellence des métiers » du CCCA-BTP . L’objectif pour notre organisation est de s’intégrer dans les centres de formation comme acteur de l’excellence par la création de masterclass et la formation des enseignants pour permettre un apprentissage avec les référentiels internationaux. Nous pourrons également promouvoir ces métiers à travers des opérations médiatiques, des roadshows ou des supports de labélisation des centres de formation. L’objectif est d’accueillir le plus d’apprentis possible dans cette filière d’excellence et de créer une dynamique positive de compétition. Nous espérons pouvoir la mettre en place dès septembre et ensuite pouvoir l’appliquer à d’autres secteurs.

Jérémy Becam
Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire