Réactions à la RE2020 : gaz et béton qui pleurent, bois et PV qui rient

Grégoire Noble
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[Zepros Bâti] Les ministres de la Transition et du Logement ont dévoilé les grandes évolutions de la Réglementation environnementale des bâtiments neufs. Et il y a des gagnants, comme les énergies renouvelables et la construction bois, et des perdants, comme la filière béton ou le gaz, exclu des constructions neuves à venir, et victimes de la chasse au carbone.

La filière de la construction va devoir s’adapter à une nouvelle réglementation environnementale pour les bâtiments neufs. Et cette adaptation sera plus ou moins facile selon les secteurs. Les deux ministres en charge, Barbara Pompili (Transition écologique) et Emmanuelle Wargon (Logement), ont notamment annoncé l’accent qui sera mis sur la construction bois et les biosourcés à l’avenir dans la maison individuelle et le petit collectif, tout en insistant sur la sortie des énergies carbonées, dont le gaz qui sera exclu du neuf.

Des annonces qui n’ont pas tardé à faire réagir tous les acteurs concernés, dont tout le monde du béton (FIB, SFIC, SNBPE, Unicem, UNPG). Ces industriels, aux côtés des professionnels de la construction métallique (SCMF) et des fabricants d’isolants en laines minérales (FILMM), s’insurgent contre l’avantage qui sera conféré aux matériaux biosourcés. Ils « pointent les incohérences relatives à l’introduction dans la réglementation d’un nouveau mode de calcul de l’empreinte carbone, dite ‘Analyse du cycle de vie dynamique simplifiée’ et une dérive de la loi qui favorisera le bois au détriment de l’innovation des solutions constructives ». Selon eux, la méthode de calcul choisie par le gouvernement, à la place de l’ACV classique déjà éprouvée, « induirait que le seul levier valable pour réduire l’empreinte carbone des bâtiments de demain serait une utilisation massive de produits biosourcés, avec une logique surconsommation de bois, au détriment d’une réflexion de fond relative à la conception des bâtiments, aux modes constructifs ou au mix de matériaux ».

Le monde du bois, par l’intermédiaire de l’Union des industriels de la construction bois (UICB) est évidemment d’un avis opposé. Dominique Cottineau, son nouveau délégué général, nous confie : « Nous sommes satisfaits de ce qui a été annoncé et nous attendons avec impatience les textes. L’ACV dynamique est véritablement un élément positif pour prendre en compte les éléments constructifs qui émettent aujourd’hui du CO2 et ceux qui en stockent. Faire du ‘bas carbone’ ce n’est plus suffisant. Le bois, lui, en stocke ». L’UICB note également que l’accroissement progressif des exigences carbone en 2024 et 2027 pour l’énergie est intéressant mais souhaite avoir des précisions sur les seuils retenus en ce qui concerne les produits de construction. Interrogé sur les capacités de la filière à faire face à la forte hausse du marché dans la maison individuelle et le petit collectif, Dominique Cottineau nous répond : « Nous sommes en mesure de répondre à ces enjeux. La mixité des matériaux sera importante et l’UICB accompagnera l’ensemble de la chaîne de valeur de la construction. Pour l’heure, le bois représente 10 % du marché de la maison individuelle. Avec la massification de ce marché viendra une baisse des coûts. D’autant que la filière sèche et la préfabrication amènent d’autres leviers d’optimisation économique ». Quant à l’approvisionnement en bois français, l’UICB a lancé un travail d’audit pour avoir une vision claire des ressources avec un observatoire dédié afin que des actions soient mises en place avec l’amont forestier.

Moins de gaz, plus d'électricité

Grande perdante de la future RE2020, la filière gaz, qui se trouve exclue de la construction neuve, alors qu’elle avait été encouragée dans la RT2012. Patrick Corbin, le président de l’Association Française du Gaz, commente brièvement : « Nous sommes déçus de l’intention politique exprimée : la RE2020 prévoit la sortie du gaz dans le logement neuf ; dès l’entrée en vigueur des décrets en 2021 pour les maisons individuelles et à partir de 2024 pour les logements collectifs. Alors que le réseau de gaz naturel sera de plus en plus renouvelable à horizon 2050, le gouvernement fait fi des gaz renouvelables pour les logements neufs. Même si l’on se félicite de la volonté de mettre fin au chauffage électrique par effet Joule, nous attendons des précisions quant aux critères permettant de l’exclure ». Le gaz restera toutefois largement employé dans le parc existant, comme l’a souligné Barbara Pompili, et son verdissement sera encouragé. Mais ce retour à l’électrification des usages – comme dans la RT2005 – ne manquera pas de poser question aux acteurs de l'énergie : « Le débat concernant la pointe électrique reste central et devra être abordé. En effet, bien que ces logements gagnent en efficacité énergétique, ils augmenteront la charge de la pointe, passant de 200 000 à 400 000 nouveaux logements à l’électricité chaque année ».

Outre la sobriété grandement accrue des constructions RE2020, une autre partie de la réponse viendra de la production des EnR. Le Syndicat des énergies renouvelables (SER) a d’ailleurs réagi positivement en saluant les orientations ambitieuses : « Si l’ensemble des arbitrages n’est pas encore connu, par exemple le plafond de la consommation d’énergie primaire non renouvelable, cette réglementation permettra de massifier le recours aux énergies renouvelables dans l’habitat neuf, en particulier dans la maison individuelle où le panel de solutions techniques est particulièrement large. Les ambitions de même nature pour le logement collectif sont, quant à elles, fixées à 2024 ». Le SER se félicite également de l’encouragement apporté aux biosourcés : « Les dynamismes des filières bois construction et bois énergie sont intimement liés et éminemment complémentaires ». Dans ce satisfecit généralisé, le SER apporte toutefois un bémol : « Seule déception, la prise en compte limitée de l’électricité solaire produite sur les bâtiments neufs qui ne permettra pas d’accélérer le développement des technologies de réseaux intelligents ».

La réaction est en revanche beaucoup plus mitigée à la Fédération Française du Bâtiment. Si elle « se félicite d’avoir été entendue sur la nécessaire progressivité de l’exigence carbone prévue la RE2020 (…) les objectifs et délais annoncés lui semblent irréalistes, tant sur le plan économique que sur la capacité de la filière à s’adapter à ces changements radicaux ». Bien que l’expérimentation E+C- préfigurant la RE2020 ait été lancée en novembre 2016 – soit voilà 4 années pleines – le secteur de la construction semble donc pris de vitesse. Sur les biosourcés par exemple, elle déclare : « Si la FFB est favorable à un accroissement de l’utilisation des matériaux biosourcés, elle considère que, compte tenu des parts de marché actuelles et du manque de visibilité sur les capacités de production française, cette trajectoire sous-estime les nécessaires adaptations des différentes filières ». Concernant le gaz, elle s’inquiète « de la mort annoncée d’une filière porteuse d’emplois qualifiés, choix d’autant plus désastreux que les équipements s’avèrent majoritairement produits en France ». Le pôle Habitat de la FFB (ex LCA-FFB) estime que le surcoût pour la construction neuve sera de +10 à +15 % dès 2021. Grégory Monod, son président ajoute : « Si les orientations annoncées se traduisent effectivement dans les textes réglementaires, acheter dans le neuf deviendra demain un luxe réservé aux plus aisés, sauf à ce que le gouvernement révise significativement et durablement son soutien au logement neuf (…) La RE2020 risque malheureusement d’être synonyme de renoncement des ménages modestes à accéder à un logement neuf et d’accélération de la chute de l’activité ».

L’exécutif semble déterminé à mener la chasse au carbone, reste à savoir si les textes réglementaires qui sortiront en 2021 seront aussi ambitieux que ce qui a été annoncé ce mardi 24 novembre par les ministres du Logement et de la Transition écologique.

G.N.

Grégoire Noble
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