RE2020 : des ajustements et un nouveau calendrier

Grégoire Noble
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[Zepros Bâti] Emmanuelle Wargon a présenté, ce jeudi 18 février 2021, les détails définitifs de la prochaine Réglementation environnementale des bâtiments neufs, dite « RE2020 ». Si le calendrier est légèrement modifié – avec une entrée en vigueur au 1er janvier 2022 – et quelques seuils ajustés, la ministre n’est pas revenue sur l’analyse de cycle de vie dynamique, ni sur les principes fondateurs de cette réglementation qui entérine la chasse au carbone dans les matériaux et énergies. Les réactions à ces annonces n’ont pas tardé.

La RE2020 n’entrera finalement en vigueur que le 1er janvier 2022, avec une année entière de retard sur le calendrier initialement prévu. Un effet du Covid mais également de la mobilisation de certaines filières qui demandaient des ajustements et plus de temps pour se préparer à cette nouvelle réglementation pour la construction neuve. La ministre du Logement a annoncé, ce 18 février 2021 : « Les derniers ajustements ont été faits. La RE2020 est nécessaire pour atteindre les objectifs de décarbonation de la Stratégie nationale bas carbone. Car en 2050, ces bâtiments neufs représenteront plus de 25 % du parc ». D’où l’importance des les bien concevoir et de les construire en minimisant dès à présent leur empreinte. Emmanuelle Wargon précise : « L’objectif est de réduire d’un tiers les émissions du secteur du bâtiment dans les 10 ans ».

La ministre annonce que, suite à des « concertations intenses » avec tous les acteurs des différentes filières de matériaux et d’énergies, la réglementation maintiendra ses ambitions finales mais assouplira certains points de passage. La question des délais, par exemple, a été revue : le monde de la construction disposera de 6 mois supplémentaires pour se préparer au grand saut. Un décalage qui se répercutera également sur les différents jalons où entreront en vigueur des exigences de plus en plus élevées concernant la réduction de l’impact carbone, à savoir en 2025, 2028 et 2031 (au lieu de 2024, 2027 et 2030).

Fin du suspense : l'ACV dynamique et la sortie du gaz sont maintenus

En matière d’énergie, pour permettre une transition plus douce, le ministère fait savoir : « Des permis de construire pour des maisons individuelles chauffées au gaz pourront encore être obtenus jusqu’à fin 2023, lorsqu’un permis d’aménager prévoyant une desserte en gaz a été délivré ». Mais pour les autres, l’interdiction de nouvelles installations de chauffage au gaz sera bien maintenue à 2022 dans la maison individuelle. Emmanuelle Wargon a également annoncé des ajustements sur le contenu de la réglementation, notamment pour les réseaux de chaleur, dont la décarbonation sera encouragée. « Ce qui sera doublement profitable : pour les maisons neuves mais également pour l’existant », souligne la ministre du Logement. Côté biogaz, une réflexion sur les mécanismes spécifiques de développement du biométhane, chargé de venir remplacer le gaz naturel importé, pour les projets de construction doit se poursuivre.

Concernant les modes constructifs, pas de changement majeur : l’analyse de cycle de vie dynamique (pour comptabiliser les émissions de carbone et le stockage d’un bâtiment) est conservée et elle fera même l’objet d’un travail de normalisation sera fait pour que la France parvienne à l’exporter à ses partenaires européens ! Emmanuelle Wargon ajoute : « L’USH, la FFB et la FPI demandaient un traitement différencié pour les fondations », ce qui a été accordé. Les travaux du lot « Infrastructure » qui subissent des contraintes particulières, liées à la nature du terrain ou à l’urbanisme local, pourront effacer jusqu’à 100 % du dépassement du seuil de 40 kgCO2/m², afin de ne pas pénaliser les maîtres d’ouvrage pour des raisons géotechniques. Cependant, cette situation restera exceptionnelle : le ministère de la Transition écologique insiste bien : « Au-delà de l’usage de matériaux qui stockent le carbone (bois et biosourcés), cette nouvelle réglementation encouragera le recours aux géosourcés (comme la pierre de taille ou la terre crue) et aux matériaux plus usuels (brique et béton notamment) » s’ils répondent aux exigences de décarbonation. Selon la ministre : « Chaque filière aura sa place, tant que les engagements seront tenus », militant au passage pour davantage de mixité des matériaux.

Un Observatoire de la RE2020 pour suivre son entrée en vigueur

Pour mieux suivre l’application de la RE2020 et, si nécessaire, faire évoluer le texte, le gouvernement prévoit la mise en place d’un Observatoire dédié, piloté par la DHUP et qui travaillera en lien étroit avec le Conseil supérieur de la Construction et de l’Efficacité énergétique (CSCEE). Sur une base annuelle, il pourra par exemple mieux appréhender la question du surcoût de la construction ou de la quantité de logements produits pour identifier les difficultés et lever certains freins ou, au contraire, renforcer certaines exigences trop souples. Cette clause de revoyure semblait indispensable à plusieurs acteurs du secteur, inquiets d’une mise en application trop rigide et dogmatique de la RE2020. La FFB notamment souhaite pouvoir vérifier en cours de route « si les seuils fixés sont réalistes ». Emmanuelle Wargon conclut : « La RE2020 porte une ambition écologique ET sociale. Elle intègre pour la première fois le confort d’été et la qualité de vie dans les logements, ce qui est très important ». Trois exigences restent donc au cœur de cette nouvelle réglementation : le Bbio à -30 %, l’impact carbone matériaux et l’impact carbone énergies.

G.N.

Coup de maître ou coup de bambou ?

Les réactions des acteurs de la construction sont à la hauteur de l'ambition du texte. La Fédération Française du Bâtiment, salue "des avancées substantielles pour un programme très ambitieux". Elle souligne que l'atteinte des objectifs restera compliquée avec certaines exigences à 2028 ou 2031 qui resteront inatteignables avec des technologies actuelles et qui nécessiteront de fortes évolutions de l'industrie et des métiers. La clause de revoyure mise en place est de nature à rassurer Olivier Salleron (président de la fédération) qui déclare : "Nous allons nous engager pour relever le challenge. Il faudra toutefois s'assurer de mesures d'accompagnement suffisantes pour permettre à nos clients de supporter les surcoûts associés à cette nouvelle marche et à nos entreprises de se structurer, se former et s'équiper en conséquence".

Emmanuelle Cosse, présidente de l'Union sociale de l'habitat (USH) et ancienne ministre Logement, menait un combat pour modifier certaines dispositions de la RE2020, notamment sur la meilleure prise en compte de l'impact carbone incontournable des fondations. Son appel ayant été entendu, elle explique : "La concertation avait été faite à l'envers et menait à des tensions. Mais les ambitions restent partagées par les bailleurs sociaux, qui souhaitent bien loger leurs locataires. La RE ne doit pas les oublier en devenant trop technocratique et en oubliant le confort et la façon d'habiter un logement". Elle souhaitait également que la porte ne soit pas fermée au gaz vert et que le surcoût reste contenu, afin de continuer à pouvoir produire des logements abordables.

Cette question inquiète également la Fédération des Promoteurs Immobiliers (FPI) qui met en balance des bénéfices environnementaux "à ne pas surestimer" et un surcoût qui pourrait être important. Son représentant, Alexis Rouque, déclare : "Il y a moins de vertu climatique à aller chercher dans le neuf que dans la rénovation", avançant des enjeux de soutenabilité économique et technique. "Il ne faut pas s'enfermer dans des solutions techniques uniques et rester vigilant", plaide-t-il.

Mais la réaction la plus négative vient du groupement de différentes filières (béton, construction métallique, aluminium, isolants et laines minérales, plasturgie, tuiles & briques) qui accuse le coup. Il se dit "sous le choc après l'annonce du maintien du nouveau mode de calcul du poids carbone" dit Analyse du cycle de vie dynamique simplifié. Une méthodologie qui donnerait un avantage artificiel aux produits biosourcés qui rendrait inutile les efforts de décarbonation des autres filières. "Cette décision qui constitue donc un véritable frein aux engagements pris et aux nombreux projets d'investissements déjà en cours (...) représente également un risque de délocalisation, fragilise de nombreuses entreprises et en particulier des PME, s'inscrivant en totale contradiction avec le plan de relance". Une incompréhension qui ne devrait pas s'arranger avec l'idée que la France cherchera à exporter son ACV dynamique à ses voisins européens à l'occasion de la présidence française de l'Union...

Grégoire Noble
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