Les entreprises artisanales, un modèle d’avenir

Grégoire Noble
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Capeb AG

Lors de son assemblée générale du 14 avril 2023 à la Mutualité de Paris, la Capeb s’est interrogée sur le modèle de développement de ses adhérents. Proches des Français, les artisans ont de multiples cartes à jouer dans le futur de la nation, et ne doivent pas se voir comme des concurrents entre eux, mais comme de potentiels partenaires.

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Rénovation énergétique, adaptation du logement, nouvelles pratiques et matériaux traditionnels… les chantiers ne vont pas manquer pour les artisans du bâtiment. Mais ce type d’entreprise est-il un modèle d’avenir s’interroge la Confédération qui les rassemble ? Pour tenter de répondre à cette question, la Capeb avait invité de nombreux intervenants à participer à plusieurs tables rondes lors de son assemblée générale. Dont Pierre Sabatier, économiste et prospectiviste mais également entrepreneur et élu local, qui résume : « Les entreprises sont ancrées dans les territoires, proches des populations. Elles reposent sur une valeur fondamentale de proximité. Elles amènent également une notion de fierté, d’engagement, de responsabilité ». Pour lui, l’erreur serait de considérer toutes les entreprises voisines comme des rivales : « Il faut insuffler du collectif et grandir en se rassemblant. Mon voisin n’est pas mon premier concurrent ». Seul on va plus vite, mais ensemble on va plus loin, dit l’adage que semble reprendre l’économiste, qui estime que les groupements permettent d’adresser des problématiques plus globales.

« Souvent l’artisan est le seul acteur économique d’une commune. Il a un vrai rôle économique, au travers de groupements si nécessaire », Gilles Chatras (président Capeb Puy-de-Dôme)

Même constat pour David Amiel, député de Paris et membre de la commission des finances : « Nous avons besoin des artisans pour créer de l’emploi et aider les Français à rénover leur logement. Ils ont un rôle clé à jouer avec leurs compétences et répondre aux fractures territoriales et sociales du pays ». Catherine Vautrin, présidente de l’ANRU (Agence nationale de rénovation urbaine), rebondit : « L’artisanat, c’est la notion même de proximité sur l’ensemble du pays à l’échelle des communes. Il y a de très nombreux chantiers de renouvellement urbain dans des petites villes, comme Alès ou Nemours, pour rénover des centres-villes dégradés ou réhabiliter de grands ensembles. Nous avons besoin du savoir-faire des artisans ». Elle précise que dans tous les projets, des lots existent pour des entreprises de toutes tailles, n’excluant pas les plus petites d’entre elles pour qu’elles puissent bénéficier de retombées économiques locales. Les appels d’offres doivent d’ailleurs répondre de plus en plus à une charte de la commande publique afin de faire travailler les entreprises du territoire en priorité. « C’est un sujet à améliorer encore, y compris pour les marchés de moins de 100 k€ », admet Catherine Vautrin qui précise qu’une plateforme numérique est en cours d’expérimentation.

« Financement des particuliers, attractivité des métiers, formation des professionnels et retour de la confiance sont les quatre priorités pour l’artisanat du bâtiment » Jean-Marc Jancovici (The Shift Project)

Plusieurs enjeux coexistent, selon David Amiel : le soutien aux ménages sous la forme d’aides à la rénovation (trop complexe ou excluant), l’évolution de la qualification des artisans et le futur des métiers au travers de la question essentielle du recrutement. L’élu de Paris répond : « Comment rendre les aides plus efficaces ? En simplifiant la rénovation globale qui ne concerne aujourd’hui que 66 000 dossiers sur 700 000. Il faut également aider les classes moyennes, peut-être pas avec MaPrimeRénov’ destinée en priorité aux ménages modestes, mais avec un soutien du secteur bancaire ». Il évoque le Prêt Avance Rénovation, qui ne présente aucune condition de ressource et pourrait permettre de financer davantage de projets. Mais « le problème est que les banques ne jouent pas le jeu », déplore Philippe Pelletier, président du Plan Bâtiment Durable. « Nous avons essuyé un échec à les embarquer, et le tiers financement par les régions n’a pas marché. Peu d’établissements bancaires s’y sont mis et c’est un sujet qui me désole ». Le responsable estime qu’il faudrait peut-être s’inspirer de l’exemple allemand où une banque (Kreditanstalt für Wiederaufbau, KfW) est dédiée uniquement à la rénovation énergétique. La Caisse des Dépôts pourrait ainsi être sollicitée en France pour aider à financer les opérations.

L’avenir du label RGE reste encore nébuleux. En perte de vitesse, décrié, il ne fait plus du tout l’unanimité au sein de la Capeb. Pour David Morales, vice-président en charge des affaires économiques à la confédération, « RGE est en fin de course. Il faut faire évoluer le système et il y a une solution à trouver pour gérer les interfaces entre travaux ». Philippe Pelletier, qui est à l’origine de ce label de qualité, répond : « RGE n’est plus du tout à l’échelle des besoins. La qualification RGE par chantier existe mais elle reste complexe et chère. Alors faut-il passer à autre chose ou penser à une évolution radicale ? L’objectif reste le même : que les entreprises soient qualifiées pour faire des travaux subventionnés par de l’argent public ». L'artisanat a donc bien de l'avenir mais il reste beaucoup à écrire.

Grégoire Noble
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