Évolutions de MaPrimeRénov’ : des réactions mitigées

Grégoire Noble
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Au lendemain des précisions apportées sur les contours des deux piliers « Performance » et « Efficacité » de l’aide publique MaPrimeRénov’, les réactions sont nombreuses de la part des professionnels de la rénovation énergétique. Sonergia, Hellio et Heero saluent des avancées mais pointent également des faiblesses. Tour d’horizon.

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Le dispositif d’aide MaPrimeRénov’ continuera d’évoluer en 2024. Désormais basé sur deux piliers distincts, l’un pour les rénovations globales de passoires énergétiques et l’autre pour le seul remplacement des systèmes de chauffage par des PAC (en gros), il sera plus richement doté mais également davantage scruté. Suite à l’annonce de ces importants changements, qui marquent vraiment une remise à plat du marché de la rénovation énergétique, les acteurs du secteur ont été nombreux à réagir.

Notamment Heero, startup nantaise spécialisée dans le financement des opérations, par la voix de Romain Villain, son directeur général : « On note une accélération des mesures prises en faveur de la décarbonation du logement qui va dans le bon sens, en adéquation avec les annonces faites depuis début juin 2023, répondant à la volonté notamment de supprimer d’ici 2030, 70 % des chaudières fioul et 20 % des chaudières gaz. L’augmentation du budget en cas de rénovation d’ampleur et le fléchage des aides pour les ménages modestes et très modestes est une très bonne nouvelle, avec notamment le rehaussement des plafonds avec un reste à charge de seulement 10 % pour les plus modestes. On sent une vraie volonté du gouvernement de lutter contre la précarité énergétique ». Même sentiment chez Hellio (délégataire de CEE), où le président, Pierre Maillard, déclare : « Hellio salue la volonté du gouvernement de simplifier et d’amplifier les aides à la rénovation énergétique, ce qui devrait permettre d’accélérer le secteur ! Hellio poursuit son travail engagé en tant que mandataire auprès de l’Anah depuis 2020 pour accompagner toujours davantage les ménages dans les meilleurs choix de travaux, et la meilleur optimisation possible des aides financières ». Sonergia (autre acteur des CEE) note également des « avancées significatives dans cette réforme, qu’il s’agisse du soutien renforcé au financement des travaux venant minimiser le reste à charge, du recours à un accompagnement par un tiers de confiance, de la prise en compte du confort d’été ou encore de la lutte contre l’habitat indigne ».

Beaucoup d’incertitudes encore

Mais les trois acteurs s’interrogent sur de nombreux points. Romain Villain (Heero), note : « L’incitation aux rénovations d’ampleur est une très bonne chose, mais se pose toujours la question du financement du reste à charge une fois les aides perçues, en particulier pour les ménages des classes moyennes qui sont très peu aidés dans le cadre de MaPrimeRénov’… Ils peuvent percevoir des CEE d’un montant de 2 500 € pour l’installation d’une PAC [mais] de nombreux propriétaires vont devoir encore arbitrer entre réaliser des travaux geste par geste qui permettent parfois de sortir de la situation de passoire thermique avec un reste à charge d’environ 10 k€, ou effectuer une rénovation globale avec un reste à charge pouvant vite atteindre les 50 k€ ».

Chez Sonergia, on craint que « la délivrance des aides proportionnellement au devis risque de créer un effet inflationniste » et on soutient que « le maintien d’un forfait aurait permis de limiter les dépenses publiques par chantier en massifiant le nombre de chantiers bénéficiaires ». La société s’inquiète également du mélange des genres dans le pilier « Rénovations d’ampleur », « un mix malheureux entre des sauts de classes énergétiques (obligation de résultat) et des gestes imposés (obligation de moyens) », dont l’ambition serait dégradée, « un saut de 4 classes pouvant ne pas amener au niveau BBC ». Sur le reste à charge également, Sonergia pointe des incohérences : « La réponse apportée par l’Éco-PTZ n’est pas recevable. Il est en effet illusoire de penser qu’un foyer disposant de 25 k€ de ressources (ménage très modeste) va engager des travaux d’ampleur générant un reste à charge de 10 k€ qu’il va venir financer avec un prêt, même à taux zéro ». La question se pose également pour les autres ménages, moins défavorisés : « Est-il raisonnable de penser que des ménages intermédiaires (revenus du foyer de 40 k€) vont pouvoir avancer des aides pour la rénovation d’ampleur correspondant au montant de leurs revenus annuels ? ». La société entrevoit une possibilité de blocage en 2024 en l’absence de plans de financements adaptés.

Heero, de son côté, pense que d’autres problématiques pourraient surgir rapidement, notamment le manque d’artisans RGE et d’Accompagnateurs Rénov’ agréés : « Dans l’intérêt général des Français, imaginons un écosystème avec davantage d’association entre le public et la puissance d’innovation du secteur privé pour une meilleure expérience du financement : un suivi d’avancement du dossier plus digital et plus instantané, et des délais de paiement raccourcis. Est-ce que les 2 000 Accompagnateurs Rénov’ seuls permettront d’être au rendez-vous de l’ambition fixée de 200 000 rénovations globales en 2024 ? ». Bien peu sont enclins à le croire.

Grégoire Noble
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