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Le paradoxe des matériaux composites dans la construction

Grégoire Noble
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fibre carbone tube

Lorsqu’on pense matériaux composites, on y associe immédiatement des filières technologiques comme l’aérospatiale ou l’automobile. Cependant, le secteur de la construction est le 1er utilisateur de ces matériaux dans le monde. Étrange quand on sait que les composites ne représentent qu’une part infime du poids d’un bâtiment… Explications.

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Qui sont les matériaux composites ? Selon la définition de JEC Observer, il s’agit de matériaux comportant une matrice organique et un renfort de fibres. Les polymères renforcés de fibres de verre ou de fibres de carbone font ainsi partie de cette famille aux utilisations multiples : aérospatiale, automobile, construction navale, santé, sport mais également – et surtout – construction et énergie. À quelques semaines du salon JEC World (25 au 27 avril à Villepinte), les spécialistes font un focus sur le marché mondial des composites, qui est estimé à 12,7 Mt consommées, soit presque 40 Mrds €. Ce marché global se répartit entre l’Asie (47 % de la production), l’Amérique (29 %) et l’Europe (24 %). Cette industrie emploie environ 2 millions de personnes sur la planète, en majorité de la main d’œuvre qualifiée, instruite et formée à la fabrication et au traitement des composites. Et les volumes produits servent en majorité à… la construction ! En effet, ce secteur consomme le quart des quantités produites, soit 3,3 Mt/an. Il devance l’énergie (18 %) et l’industrie électronique (16 %).

Les experts rappellent que les composites viennent en substitution des matériaux traditionnels, tels que l’acier, l’aluminium ou le bois. Ils apportent plus d’efficacité ou de résistance (notamment à la corrosion, à la chaleur et aux UV) pour un poids moindre. Ce qui les rend intéressants pour remplacer des fers à béton par exemple. JEC Observer note : « Des applications telles que les barres d’armature composites – qui devraient être de plus en plus utilisées dans les bâtiments et infrastructures – offrent un potentiel [de croissance] supplémentaire ». Car pour l’heure, en quantité, les projets de construction ne font que très peu appel aux matériaux de pointe (1 %). Le béton et la maçonnerie écrasent encore tous les autres matériaux (80 %), y compris le bois (10 %) qui effectue un retour en grâce, ou l’acier (5 %), le verre et les plastiques. Mais le nombre de nouvelles constructions et celui des réhabilitations fait que les volumes totaux consommés sont énormes.

Pales d’éoliennes, réservoirs d’hydrogène, les applications sont infinies

Le monde de l’énergie est également un grand amateur de composites, notamment pour la production de renouvelables. Comme le souligne JEC Observer, « les éoliennes ne pourraient tout simplement pas exister sans eux, puisqu’ils représentent environ 73 % des matériaux nécessaires (…) Les composites ont joué un rôle crucial dans le développement de pales plus grandes, pour générer plus d’énergie et permettre la mise en œuvre de parcs offshore ». Leurs propriétés mécaniques ne pourraient en effet pas être retrouvées au moyen d’autres solutions classiques. Ils sont également utilisés dans la construction de réseaux de distribution et de points de stockage, notamment de tuyaux et de réservoirs. Le secteur énergétique devrait d’ailleurs être le principal moteur de la croissance du marché des composites dans le monde, porté par l’essor des renouvelables et de la mobilité hydrogène. Les batteries des véhicules électriques font appel aux composites, cette fois pour leurs propriétés d’isolation, d’étanchéité et de résistance au feu. Selon les prévisions des experts, le marché des matériaux avancés devrait donc poursuivre sa croissance d’année en année, pour atteindre les 15 Mt en 2027, dont 3,6 Mt pour la construction (24 %) et 2,1 Mt pour l’énergie (14 %).

De nombreux exemples réussis

En 1998 déjà, le centre hospitalier de Cherbourg consolidait ses planchers par le procédé Carbodur (Sika) où des fibres de carbone tressées étaient noyées dans une résine époxy afin d’apporter plus de résistance à la dalle en traction. Au tout début des années 2000, le CSTB délivrait un Avis technique pour les procédés de renforcement des structures au moyen du collage de tissus ou de lamelles de fibre carbone. En Suisse, en Allemagne et en Italie, la société TechnoCarbon, qui produit du CFS (Carbon Fiber Stone), un sandwich associant feuillets de fibres carbone et pierre naturelle, a déjà réalisé différents bâtiments avec son matériau « quatre fois plus résistant à l’effort que l’aluminium », soit un niveau comparable à celui du très rare titane. Côté prix, ces feuillets composites pourraient venir concurrencer l’inox à l’horizon de 2030. Malgré une durée de vie longue, supérieure à 50 ans, la question du recyclage des matériaux composites se pose également lors de travaux ou de déconstruction des bâtiments les incorporant. Là encore, pas de souci : les fibres longues généralement utilisées dans la construction peuvent être réduites en fibres courtes pour être incorporées dans de nouveaux matériaux, dont le béton fibré… Pour peu que sa formulation soit allégée en CO2, on pourra alors parler de « béton bas carbone enrichi en carbone ». Un comble.

Grégoire Noble
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