Génie climatique : une année 2023 compliquée et 2024 sera tout aussi difficile

Grégoire Noble
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Uniclima Bilan 2023

Que ce soit dans le neuf ou dans la rénovation, dans le logement individuel ou dans le tertiaire, les marchés sont difficiles pour presque toutes les technologies, selon Uniclima. Le ralentissement de la construction touchera les activités de CVC en 2024 encore plus fortement qu’en 2023, tandis que la rénovation reste en-deçà des attentes… Demeurent quelques rayons de soleil, pour le solaire thermique, les PAC air-air ou géo, les CET et les VMC.

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L’inquiétude est de mise. Stanislas Lacroix (Aldes), le président du syndicat industriel Uniclima, résume : « L’année écoulée a été difficile, notamment dans le neuf avec -22 % pour le logement et -15 % pour le tertiaire. Et le rythme des autorisations et mises en chantier est épouvantable. Cela touchera nos activités sur 2024 plus fortement qu’en 2023… Il y a eu beaucoup d’efforts sur la rénovation mais l’activité souffre également et reste en dessous des attentes en n’ayant pas connu le développement annoncé. Dans les faits, MaPrimeRénov’ n’a pas atteint ses objectifs puisque 70 000 rénovations d’ampleur ont été réalisées sur 90 000 prévues. Pour le tertiaire, les chiffres sont également très mauvais, puisque nous attendons toujours les effets positifs du décret Tertiaire… ».

Logiquement, les fossiles accusent une nouvelle baisse

Dans le détail, pour chaque famille technologique, le repli est marqué. Par exemple, les chaudières gaz et fioul connaissent une 2e année de baisse consécutive, avec 120 000 générateurs vendus en moins. Jérôme Pradal (Ariston), précise : « Ceci à cause de l’impact du neuf mais pas que. L’arrêt des aides en rénovation et le flou dans l’association chaudière-énergie qui la fait fonctionner (biofioul, biométhane…) pose des questions sur les perspectives. Et quid de l’hybridation (chaudière+PAC) ? ». Du côté de l’entretien, là aussi les indicateurs sont dans le rouge : brûleurs gaz et brûleurs fioul (-28 %) sont en perte de vitesse, avec 10 000 pièces de moins par rapport à 2022. « Le parc installé est juste maintenu en vie. C’est une opportunité ratée de les optimiser », ajoute le spécialiste. Pour les radiateurs à eau, même constat (-16 %) : « Le gisement n’est pas saisi pour l’optimisation, le confort ou le design ».

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Uniclima Bilan 2023 Gaz Fioul

Des EnR aux fortunes diverses

Les chaudières biomasse, qui devraient pourtant être portées par la tendance à se tourner vers des énergies renouvelables locales, les industriels constatent au contraire une très forte baisse (-60 %) principalement sur les chaudières à granulés. Ce segment voit les ventes reculer de 25 000 générateurs. Eric Trendel (commission EnR Uniclima) analyse : « C’est un marché de remplacement des chaudières fioul. Et le prix de l’énergie a connu un accident il y a maintenant 18 mois qui a provoqué le désintérêt du grand public ainsi que l’abandon des gros installateurs qui se tournent vers le photovoltaïque. Et en 2024, la baisse des aides de -30 % entraîne un problème d’image, car une énergie plus soutenue semble être abandonnée… ». Pour l’expert, la refonte du système d’aides a des effets catastrophiques. Heureusement, pour les renouvelables, le solaire thermique affiche une meilleure santé (+8 %). Valérie Laplagne (Uniclima) souligne : « Le système combiné chauffage-ECS progresse fortement dans l’individuel, comme en Allemagne, mais cela reste un marché de niche ». Elle rappelle également que les critères d’aides ont évolué afin de prévenir le risque de fraude, en instaurant notamment une surface minimale de capteurs solaires. Car en 2023, les industriels annoncent avoir vendu 20 000 chauffe-eau solaires individuels (CESI) alors que l’Anah aurait soutenu l’installation du… double de ce nombre !

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Uniclima Bilan 2023 Solaire thermique

Demi-surprise : une baisse à 2 chiffres pour les PAC air-eau

Mauvaise nouvelle, les pompes à chaleur subissent une baisse de la demande (-14 %). « Mais le niveau reste élevé avec 300 000 machines », tempère François Deroche (Afpac). « La crise du bâtiment est bien là, elle affectera le second œuvre et même le segment de la rénovation est en récession ». Pour lui, la conjoncture économique globale et la complexité des aides, ne plaident pas pour l’adoption des PAC. Techniquement, les bi-blocs souffrent (-23 %) avec 70 000 pièces de moins vendues par rapport à 2022, tandis que les monoblocs relèvent le niveau (+37 %) avec 20 000 pièces de plus. « Les monoblocs pèsent maintenant 1/4 du marché. L’explication réside dans l’anticipation de la F-Gas puisque les fluides inflammables sont confinés à l’extérieur du bâtiment ». Le spécialiste des PAC note également une baisse du marché des petites puissances (<6 kW), puisque ces machines sont destinées au neuf particulièrement bien isolé et aux besoins de chauffage moindres. Concernant les fluides, le marché délaisse évidemment les molécules à fort potentiel de réchauffement planétaire (>750) comme le R410 (-43 %) pour s’orienter vers des gaz moins nocifs pour l’atmosphère comme le R32 (+10 %) ou les R454c et R290 (+57 %). Enfin, le segment des PAC géothermiques « commence enfin à frémir » (+18 %). Mais il reste cependant un marché confidentiel avec quelques centaines de machines seulement. Quant au chauffe-eau thermodynamique (CET), il affiche une année record (+6 %) avec 177 000 pièces écoulées.

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Uniclima Bilan 2023 PAC Fluides

Les PAC air-air battent un nouveau record

Sur la réglementation, Eric Jasikas (Carrier HVAC) explique : « La F-Gas vient d’être publiée en janvier 2024, elle a été traduite mais n’est pas encore disponible pour le public. Ce qui se fera en mars ou avril. Des définitions et clarifications restent à apporter notamment sur le choix des technologies imposées ». Concernant les grosses PAC « chillers » (>50 kW), le segment enregistre une progression (+7 %) mais les industriels s’attendent à subir un impact légèrement négatif cette année. La baisse entrevue dans l’hôtellerie et les bâtiments de santé, sera partiellement compensée par la bonne tenue des installations industrielles, des data centers et des centres logistiques (pour les rooftop).

Pour la climatisation tertiaire (DRV), là aussi le marché se maintient (+1,4 %) mais tend à ralentir, attendant toujours les bénéfices du décret Tertiaire. Le nombre d’unités intérieures vendues a reculé (-2 %) en raison du besoin d’un nombre plus faible d’unités par groupe extérieur. Sur les systèmes splits, les fortes puissances restent stables, tandis que les petites PAC air-air sont particulièrement dynamiques (+13 %). Pas moins de 910 000 groupes extérieurs ont ainsi été vendus en 2023, ce qui constitue là aussi un record ! Uniclima estime que cette technologie, jadis choisie uniquement pour le rafraîchissement, sert aujourd’hui de plus en plus au chauffage.

Au sujet de ventilation et de qualité d’air intérieur, Uniclima note que le marché fait davantage confiance aux VMC simple flux (+5 %) qu’aux double flux (-45 %). Yves D’Andon (Atlantic) « déplore l’impact des aides complexifiées et changées, qui ont diminué considérablement entraînant un arrêt du marché » pour les VMC les plus performantes. Pour les autres types de bâtiments (tertiaire, industriels) la ventilation reste bien orientée, quelle que soit la technologie choisie (+5 % en simple et +6,5 % en double flux).
 

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Uniclima Bilan 2023 PAC air-air

Quelles perspectives pour 2024 ?

Jean-Paul Ouin, encore délégué général d’Uniclima pour quelques semaines, conclut : « Nous ne mettrons pas de PAC partout ! Dans beaucoup beaucoup d’endroits, mais pas partout. Il faudra tenir compte de l’émergence des bioénergies. Nous ne pourrons pas nous en passer ». Le président du syndicat, Stanislas Lacroix, renchérit : « La visibilité est impérative. Il faut des étapes claires, une vision à long terme pour permettre des investissement industriels massifs ». Il attend également l’effet entre rénovation et ventilation, non traduit dans les textes. Et émet des doutes sur l’efficacité des rénovations d’ampleur en militant pour des rénovations par étapes successives… pourvu que les travaux commencent par le chauffage ! La filière, chahutée, aura le plaisir de se retrouver sur Interclima à Paris, entre le 30 septembre et le 3 octobre pour une édition « très positive ».

Grégoire Noble
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